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Albanais 1900 – Vivre à la Belle Époque et les nuées de la guerre

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Dans l’Albanais à la Belle Époque

Vivre à la Belle Époque

LA SAVOYARDE

Lorsque j'avais vingt ans, à l'aube des dimanches
Ivre de joie et d'air, j'aimais à m'isoler
Du vain monde en allant, comme autrefois, fouler
Les champs où le ceuillais marguerites et pervenches.

Dans mes courses j'avais le plaisir de parler
À quelque femme ayant coiffe en dentelles blanches
Sur son fichu le cœur et la choix d'or ; des hanches
Prises par un jupon qui semblait les mouler…

Savoyarde d'antan, oh ! qu'es-tu devenue ?
Ainsi que tes atours et leur grâce ingénue
De ton corps faisant mieux ressortir la beauté.

Les filles de nos jours dédaignant le costume
Cher aux temps disparus, dans mon cœur attristé
Je sens grandir, hélas ! le regret, l'amertume.
J.-M. HÉRITIER.

71 Costumes de Savoie - Environs de Chambéry et Aix-les-Bains

Souvenirs épars de la vie d’autrefois

« Les garçons comme les filles portaient des robes jusqu’à ce qu’ils soient propres.

Le dimanche c’était le jour du Seigneur. Ma tante et ma grand-mère sortaient leur robe noire et leurs bijoux pour assister à la messe. Grand-père et mes oncles portaient quant à eux toujours le même costume et leur chapeau aussi. L’hiver à la veillée nous étions nombreux, nous triions les noix, les fruits, les pommes de terre qu’on vendait à des ambulants qui passaient chaque semaine devant la maison. Avec l’argent gagné on achetait des vivres, du savon, l’alcool à brûler pour la lampe et le petit réchaud.

La vie était simple, un rien nous faisait plaisir, malgré le manque de confort, il y avait beaucoup d’affection, de tendresse ».¹

La famille Pillet à Pégis (Albens)
La famille Pillet à Pégis (Albens)
On fait le bois (famille Pillet)
On fait le bois (famille Pillet)
J.-B. Pillet et sa fille
J.-B. Pillet et sa fille

Des modes venues de la ville

On pose en costume du dimanche
On pose en costume du dimanche
Les garçons aussi…
Les garçons aussi…

Le goût pour la petite reine, une certaine recherche dans la mise et l’allure. Les hommes ont très tôt abandonné les costumes traditionnels.

Harmonies, fanfares, et sapeurs-pompiers

Avant la Grande Guerre, il existait des fanfares importantes à Albens ou à La Biolle. Dans cette commune, la fanfare reprit de l’importance après 1925 grâce à l’énergique activité du curé Mermoz qui animait d’une main de maître la fanfare « La Gaîté ».

Des corps de pompiers existaient aussi dans les diverses communes du canton. Ils n’hésitaient pas à conjuguer leurs efforts au moment d’un sinistre important. L’incendie qui détruisit, le 14 juillet 1913, une partie des maisons qui bordent la place publique de Saint-Félix ne fut circonscrit que grâce aux efforts des pompes de Saint-Félix, d’Alby, d’Héry, de Saint-Girod, d’Albens et de Bloye.

« La gaîté » autour du curé Mermoz (La Biolle)
« La gaîté » autour du curé Mermoz (La Biolle)

Le temps des grands repas

La batteuse à Saint-Ours
La batteuse à Saint-Ours

L’arrivée de la batteuse était un moment important de la vie paysanne. Elle signifiait à la collectivité villageoise la récompense du long travail commencé l’année d’avant.

Un repas dans la cour de la ferme
Un repas dans la cour de la ferme

Mobilisant toutes les générations, elle donnait lieu à d’importants rassemblements où « pendant plusieurs jours, dans un travail collectif, on vivait dans la poussière et les débris végétaux ».²

Tout comme les hommes autour de la machine, les femmes s’activaient autour des fourneaux. Une véritable compétition gastronomique s’ouvrait alors pour faire de ces repas de véritables banquets plus que copieux : « Le repas, prévu depuis longtemps par la maîtresse de maison, selon des règles immuables, réunissait autour d’une table souvent montée avec des tréteaux et des planches accompagnées de bancs, tous ces ouvriers d’un jour.

Le service était certes, simple, mais correct, la réputation de chacun étant en jeu… Le rouleau salé de porc, fleuron de l’art culinaire de ces agapes, servi en entrée, était suivi de légumes de saison, de viandes et de fromages. Le tout, bien évidemment, très arrosé de vin rouge provenant des vignes que chaque petit propriétaire cultivait soigneusement, plutôt que ce vin de marchand cher et trop alcoolisé qui coupait les forces ».³

Une fête de la batteuse perpétue chaque été à Saint-Ours le souvenir de ces réunions paysannes estivales.

Les nuées de la guerre

La classe d'Alby 1910 sur le Pont Neuf
La classe d’Alby 1910 sur le Pont Neuf
RECRUTEMENT MILITAIRE. -- Classe de 1900. -- Itinéraire du Conseil de révision.

Nous, PRÉFET DU DÉPARTEMENT DE LA SAVOIE, Officier de la Légion d’honneur.

Itinéraire du Conseil de révision


SÉANCES                 DATES DES OPÉRATIONS        HEURES ET LIEUX
                                                    DES OPÉRATIONS
                                                    (heure légale)
1 Étrangers au dépt     Vend. 19 avril               9 h, du m. dans la salle d’audience du cons. de préfect,
2 Montmélian            Samedi 20 avril              8 h. du matin, à la mairie.
3 Aix- les-Bains        Lundi 22 avril               8 h. du matin,     id.
4 Ruffieux              Mardi 23 avril               2 h. du soir,      id.
5 Albens                Merc. 24 avril               8 h. du matin,     id.
6 La Rochette           Jeudi 25 avril               8 h. du matin,     id.
7. Chamoux              Vend. 26 avril               9 h. du matin,     id,
8 La Motte-Servolex     Samedi 27 avril              9 h. 1/2 du matin, id.
9. Yenne                Lundi 29 avril              10 h. 1/4 du matin, id.
10. Saint-Genix         Mardi 30 avril              11 h. du matin,     id.
11. Pont-Beauvoisin     Merc. 1er mai                8 h. du matin,     id.
12. Les Echelles        Jeudi 2 mai                  8 h. 1/2 du matin, id.
13 Le Châtelard         Vend. 3 mai                  9 h. 1/4 du matin, id.
14 St-Pierre-D'Albig.   Samedi 4 mai                 8 h. du matin,     id.
15 Chambéry - Nord
   et ajournés.         Lundi 6 mai                  9 h. du matin,     id.
16 Beaufort             Mardi 7 mai                 11 h. du matin,     id.
17 Moûtiers             Merc. 8 mai                 10 h. du matin,     id.
18 Bourg-St- Maurice    Jeudi 9 mai                 10 h. du matin,     id.
19 Aime                 Vend. 10 mai                 8 h. 1/2 du matin, id.
20 Bozel                Samedi 11 mai                8 h. du matin,     id.
21 Chambéry - Sud et
   ajournés             Lundi 13 mai                 9 h. du matin,     id.
22 Ugenes               Mardi 14 mai                 9 h. 1/2 du matin, id.
23 Albertville          Merci. 15 mai                8 h. 1/2 du matin, id.
24 Grésy-sur-Isère      Vend. 17 mai                 8 h. 1/4 du matin, id.
25 Aiguebelle           Samedi 18 mai                8 h. du matin,     id.
26 La Chambre           Lundi 20 mai                 2 h. du soir,      id.
27 St-Jean-de-Maur.     Mardi 21 mai                 2 h. du soir,      id.
28 Saint-Michel         Merc. 22 mai                 2 h, 1/2 du soir,  id.
29 Modane               Jeudi 23 mai                 8 h du matin,      id.
30 Lanslebourg          Vend. 24 mai                 9 h. du matin,     id.
31 Ajournés et clô-
   ture des listes.     Mardi 11 juin                9 h. du m., dans la salle d'au-
                                                       dience du cons. de préfect.


Art. 11. - Le présent arrêté sera publié et affiché dans toutes les communes du département ; il sera, en outre, inséré au Recueil des actes administratifs.
Fait à Chambéry, le 12 mars 1904.
Le Préfet de la Savoie,
A. du GROSRIEZ.
Itinéraire du conseil de révision, classe 1900

Être conscrit

La conscription remonte à la Révolution Française avec l’institution du service militaire.

Au XIXe siècle, elle donne lieu dans les campagnes à une véritable cérémonie de la part du contingent annuel de jeunes appelés qui s’emploient à « faire les conscrits ». « Les conscrits de l’année se réunissaient généralement le dimanche précédant le jour du conseil de révision, avec ceux de l’année suivante pour leur remettre le « crochon », c’est-à-dire les préparer à accomplir un acte de la vie que leurs aînés étaient en train de vivre. Ce rite était identique, dans l’esprit tout au moins, à la remise du « crochon » lors des mariages. Un banquet clôturait cette journée ».

Le jour du conseil de révision, les conscrits portaient leurs habits du dimanche. Il était très mal vu d’être réformé ; faire son service était un devoir mais aussi un honneur.

La Biolle : les conscrits de 1906
La Biolle : les conscrits de 1906

À l’issue du conseil, les conscrits du village se regroupaient souvent avec ceux des communes voisines pour partir faire une tournée. Ils arboraient alors toute une décoration chamarrée de cocardes, rubans ou ceintures.

Les Albanais dans la guerre

Ils partiront nombreux à la guerre de 1914-1918. Ceux qui survivront, en garderont d’amers souvenirs : « nous avons passé de sales moments, raconte L. Perroud en 1980, surtout au « chemin des Dames » et à Reims. On a perdu des troupes et du matériel, au « chemin des Dames », nous n’étions pas nombreux en ligne. Nous étions installés sur une crête. Nous sommes restés un mois en ligne sans que personne ne nous relève… Une fois, dans l’Aisne, nous sommes restés quatre jours sans manger, le ravitaillement n’arrivant pas. »

Ceux qui en revinrent ont pu se rattraper lors du banquet donné en leur honneur, le 5 octobre 1919 à Albens. Ils retrouvaient un monde bien changé : celui du XXe siècle.

Albens : les conscrits de la classe 1908
Les campagnes d'un poilu d'Albens
Les campagnes d’un poilu d’Albens
BANQUET DU RETOUR DES POILUS DE LA COMMUNE D'ALBENS

HORS-D'ŒUVRE
MELON
ANCHOIS A LA RUSSE
CERVELAS --- BEURRE

OMBRE-CHEVALIER SAUCE VÉNITIENNE
FILET DE BŒUF RICHELIEU
LIÈVRE SAINT-HUBERT
CHOUX-FLEURS CHANTILLY
POULETS DE GRAINS
SALADE PORTUGAISE

DESSERT
PIÈCES MONTÉES * FROMAGE
CORBEILLE DE FBUITS

CAFÉ * LIQUEURS
VINS A VOLONTÉ

ALBENS, LE 5 OCTOBRE 1919.
Banquet du retour des poilus de la commune d’Albens

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¹ D’après les souvenirs de Rolande Ray.

² Henri Blanc. Moisson de souvenirs : La batteuse. Le Dauphiné.

³ La batteuse. Les amis du vieux Rumilly. N° 8. 1990.

M. Germain. La Haute-Savoie Autrefois. Ed. Horvath.

Louis Perroud raconte la Grande Guerre. Kronos ° 1.

Albanais 1900 – Le train et le tourisme

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Dans l’Albanais à la Belle Époque

Le train de 8h30 pour Annecy

La ligne de chemin de fer Aix-les-Bains-Annecy est inaugurée en 1866 par le ministre de l’Agriculture, du Commerce et des Travaux Publics.

Le cortège officiel, nous apprend la presse du moment, « a quitté Aix-les-Bains à 11 heures et demie du matin après avoir reçu les invités de la Savoie et de l’Isère.
À Albens, M. le Ministre a été complimenté par le maire. À Rumilly, le train a fait un arrêt de 30 minutes. Les sapeurs-pompiers étaient sous les armes et rangés en lignes sur le quai de la gare. La ville était pavoisée et la population tout entière saluait par de chaudes acclamations le représentant de l’empereur
. »¹

Horaire du chemin de fer. — Section d’Aix-les-Bains à Annecy et de Chambéry à Grenoble.
Journal Le Mont-Blanc, 1866, n°81 et suivants. Archives départementales de la Haute-Savoie.

C’est le P.L.M., chargé de la réalisation de la voie ferrée, qui adoptera le tracé par Albens et Rumilly, plus long mais desservant mieux les localités importantes.

Nombreuses ont été alors les communes souhaitant voir une station sur leur territoire ; Grésy, Albens, Bloye obtinrent satisfaction, mais La Biolle, émue de ne pas être desservie par le rail, déposa une requête qui resta sans réponse.

Avec l’ouverture de cette voie, l’Albanais se trouvait désenclavé. Il allait être désormais plus facile de se rendre dans les villes voisines comme dans celles plus lointaines de Lyon ou Marseille.

Des modifications économiques importantes allaient en découler (nouvelles cultures, mouvements migratoires…) qu’un discours prononcé alors résume en ces termes : « Cette voie, prompte et facile, sera un nouveau lien avec la France, une source féconde de richesse par l’échange de tous les biens et de tous les produits. Ce n’est plus l’annexion, c’est la fusion, c’est la communauté de vie et d’intérêts. »

Aux premiers temps du tourisme

Délaissées à cause de l’engouement pour les chemins de fer et les tramways, les routes vont retrouver, au début du siècle, un regain de ferveur et d’utilité grâce à la bicyclette et à l’automobile.

On s’aperçoit alors avec stupéfaction de l’immense labeur qui s’était accompli durant les dernières décennies, mettant en place un véritable réseau de routes départementales ou communales.

Stations thermales ou climatiques, paysages de lacs, curiosité de l’avant-pays, tout était en place pour que la région s’ouvrît à sa vocation touristique.

Les syndicats d’initiative recensent, à l’attention des curistes d’Aix-les-Bains et des amateurs de panoramas, les richesses de l’Albanais.

Promenade dans l'Albanais
Promenade dans l’Albanais

Dans la rubrique « promenades et excursions des environs d’Aix », le Bulletin des syndicats d’initiative de la Savoie ne manque pas de recommander, en 1897, « les cascades de Grésy, les Gorges du Sierroz, dans lesquelles on fait une excursion en bateau à vapeur », mais aussi « La Biolle, Albens, le châlet-hôtel de la Chambotte, qui domine à pic le lac du Bourget, les tours de César (châlet-hôtel), la vallée du Sierroz qui se continue à travers les Bauges par la vallée du Chéran ».

Les riches possesseurs d’une automobile n’hésitent pas à faire le voyage, encouragés par les excellentes informations sur l’état de la route : « bonne mais étroite entre la Biolle et Rumilly ; bonne également de Saint-Germain au village de La Chambotte, très bonne de la Croix du Sable à Albens ».² Et même si on signale une route « très médiocre du village : de La Chambotte au restaurant », l’attrait du belvédère l’emportera.

Hôtels et pensions de famille s’ouvrent à La Biolle, Albens ou Saint-Félix. Les maisons Garbolino, Goury, ou Grange de La Biolle misent sur les ressources gastronomiques de la commune, tandis que la maison Anquetil de Saint-Félix insiste sur le confort moderne de ses installations.

À propos d’automobiles
VITESSE !
L’Académie vient, paraît-il, de prendre une décision grave.
Elle a décrété que l’automobile serait du masculin.
Il y avait sur le genre de ce mot une discussion qui ressemblait à la querelle des gros-boutiens et des petits-boutiens.
Rendons cette justice à l’Académie que sa décision est conforme au bon sens ; car enfin, si mobile, le radical du mot, est masculin, on ne voit pas pourquoi automobile serait d’un autre genre. Beaucoup de gens s’obstinaient cependant dans une opinion contraire. Les voilà désormais condamnés ; ils ne s’en portent, d’ailleurs, pas plus mal, et le genre du mot automobile leur est certainement léger.
Une querelle semblable s’est engagée, il y a quelques années, sur la question de savoir s’il fallait dire : aller en bicyclette ou à bicyclette. Le simple bon sens indiquait que la première façon de s’exprimer devait être vicieuse. On dit, en effet, aller en voiture, en wagon, en tramway, parce que ce sont là des récipients qui peuvent nous contenir. Mais une bicyclette n’a jamais renfermé personne, pas plus, d’ailleurs, qu’un âne ou un cheval, sauf le fabuleux cheval de Troie qui fait plus honneur à l’imagination des poètes qu’à leur souci de la vraisemblance ; car on voit mal des bataillons entiers prendre place dans les flancs d’une machine de ce genre, fût-elle grosse comme une montagne : montis instar, selon l’expression de Virgile.
Donc, pour en revenir à nos moutons, voilà le mot automobile doté d’un genre — ce qui devenait indispensable étant donné l’énorme usage qu’on en faisait depuis quelque temps.
L’automobilisme tend, en effet, à détrôner le cyclisme. Aller à bicyclette présente un inconvénient grave pour la jeune génération à cheval sur la fin du siècle qui s’achève et sur le début de celui qui commence. Il faut remuer les jambes, il faut pédaler, selon le mot consacré. Or, ce mouvement implique une fatigue qui ne cadre évidemment pas avec les tendances plutôt nonchalantes de ces petits jeunes gens. Avec l’automobilisme, on brûle les distances sans mouvement ni fatigue. Voilà le dernier cri de ta locomotion !
Nos villes d’Eaux ont vu, ces années dernières, s’épanouir toute une floraison de cyclistes, hommes et femmes, qui a duré un peu plus que les roses, mais qui penche vers son déclin. Ce n’est pas que la bicyclette soit en défaveur ; mais la faveur dont elle a joui diminue. L’engouement passe. Il se porte vers l’automobilisme. Les grandes routes des environs de nos villes d’Eaux sont sillonnées de machines qui font un train d’enfer, qui répandent une odeur nauséabonde, qui écrasent des oies, des chats et des chiens, qui soulèvent des nuages de poussière, qui cornent, qui ronflent et qui secouent, comme des paniers à salade, les mortels emportés dans cette trombe. On trouve cela beau. On trouve cela commode et charmant. C’est la dernière production du génie qui nous entraîne avec une vitesse vertigineuse vers un avenir inconnu. Qu’inventera-t-on ? Que n’inventera-t-on pas ? On inventera tout, sauf le secret d’être heureux en ce bas monde.
P. BEAUMONT.

Journal Le Progrès d’Aix-les-Bains, septembre 1900. Archives départementales de la Haute-Savoie.

Un « must » du circuit touristique

Les moulins de Grésy-sur-Aix et les gorges du Sierroz que l’on descend en bateau à vapeur (le Christophe Collomb, du nom de famille du propriétaire) attirent en été une importante clientèle de curistes. Ils viennent frémir à l’évocation du tragique accident qui coûta la vie, sous l’Empire, à Mme de Broc, cette très belle dame de compagnie de la reine Hortense. Devant le « trou de la Beurrière », le guide ne manquera pas de parler de la planche glissante, de l’impuissance du meunier Pierre Rey et de l’écharpe flottant sur l’écume.

La Biolle fait sa publicité
Dans les gorges du Sierroz

Sur les traces de la reine Victoria

« Le Belvédère de la Chambotte fit ses premiers pas dans l’histoire en 1882. Un banquier d’Albens, C. Favre, décida alors d’y construire un bâtiment destiné à recevoir un cercle dont on ne connaît pas les particularités.

Terminé en 1884, l’établissement fit faillite au bout de deux ans, en 1886. La Banque Commerciale d’Annecy, principal créancier, confia alors la gérance à M. L. Lansard et son épouse, Mary Killing Robertson, une Écossaise… qui apportait avec elle une spécialité gastronomique… les scones.

Les époux Lansard tinrent la gérance de l’hôtel jusqu’en 1891 et en devinrent propriétaires en 1892, date à laquelle ils firent construire la route qui conduit du village de la Chambotte jusqu’au Belvédère, dans le même temps qu’était entreprise celle reliant Chaudieu en Chautagne jusqu’au même village. »³

C’est la venue de la reine Victoria, en 1887, qui allait donner au Belvédère une renommée internationale.

« Elle était dans un landau traîné par plusieurs chevaux, et une chaise à porteurs lui permit de franchir les dernières centaines de mètres… Sur le chemin, à la traversée de La Biolle… la reine s’était arrêtée quelques minutes pour recevoir l’hommage d’un très jeune admirateur. M. Laurent lui remit un bouquet. En guise de remerciement, elle lui donna un louis d’or qu’il garda précieusement. »

Elle apprécia hautement l’accueil de Mary Killing Robertson qui lui offrit des scones. Quelques temps plus tard, la reine fit parvenir aux Lansard sa photo et celle de sa fille dédicacées. Dès lors, le Belvédère ne cessera plus de recevoir des personnalités. Un livre d’or conservera jusqu’à nos jours les traces de ces prestigieux passages.

Les clients arrivaient à la Chambotte en voiture à chevaux par La Biolle, Albens ou Saint-Germain. Une écurie (chez M. Georges Arbarète) accueillait les bêtes. Depuis là, les promeneurs pouvaient gagner le Belvédère à pied, en empruntant les chemins et sentiers muletiers existants. « J’use sans regrets ma botte, en montant à la Chambotte » écrivit alors J. Richepin.

D’autres moyens plus originaux étaient à leur disposition : de petits ânes ou des chaises à porteurs.

Ces instruments de transport procuraient une activité aux gens du village. I| en coûtait trois francs aux touristes pour se faire transporter du village au Belvédère. Nombreux étaient les enfants qui guettaient les riches promeneurs pour leur vendre des fleurs ou des marabouts (sorte de panaches duveteux ramassés dans les rochers des environs).

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¹ Journal Le Mont-Blanc, 1866, n° 80, Archives Départementales de la Haute-Savoie.

² Routes de la région savoisienne. Aix-les-Bains et ses environs, 1898.

³ La Chambotte, balcon de l’irréel. Kronos n° 4.

F. Françon. D’Aix-en-Savoie à Axilia. Ed. de Trévoux, 1972.

Albanais 1900 – L’agriculteur Albanais

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Dans l’Albanais à la Belle Époque

L’agriculteur Albanais

Les fruitières

Un peu partout dans le département les communes se dotent d’une fruitière permanente. Originaire de Suisse et de Franche-Comté, la fruitière se répand massivement en Savoie à partir de 1890. Au départ, simple société de producteurs, elle s’est vite transformée en coopérative de vente de lait.

La fruitière est un facteur de progrès pour les éleveurs, elle leur permet d’obtenir des prix de vente supérieurs à ceux qui se pratiquent en France.

Attelage de bœufs. Environs d’Aix-les-Bains.

LE MONT-BLANC.
EXPOSITION BOVINE DU 2 JUILLET.
Race Albanaise.
L’exposition de la race bovine albanaise, (taureaux, vaches et génisses), que nous avons annoncée dans notre n° du 17 juin, a eu lieu lundi dernier.
Un temps magnifique a favorisé la journée et nous devons dire que cette exposition, heureuse initiative du Comice d’Annecy, a dépassé par ses résultats les espérances conçues par les personnes les plus dévouées aux intérêts agricoles de notre arrondissement.
À huit heures et demie du matin, l’exposition était au grand complet ; 225 tauraux, vaches et génisses étaient rangés en ligne sur la place au bétail d’Annecy, classés par catégorie et appelant par leursmugissements l’examen de la Commission.
À leur tête bien faite mais plutôt petite, à leur face droite et même un peu concave, à leur mufle d’un blanc rosé, à leur air svelte et dégagé, à leurs mamelles bien développées et annonçant de bonnes laitières, mais surtout à leur robe couleur de froment généralement clair et sans mélange, on reconnaissait des animaux appartenant évidemment à une même famille et sortant d’une même couche. C’étaient bien là de véritables vaches de race albanaise.
La Commission, d’ailleurs, a éliminé toutes les bêtes où elle a pu reconnaître la
moindre trace de croisement. Aussi toutes celles qui offraient un mufle tant soi peu
noirâtre, qui avaient quelques taches blanches ou noires ou une teinte grisâtre à la
robe, ont été écartées par le jury comme portant des marques de mélange de sang
tarin, suisse ou schwitz.
Cette sévérité est indispensable pour fixer nos éleveurs sur les caractères de la
race à laquelle il leur importe de s’attacher désormais, et pour prouver l’importance que met le Comice à propager dans les campagnes notre véritable race albanaise pure.

Journal Le Mont-Blanc, 1866. Archives départementales de la Haute-Savoie.
Ferme traditionnelle. Environs de La Biolle.
Ferme traditionnelle. Environs de La Biolle.

Le lait est valorisé car la fruitière assure la production de fromages dont la vente dans les villes constitue le principal débouché.

La fruitière joue donc un rôle important dans l’évolution du monde rural, « par elle, le paysan est passé à l’économie de marché ».¹ Peu à peu, la production herbagère prend le relais des céréales et l’élevage laitier se développe.

À Saint-Félix, en 1906, le troupeau de vaches est, avec 465 têtes, plus important que le reste des autres bestiaux élevés dans la commune. Les deux fruitières de la commune fabriquent alors 75 000 kilogrammes de fromage de gruyère. Celles de La Biolle traitent 2 300 litres de lait par jour et nourrissent 455 porcs dans les années 1892.

La même année, la fruitière de Mognard ouvre ses portes. Elle traite également le lait en provenance d’Épersy et se spécialise dans la fabrication du beurre et de la tomme.

Ainsi vers 1914, l’activité agricole dans l’Albanais s’est spécialisée. La proximité de grands centres urbains, l’ouverture de la ligne de chemin de fer Aix-les-Bains – Annecy avaient facilité cette évolution.

Presque toutes les communes possédaient alors une fruitière. Il existait même à Grésy-sur-Aix une « fruitière-école » chargée de la formation du personnel. On avait déjà le souci de la qualité.

Les coquetiers

Nombreux étaient ceux qui faisaient, à La Biolle ou Albens, le commerce des volailles. Les animaux, achetés vivants au marché de Rumilly le jeudi étaient tués, plumés et vidés le lendemain. Chez Granger, Genoulaz ou Fontaine, tout le monde plumait. Certains pouvaient traiter jusqu’à 120 bêtes dans l’après-midi et la soirée. Le départ pour le marché de Chambéry se faisait vers minuit. Il fallait arriver à temps pour avoir une place le samedi matin et retrouver ceux de Cusy ou du Châtelard.

Par tous les temps, sous la neige ou par -20°, il fallait approvisionner les gens de la ville en volaille mais aussi en œufs frais ou de conserve. C’était une autre spécialité de l’Albanais. Mis dans de grands bacs remplis de lait de chaux, les œufs étaient conservés de mars à décembre. Cette activité employait une importante main-d’œuvre. Elle connut son apogée durant l’entre-deux-guerres.

La culture du tabac

Elle a trouvé des terrains favorables dans tout l’Albanais, qui devient alors une importante zone de culture après l’Annexion.

Plantation et commercialisation étaient un monopole d’État. Ce dernier fixait les surfaces, le niveau de production ainsi que les prix d’achat en fonction des variétés cultivées.

Les magasins de Rumilly organisaient l’activité de plantation dans tout l’Albanais. La graine était fournie aux 156 agriculteurs de la région qui se chargeaient de faire les semis.

On utilisait, pour planter, une chaîne dont les maillons étaient espacés de 38 cm. Il fallait bien disposer les plants en ligne droite. Les contrôleurs devaient pouvoir en effectuer le comptage dans tous les sens. Les plants défectueux les attendaient en bout de champs, ficelés par paquets de vingt-cinq. Ils les tranchaient impitoyablement à la bêche pour éviter toute culture de contrebande.

La récolte se faisait, selon les années, entre la fin du mois de juillet et le mois de septembre. Elle employait une importante main-d’œuvre qui ramassait d’abord les feuilles basses, puis les deuxièmes feuilles, les troisièmes et enfin celles du sommet de la plante.

Un long travail de séchage commençait alors, qui occupait les planteurs durant tout l’automne et une partie de l’hiver. Les feuilles mises en manoques, enveloppées d’une toile, étaient regroupées en balles de 250 à 500 kilogrammes.

Elles étaient livrées aux magasins de Rumilly en janvier ou février. Là, après un long travail de manutention et de stockage, les balles étaient expédiées, selon la demande, vers la Manufacture de Lyon.

Avant 1914, presque tout le monde cultivait le tabac à La Biolle, certains sur quelques ares, d’autres, plus rares, sur près de 50.

Ceux qui s’en souviennent en parlent encore comme d’une culture très contraignante mais apportant un complément financier apprécié.

Chronique agricole

LE TABAC.

La grande et rapide extension de la culture du tabac dans le canton de Rumilly, depuis quelques années, les livraisons qui s'en font actuellement par les planteurs, nous autorisent à commencer, par de simples observations sur cette plante, la série d'études rurales que nous nous proposons de faire ici, avec l'aide de nos cultivateurs expérimentés. Quel est le premier livre de l'homme, sinon la nature ? Nous essayerons, dans chacun des numéros du Petit Savoyard, d'épeler un mot de ce livre immense.

Nous causerons avec les intelligents planteurs, qui nous diront : que les semailles du tabac s'effectuent en mars ou avril, qu'au bout de deux mois environ on transplante, qu'on enlève ensuite les feuilles inférieures jusqu'à quinze ou vingt centimètres du sol et qu'on écime la tige en ne laissant sur pied qu'un certain nombre de feuilles absorbant toute la sève, puis, ordinairement vers la fin d'août où de septembre, lorsque les feuilles ont atteint leur plus grand développement les planteurs nous diront qu'on les coupe et qu'on les porte au séchoir, où elles restent jusqu'à complète siccité. On les arrange, ajouteront-ils, par paquets nommés manoques (de l'espagnol manojas) dont on forme des masses recouvertes de petites planches légèrement pressées. L'État s'étant réservé le monopole des tabacs, ces différents travaux s'exécutent sous la surveillance des employés de l'Administration, qui, nous disons cela aux étrangers, à établi un magnifique entrepôt à Rumilly. Terminons ces observations sur le plantage en relatant que, lors de l'opération du triage, les feuilles supérieures, plus unies et plus souples, sont réservées pour la robe ou enveloppe du cigare, tandis que les feuilles inférieures, plus épaisses et rarement intactes, sont destinées à l'intérieur du cigare, ou utilisées, suivant provenance et qualité, pour le tabac à fumer ou le tabac en poudre.

La fabrication du tabac s'achève ensuite dans les manufactures. De l'entrepôt de Rumilly, il est dirigé sur Lyon, Paris, Lille, Toulouse, Bordeaux, où tout autre point. Là, on hache les feuilles au moyen de machines particulières armées d'un couteau et mues par la vapeur, et on le torréfie un peu ; cette torréfaction a pour but de prévenir la fermentation ultérieure ; finalement on sèche le tabac. Quant au tabac à priser, il présente des manipulations plus longues. Après avoir mouillé les feuilles, on les hache à l'aide d’une roue tournant rapidement sur son axe et munie à sa circonférence de plusieurs couteaux bien affilés

LE PETIT SAVOYARD

MACHINES À VAPEUR VERTICALES
DIPLÔME D'HONNEUR
MÉDAILLE D'OR et GRANDE MÉDAILLE D'OR 1872
MÉDAILLE DE PROGRÈS (équivalent à la Grande Médaille d'Or)
à l'Exposition universelle de Vienne 1873
portatives, fixes à locomobiles, de 1 à 20 chevaux. Supérieures par leur construction, elles ont seules obtenu les plus hautes récompenses dans les expositions et la médaille d'or dans tous les concours. Meilleur marché que tous les autres systèmes ; prenant peu de place, pas d'installation ; arrivant toutes montées, prêtes à fonctionner ; brûlant toute espèce de combustible ; conduites et entretenues par le premier venu ; s'appliquant par la régularité de leur marche à toutes les industries, au commerce et à l'agriculture.

GRANDE SPÉCIALITÉ
de machines à vapeur verticales portatives demi-fixes avec chaudières à bouilleurs croisés ou à tubes système Field, de machines à vapeur horizontales demi-fixes ou locomobiles avec chaudières tubulaires où tubulaires à retour de flammes et à foyer amovible. Ateliers spéciaux pour la construction de tous les types de chaudières économiques.

J. HERMANN-LACHAPELLE
166, RUE DU FAUBOURG-POISSONNIÈRE, à PARIS
Journal Le Petit Savoyard (journal de Rumilly), n° 11, 1877
On refait une toiture. La Ville, environs d'Albens (1900)
On refait une toiture. La Ville, environs d’Albens (1900)

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¹ P. Guichonnet, Histoire de la Savoie – Ed. Privat.

Albanais 1900

Albanais 1900 est un livre épuisé, paru en avril 1991 (dépôt légal, ISBN 2-9505656).

Cet ouvrage avait été un travail conjoint de Bernard Fleuret, de Kronos, de La Biolle Loisirs, avec la participation gracieuse de Jean-Louis Hebrard pour le texte.

Vous retrouvez ci-dessous la mise en ligne de ce livre, découpé par chapitres, ou vous pouvez télécharger le livre scanné au format pdf.

Avant-propos

L’Albanais dans l’espace et le temps

Nos villages :

Dans l’Albanais à la Belle Époque :

Bibliographie de l’époque (Articles parus dans des revues locales)

Louis Perroud raconte la « Grande Guerre », Kronos n° 1
Fides et Spes, deux cloches centenaires, Kronos n° 1
La Tuilerie Poncini, Kronos n° 2
L’huilerie Tournier à Saint-Girod, Kronos n° 2
Le rattachement du canton d’Albens au département de la Savoie, Kronos n° 3
Philibert Mollard, Kronos n° 3
La Chambotte, une signature de la Belle Époque, Kronos n° 4
Un chemin de fer historique : celui d’Aix à Annecy, Kronos n° 4
A Vélocipède dans l’Albanais au début du siècle, Kronos n° 5
La fanfare « La Gaîté » de La Biolle, Kronos n° 5
La batteuse, Les Amis du vieux Rumilly n° 8
Les clochers de l’Albanais, Les Amis du vieux Rumilly n° 7
À Albens, autrefois…, Les Amis du vieux Rumilly n° 5
Vacances d’autrefois en Albanais, Les Amis du vieux Rumilly n° 7
Les deux forges de Saint-Félix, Les Amis des Moulins savoyards n° 4
Vivre à Saint-Ours, Bulletin municipal

La composition et la photogravure d’origine : A.P.P. Grenoble.

Maquette et couverture : Philip Astorg et Bernard Fleuret. Imprimerie du Marais, Albens.

La Chambotte, balcon de l’irréel…

Avant-propos

Les gens du pays le savent encore, les nouveaux venus l’ignorent généralement : le Belvédère de La Chambotte a une histoire, et une belle histoire, qui ne laissera personne indifférent et qu’il était peut-être temps de mettre sur pied. Ce rôle ne pouvait mieux convenir à Kronos.

En rassemblant divers documents et renseignements, et surtout en compulsant le livre d’or de la maison Lansard, nous sommes parvenus à reconstituer cette histoire qui vous est ici contée. Elle ne manque pas de piment. Le livre d’or de La Chambotte est membre à part entière du patrimoine albanais, savoyard et français. Sans lui, Bernard Fleuret pour les illustrations et moi-même pour le texte n’aurions pu mener à bien notre travail.

L’examen de ce livre est un véritable travail de chartiste, qu’il aurait été ardu d’exécuter sans les travaux antérieurs de quelques journalistes qui ont bien aidé à cette tâche : Jean Ercé, Stéphane Faugier, Paul Vincent et surtout A. Vuillet.

Cependant, outre les signatures célèbres disparues parce que dérobées par des indélicats, d’autres ont pu échapper à notre investigation en raison de leur illisibilité. De plus, certaines célébrités de l’époque, tombées maintenant dans l’oubli, n’ont pas toujours éveillé en nous l’écho de leur gloire déchue et sont passées au travers de l’enquête… C’est pourquoi nous ne saurions donner ici une liste exhaustive de toutes les personnalités qui ont visité le Belvédère.
Malgré tout, celle que nous vous présentons reste joliment gratinée, comme vous pourrez le constater… Mais ne déflorons pas le sujet dans son introduction et, avant d’entrer dans le vif de ce dernier, nous tenons à remercier l’actuel propriétaire du livre et du restaurant du Belvédère, Jeannot Lansard pour son concours et la confiance dont il a fait montre en nous laissant accès à de bien précieux documents.
Que cet article l’honore.

Gilles Moine

La Chambotte : un lieu, des hommes

Le belvédère de La Chambotte et le lac du Bourget.
Le belvédère de La Chambotte et le lac du Bourget.

Il est des lieux qui sont appelés par le destin à être non seulement élus des Dieux, mais aussi vénérés des hommes. Ainsi des sites historiques, ainsi de certains sites naturels.
Celui de La Chambotte, honoré des grâces de la Grande Mère Nature, devait inévitablement devenir un jour prisé des hommes. Son point de vue exceptionnel sur le lac du Bourget ne pouvait échapper longtemps à la curiosité des promeneurs de tout crin point trop effrayés par l’ascension du Belvédère. Lieu privilégié, il l’a été de tous temps et l’est encore, entré dans l’Histoire grâce à la visite des grands de ce monde. Si les pierres demeurent là où l’homme passe, on ne peut rejeter dans les limbes de l’oubli la mémoire des personnages illustres que se rendirent là-haut, conférant au lieu un prestige qui ne pouvait qu’ajouter à sa beauté.

Juché au faîte des falaises calcaires qui dominent à l’est le lac d’une impressionnante hauteur (940 m), le Belvédère offre en spectacle toute la longueur des 18 kilomètres du Bourget, délimité au nord par les marais de Chautagne, eux-mêmes dominés par la Colombière et ceinturés par le Rhône, frontière avec la France de l’ancien Duché ; au sud-est, Aix-Les-Bains se niche sur les pentes douces qui descendent du Revard, et Chambéry pointe plein sud derrière la piste du terrain d’aviation du Bourget. À l’ouest, le massif du Chat dresse son infranchissable rempart et protège, blottie à ses pieds, l’abbaye d’Hautecombe des vicissitudes du temps.

Sauf en cas de brouillard, la palette de toutes les couleurs du ciel peinturlure le site d’une grandeur et d’une majesté auxquelles l’homme ne peut rester indifférent.
Sans doute le simple bougre en conçoit-il un élan du cœur vers les cieux, et le puissant la vanité de son pouvoir. Les splendeurs naturelles sont un facteur d’égalité autrement plus radical qu’une révolution.

Les premiers pas dans l’histoire

Le belvédère au début du siècle.
Le belvédère au début du siècle.

Le Belvédère de La Chambotte fit ses premiers pas dans l’histoire en 1882. Un banquier d’Albens, C. Favre, décida alors d’y construire un bâtiment destiné à recevoir un cercle dont on ne connaît pas les particularités. Terminé en 1884, l’établissement fit faillite au bout de deux ans, en 1886. La banque Commerciale d’Annecy, principal créancier, confia alors la gérance à Monsieur Louis Lansard et son épouse, Mary Killing Robertson, une écossaise qui s’occupe des fourneaux. Cette dernière était née à Killing, dans le Perthshire (Écosse), et apportait avec elle une spécialité gastronomique dont le secret a été jalousement gardé par les générations suivantes. Il s’agit des scones, sortes de petits pains sucrés qui se mangent chauds avec du beurre, de la confiture de myrtille et du miel, accompagnés de thé ou de cidre. Il existe d’autres formules, comme on verra.

Le belvédère au début du siècle.
Le belvédère au début du siècle.

Ces deux fondateurs de la dynastie Lansard à La Chambotte s’étaient connus en travaillant en saison, l’été à Aix-Les-Bains, l’hiver sur la Côte d’Azur.
Séduits par la proposition de la banque annécienne, ils ignoraient sans doute alors qu’ils seraient à l’origine d’une prodigieuse tradition et que leur hôtel-restaurant recevrait les plus importantes personnalités de l’Europe et du Monde. Les époux Lansard tinrent la gérance de l’hôtel jusqu’en 1891, et en devinrent propriétaires en 1892, date à laquelle ils firent construire la route qui conduit du village de La Chambotte jusqu’au Belvédère, dans le même temps qu’était entreprise celle reliant Chaudieu en Chautagne jusqu’au même village.

Le belvédère à la fin du siècle dernier.
Le belvédère à la fin du siècle dernier.

Auparavant, les clients arrivaient à La Chambotte en voiture à chevaux par La Biolle ou Albens et Saint-Germain. Une écurie, toujours existante (chez Mr Georges Arbarète), accueillait les bêtes. Depuis là, les promeneurs pouvaient gagner le Belvédère à pied, en empruntant les chemins et sentiers muletiers existants.
D’autres moyens plus originaux étaient à leur disposition : de petits ânes ou des chaises à porteurs. L’excursion ne manquait pas de charme, ainsi qu’on peut le constater en relevant dans le livre d’or les commentaires de certains visiteurs : le 14 Août 1887, un certain Will Lovel écrit qu’il « trouve la vue charmante et l’ânesse très belle ». À sa suite, Eugène Bretel « trouve la chaise bonne pour monter, mauvaise pour descendre ; avis aux personnes sujettes au mal de mer ! »
En 1890, le célèbre écrivain, poète et académicien, Jean Richepin (1849-1926) écrit :

Signature de Jean Richepin.
Signature de Jean Richepin.

Personne ne reste indifférent.

Monsieur Fernand Philippe, dit « Mosse », né en janvier 1904 à La Chambotte, nous a confié quelques aspects du passage des promeneurs, choses vues par lui-même ou qu’il tient de son père.

Fernand Philippe dit Mosse
Fernand Philippe dit Mosse

Les voitures à deux chevaux ou les grands breaks à trois chevaux arrivaient par la route de Saint-Germain. Les enfants guettaient les promeneurs pour leur offrir du muguet ou des marabouts(1) contre deux sous.

Les chaises à porteurs, se souvient Mosse, appartenaient aux gens du pays qui faisaient eux-mêmes office de porteurs. Le père de Mosse et son ami Jean-Jules ont eu porté des passagers dans cet étonnant véhicule. Il se souvient également, lorsqu’il était à l’école, avoir poussé des voitures sur la route qui avaient quelque peine à monter.
Du temps des mulets et de la chaise, il en coûtait trois francs aux touristes pour franchir les dernières centaines de mètres les séparant du Belvédère. Contrairement à ce que l’on pourrait penser, le passage des huiles de ce monde ne provoquait pas d’animation, d’émotion particulière autre que l’activité commerciale. Les personnages les plus prestigieux n’ont pas ameuté les foules, car il faut croire qu’à cette époque ils se déplaçaient incognito, sans suite ni gardes du corps, du moins sans ostentation aucune. N’oublions pas qu’ils se rendaient chez les Lansard pour se délasser, pour la poésie des yeux, du cœur et l’agrément de l’estomac.
À vrai dire, sans le précieux livre d’or qui en a gardé la trace, on aurait oublié beaucoup des heures glorieuses de La Chambotte.

Le livre d’or de La Chambotte : un trésor

Le présent article n’aurait, répétons-le, qu’une raison d’être mineure sans l’existence de cet incomparable et rare volume, datant de 1886, qui porte le seing de moult personnalités du plus haut rang, essaimées de cette date à nos jours.

Plusieurs articles de presse, au cours du temps, ont mentionné le livre d’or de La Chambotte comme l’un des plus prestigieux existant en France ; ce qui n’est pas une moindre référence. Ceux de La Tour d’Argent ou de Bocuse ne sont que cadets face au droit d’aînesse incontestable de celui des Lansard qui comporte d’innombrables signatures des plus rares au plus obscures, et encore ; malins et judicieux, les Lansard possédaient en fait deux livres d’or : un, celui qui nous sert de source, recevant la main des « quelqu’uns » de ce monde, l’autre recevant celle des quelconques.

À l’origine, le Grand Livre n’était qu’un cahier d’écolier. Dans les années 40, les dédicaces les plus remarquables ont été découpées et regroupées dans un volume adéquat. Sans doute, au passage, quelques-unes d’entre elles ont-elles disparu, au moins celles qui étaient au verso… Cela sans compter que des touristes malveillants, envieux ou collectionneurs ont arraché quelques pages rares et précieuses ; la guerre de 39-45 étant elle aussi passée par là, comme on le montrera. Ces malversations ont obligé les Lansard à retirer le livre de la circulation. Elles ne sont pas les seules. Au fil du temps, la qualité des signatures, commentaires et dédicaces s’appauvrit. À cela deux autres raisons.
La première est que le tourisme de la Haute, celui des privilégiés, disparaît complètement après la Seconde Guerre mondiale, en raison du déclin de la cité thermale d’Aix qui se démocratise, se popularise, se vulgarise depuis que les cures sont remboursées par la Sécurité Sociale et que les grosses fortunes changent de mains ou de centres de loisirs. Lorsque les grands hôtels de la ville ferment les uns après les autres, les illustres personnalités deviennent rares à La Chambotte et ainsi de leurs sceaux dans le Grand Livre. On ne le présente plus au tout venant.

Il est essentiel de savoir que les grandes heures de La Chambotte dépendent de la belle époque du tourisme aixois. Depuis l’avènement du romantisme, au début du XIXe, Aix était à la mode dans la belle société française et européenne. La petite ville et son site exceptionnel attiraient les beaux esprits en mal de vague à l’âme sur les bords sauvages du Bourget. Ils rivalisaient de poésie dans des salons fréquentés par la fine fleur de l’intelligentsia, flambaient des fortunes au casino ou excursionnaient dans les parages : Gorges du Sierroz, Val de Fier, Alby-sur-Chéran, forêt de Corsuet, Mont Revard, Semnoz, Hautecombe, Châtillon et bien entendu, La Chambotte.
N’oublions pas également que les bouleversements politiques de la France du XIXe ont poussé beaucoup de monde en Savoie, qui y a pris des habitudes.

On venait à Aix chercher la détente et l’oubli des soucis. En sus des excursions, la reine des stations thermales des Alpes offrait des spectacles musicaux, dramatiques, chorégraphiques ; tout un cachet de finesse et d’élégance séduisant pour les condottieres de l’art et de la politique.
Jusqu’en août 14, ce fut l’apothéose aixoise. Ensuite, la clientèle étrangère disparut complètement du pays. C’était l’agonie de la Belle Époque. Heureusement, les années 20 et 30 ramenèrent un certain faste ; mais après le second conflit mondial, l’élimination générale des anciennes classes privilégiées, l’avènement de nouvelles modes, de nouvelles valeurs, de nouveaux moyens et façons de vivre, en un mot la nouvelle génération porta le coup de grâce à la cité. De cet éclat perdu, le livre d’or a subi le contrecoup.

À la grande classe succède les fantaisies d’artistes, puis les grivoiseries et l’esprit frondeur des années soixante. Devant certaines inscriptions scatologiques ou pornographiques, les Lansard retirèrent le livre du public. C’est là la seconde raison.

À l’heure qu’il est, l’actuel propriétaire ne le sort plus qu’exceptionnellement de son coffre. Il l’a fait pour Kronos.

Vienne la Reine et règne la gloire

La reine Victoria Reine d'Angleterre et Impératrice des Indes
La reine Victoria
Reine d’Angleterre et Impératrice des Indes

… pour des lustres et des lustres, pourrions-nous ajouter ! Toute histoire connaît un jour un déclic. Celui de La Chambotte eut lieu le 16 avril 1887. Louis et Mary tenaient la gérance depuis un an à peine. Ce jour-là, arrive au village un landau traîné par plusieurs chevaux. Qui en descend ? Sa Majesté la Reine Victoria d’Angleterre, maîtresse incontestée du gigantesque Empire Britannique, accompagnée de sa fille, Son Altesse la Princesse Béatrice de Battenberg, et leur suite. Elles utiliseront la chaise à porteurs pour grimper au Belvédère. D’après Mosse, son propre père escortait le royal cortège.
Là-haut, les Lansard leur offriront les scones, « gâteaux nationaux écossais, ronds, de pâte traitée à la levure et qu’on fourre de beurre et de confiture de framboise ».
Leur signature ornera le livre d’or.

Sur le chemin de la Reine (on ignore si c’était à l’aller ou au retour), à la traversée de La Biolle, eut lieu un arrêt de quelques minutes pour recevoir l’hommage d’un très jeune admirateur, Monsieur Laurent(2), qui offrit à Victoria un bouquet. Celle-ci lui donne un louis d’or.
Dix jours plus tard, le 26 avril 1887, Victoria enverra aux Lansard sa photo et celle de sa fille dédicacées, en souvenir de leur visite.
Le Lord Chancelier de la Reine, chargé de l’expédition de la missive, et dont la signature ainsi que les cachets royaux font foi, écrit : « Monsieur, Sa majesté la Reine m’a commandée (sic) de vous envoyer son portrait comme souvenir de sa visite à La Chambotte. Agrééz, Monsieur, mes civilités empressées. »

Cachets et lettre de sa Majesté la Reine Victoria.
Cachets et lettre de sa Majesté la Reine Victoria.

Victoria, qui d’après Mary Robertson-Lansard n’était guère gracieuse, voulait sans doute signifier par là sa sympathie… Un exploit quand on connait les gracieusetés que s’échangent historiquement Écossais et Anglais ; mais une Reine doit être au-dessus de ces différends.
Ces précieuses photos furent dérobées ultérieurement par un visiteur indélicat.
La chaise à porteur sur laquelle « celle dont l’Empire s’étendait sur le monde entier et dont le soleil ne se couchait jamais sur les États » faillit bien être perdue ! En 1941, lorsque les Allemands arrivèrent au Belvédère, ils découpèrent d’abord un grand nombre de signatures dans le livre. Puis un officier tombe en arrêt devant le siège historique.
Lansard ne perdit pas le nord : « Ça ? dit-il, souvenir de famille. C’était la chaise percée de ma pauvre grand-mère ! » L’Allemand n’insista pas. Sans cela, nous n’aurions pas pu la photographier pour vous la présenter.

Chaise à porteurs dans laquelle Victoria vint.
Chaise à porteurs dans laquelle Victoria vint.

Le passage de Victoria à La Chambotte fut donc le coup de tonnerre qui déclencha l’engouement international pour le site par l’incroyable publicité qu’il lui fit.
Dès lors affluèrent régulièrement les « monchus » et dames dont vous retrouverez les noms ci-dessous. C’était le début d’une ère de prospérité pour les Lansard, qui leur permit d’acquérir cinq ans plus tard l’hôtel à leur nom et de le transmettre à leurs descendants que voici : Charles et Sylvie tout d’abord, Marcel et Maryse ensuite et Jeannot et Monique actuellement.

Jeannot et Monique Lansard, actuels propriétaire [au moment de la publication originale].
Jeannot et Monique Lansard, actuels propriétaire [au moment de la publication originale].

Charles, en bon savoyard matois, sut donner un coup de pouce à la postérité. Toutes les années, une fois l’an, il invitait pour un banquet les tenanciers de tous les hôtels de luxe et restaurants cotés d’Aix. En échange, ceux-ci envoyaient leur clientèle.
« Comment donc ? Vous ne pouvez quitter Aix sans avoir vu La Chambotte ! » Et de montrer une belle photo du site, habilement offerte par Charles, en en vantant les beautés et les charmes !
Aide-toi, le Ciel t’aidera…

Outre ces signatures grandioses, le livre d’or est égayé de remarques spirituelles, de dessins et de poèmes dont nous vous ferons part des plus intéressants. Ainsi que l’a fait en 1979 A. Vuillet dans sa série de trois articles sur le livre d’or, nous jugeons préférable de procéder à l’examen des signatures en faisant part tout d’abord de celles des responsables politiques et religieux, puis de celles des artistes et des fantaisies humoristiques ou inspirées d’auteurs obscurs ou célèbres. La règle n’est pas stricte bien sûr.

D’abord vinrent les gouvernants…

L’une des premières signatures qui ouvrent le livre est celle de Félix Faure, alors ministre, qui devint Président de la République en 1895. Il était accompagné de son épouse, ainsi que de Mr et Mme Jules Ferry, qui ne sont plus à présenter.
C’était en 1886.
En 1887, donc, Victoria signe et ajoute Comtesse de Balmoral. Sa fille Béatrice précise elle Comtesse de Hartenau, s’abstenant d’ajouter Princesse de Battenberg.

Le 13 août 1897 vinrent le Duc de Schoenberg et la Comtesse de Luc. En 1896, le Maharaja de Kapurthala écrit en hindi. Revenu en 1929, il ajoute : « Enchanté encore d’être venu dans cet endroit charmant. Un délicieux déjeuner ».
Il signera encore en 1939.

En 1899, comme on le voit ci-après, se déplace la Banque Morgan de New-York au grand complet. La haute finance américaine vient-elle prêter hommage à la beauté du site ?

Signatures de la banque Morgan de New York.
Signatures de la banque Morgan de New York.

Le 12 juillet 1901, Maria Pia, Princesse de Savoie et de Bragance, Reine Mère du Portugal en exil, trace ces quelques mots :
« … En souvenir de la douce et idéale soirée passée loin des bruits de ce triste monde, en ce beau pays de Savoie que j’aime, berceau de ma famille… »

Sa Majesté Marie Pia, Reine-Mère du Portugal, Princesse de Savoie.
Sa Majesté Marie Pia, Reine-Mère du Portugal, Princesse de Savoie.

En 1910, Paul Deschanel, point encore Président de la République ni tombé de son train légendaire (il fut retrouvé par un garde-barrière qui se douta que c’était un monsieur à sa robe de chambre et à ses pieds propres !), écrit : « Heures Exquises ».

Le 19 août 1918 apparaît la première signature de l’Aga Khan, sans commentaires. Il reviendra régulièrement avec toute sa suite somptueuse et notera en 1929 : « Vue merveilleuse, excellent lunch ».
Aga Khan est le titre religieux et temporel du chef des musulmans de la secte des Ismaéliens de l’Inde et du Pakistan. Ce titre a été créé en 1850 par Hasan Ali Shah, un descendant du prophète Mahomet, lorsqu’il fut chassé de Perse (Iran) par Fath Ali. Notre Aga Khan de La Chambotte était le troisième de la dynastie. Né en 1887 au Pakistan, à Karachi, il est mort en Suisse Romande, à Versoix, en 1957. Il fonda en 1906 la ligue Pan-musulmane de l’Inde. Il appréciait La Chambotte qui lui était exclusivement réservée lorsqu’il venait avec son cortège de limousines.

En 1921 viennent plusieurs ministres grecs dont le bien connu à l’époque Vénizelos, qui reviendra souvent. C’était le 2 juin.

Le 25 août de la même année, c’est le Prince Christophore de Grèce qui signe avec son épouse Anastasie.

Signatures du Prince Christophore de Grèce et de son épouse Anastasie.
Signatures du Prince Christophore de Grèce et de son épouse Anastasie.

Le 7 septembre 1923, Stanley Baldwin, premier ministre du Royaume d’Angleterre et de l’Empire Britannique, visite pour la première fois le Belvédère. Il reviendra pratiquement toutes les années et laissera aux Lansard sa pipe ainsi qu’un portrait qui existent toujours.

Signature de Stanley Baldwin.
Signature de Stanley Baldwin.

En 1936-37, il signera Baldwin de Bewdley : il venait d’être fait Lord…

Portrait et pipe de Sir Stanley Baldwin.
Portrait et pipe de Sir Stanley Baldwin.

En 1928, Carl, Prince de Suède, Comte de Carlsborg, signe aux côtés de son épouse Ingeborg, née Princesse du Danemark. Ainsi que le fait remarquer A. Vuillet, les grands de ce monde affichent curieusement leurs titres comme des parvenus… mais nous rend leur signature aisément identifiable.

Signature du Prince de Suède Carl et de son épouse Ingeborg.
Signature du Prince de Suède Carl et de son épouse Ingeborg.

En 1929, derrière Arsène de Serbie, un général Crawford note : « A beautiful view ». Sur la même page apparaît Jaime de Bourbon. La même année, ce n’est ni plus ni moins que le Roi Fayçal d’Arabie qui pose sa griffe.

Signature du Roi Fayçal d’Arabie.
Signature du Roi Fayçal d’Arabie.

En 1931, après un retour de Vénizeloe (Le Pirée), le fameux sculpteur Alfred Boucher laisse sa carte de visite et ajoute Grand Officier de la Légion d’Honneur. Il reviendra en 1932.

En 1933, Pierre Mendès France ne fait pas de commentaires. Par contre un convive sans doute de la même tablée écrit : « À Aix, j’ai tout perdu, à La Chambotte j’ai tout gagné ». Le casino a encore frappé. Après un « Je reviendrai », Marcelle Mendès France dit : « Moi aussi ».

Signatures de Pierre et Marcelle Mendès France.
Signatures de Pierre et Marcelle Mendès France.

En 1935, c’est le Prince Achille Murat, Vice-Roi des Indes, qui précède Monseigneur Florent du Bois de la Vilarebel, évêque d’Annecy (1938). La même année Georges Philippar, armateur, voit sa signature suivie de l’étonnent paragraphe que voici :
« Du Georges Philippar (navire appartenant audit sieur et qui brûla en Mer de Chine), je suis un rescapé ; de La Chambotte, je reviens enchanté. »
Signé un gars de la marine, Faky. Suisse !

Le 24 août 36, Son Altesse Marie Louise d’Angleterre apparaît entourée d’une nombreuse compagnie. Suit Son Altesse la Maharani Masahélé, mouchée juste après par un groupe de Seysselans.

« Ni des Indes, ni d’Angleterre,
Ni Maharaja, ni Princesse,
Malgré tout aimant la bonne chère,
De gravir La Chambotte nous n’avons eu de cesse. »

Ce même mois d’août 36, le livre recèle la trace d’un certain Morleux :
« Souvenir d’un très vieux Savoyard, d’une visite à La Chambotte en 1890 ! »

Le 19 août 39, c’est Édouard Herriot, Président, qui écrit :

Signature d’Édouard Herriot.
Signature d’Édouard Herriot.

Il est suivi six jours plus tard par le Maharaja de Tripura.

Signature du Maharaja de Tripura.
Signature du Maharaja de Tripura.

En 1942, le Général Weygand et sa famille honorent les lieux.
Suit en 1951, l’archevêque de Chambéry Louis-Marie de Bazelaire.
En 48, il avait écrit :
« En souvenir d’une belle matinée ensoleillée où le lac apparaissait dans toute sa splendeur, reflet terrestre de la beauté divine. »

En 1953, Clémentine S. Churchill, l’épouse du célèbre Winston, vient déguster les scones.

En 1955, Georges Riond, qui eut de nombreux titres dont celui de Président de l’Association de la Presse Savoyarde, notait :
« J’ai fait… douze fois le tour du monde,
Il me manquait la révélation d’un des plus beaux panoramas de mon pays,
Et de toute la Terre.
»

En août de la même année, Madame Anne Chamberlain, épouse d’Arthur Neville Chamberlain, exprime son « Merci Millefois » qui pèse son poids.

En 1957, vient le Sheik Ali Al Thaml, Roi du Quatar, un émirat du golfe Persique.

En 1961, un professeur d’Athènes rend cet hommage au site :
« Les Dieux de l’Olympe ne changeraient-ils pas leur domicile s’ils connaissaient La Chambotte ? »

Par la suite, les gouvernants de ce monde ne viendront plus guère au Belvédère. On trouve encore cependant l’Évêque Du Bois d’Annecy en 1965, Madame C. Bettencourt, la plus grosse fortune de France qui écrit en 1979 :

« Voilà des années que je viens ici,
Et c’est toujours avec le même plaisir.
La chaleur de l’accueil,
La vue inoubliable,
Et la fraîcheur de la cuisine en font
Un restaurant délicieux.
»

Et le Général de La Chambotte Alexandre Nojon, en 1981, qui résume la Résistance qu’il effectua en 42 au Belvédère. Nous en parlerons plus loin.

Place maintenant aux artistes.

… Ensuite vinrent les gens de l’Art et les fantaisistes

Un des premiers poèmes ornant le livre d’or.
Un des premiers poèmes ornant le livre d’or.

Dès le début de la maison Lansard, les gens de l’Art y vinrent en nombre. On ne compte plus par exemple les artistes de l’Opéra de Paris qui émaillèrent le livre de quelques notes de musique sur quelques paroles sympathiques, cela dès 1886.

Signature de l’Opéra de Paris.
Signature d’une artiste de l’Opéra de Paris.

En 1890, la même année que Jean Richepin, cité plus haut, le Marquise de Morande écrit qu’elle arrive très fatiguée, n’ayant pas voulu de chaise à porteur, croyant trouver au sommet les bras de son Amédée pour la recevoir… Hélas, il était déjà reparti de l’autre côté !

En 1891, le 15 janvier, Elle et Lui, ont voulu venir passer deux jours à La Chambotte. « Le vent, la neige… » Il y avait 35 centimètres de neige et 10° en dessous de zéro ! Mais l’Amour n’a pas froid aux yeux !

En 1897, nous avons relevé cette perle d’un joueur qui s’est fait plumer à Aix et qui pastiche les imprécations de Camille (Horace de Corneille) pour exprimer sa fureur :

« Aix, l’unique objet de mon ressentiment,
Aix, dont le cercle infâme a raflé mon argent,
Aix où le décavé si tristement chemine.
Aix où le rastaquouère enfle sa haute mine,
Aix que chanterait mal ma bienveillante muse,
Aix enfin que je hais parce qu’on s’y amuse !
Puisse-je de mes yeux y voir tomber la foudre !
Voir tes villas en feu, tes casinos en poudre,
Voir le dernier des Grecs à son dernier soupir
Vomissant ses portées… et mourir de plaisir. »

Il signe Camille D.K.V. Être décavé signifie au jeu avoir perdu jusqu’à son dernier sou. Notre ami, en tout cas, ne semble pas avoir perdu l’inspiration !
Un certain Badeck lui reprend dans la foulée, inspiré lui aussi :

« Et vous, braves bourgeois, que ne laissez-vous pas
À la ville aux tripots ses tramways et ses grues
Pour venir ici même à la belle Chambotte
Où chaque déjeuner chaque convive botte
Et où vous trouverez partout, à chaque pas
Avec le seul Lansard la plus belle des vues ! »

En 1901, la danseuse étoile Loïe Fuller trace un magnifique paraphe. Américaine du music-hall, née en 1862 près de Chicago et morte en 1928 à Paris, elle fut la créatrice d’un type de spectacle chorégraphique très original, par l’usage de projections lumineuses jouant sur les voiles mobiles des danseurs. Ces fééries furent longtemps appréciées. Toulouse-Lautrec l’a représentée.

Signature de Loïe Fuller.
Signature de Loïe Fuller.

En 1911, quelqu’un écrit de La Chambotte qu’on s’y croirait en dirigeable. Sans doute un aviateur…

En 1920, le fabricant d’avions parisien Ledord signe sa publicité :

« Avions marque LEDORD
Les ceusses qui gazent le mieux !
Depuis 1909, pas un sou de bois cassé ! »

L’hommage d’un inconnu…
L’hommage d’un inconnu…

Sur une montagne colorée, posée,
CHAMBOTTE, au soleil exposée,
Fait la risette au Mont du Chat,
Disant, coquette, « Hé, je suis là »

Mais Minet prenant l’air méchant,
À la pauvrette, montre la dent,
De son tunnel, il se rengorge,
Et, de son col, fait de chaudes gorges.

Tout près, là, le Lac aux eaux sombres,
Vues le soir, dans la pénombre,
Reflétant toujours mêmement
Du monastère, le monument.

Enchanteuse Chambotte,
Avec tes bois, avec tes grottes !
Quel regret de quitter tes lieux
Où l’on se sent si près des Dieux.

R.D.
le 19 octobre 1962

La même année signe la poétesse Rosemonde Gérard, épouse d’Edmond Rostand, suivie par l’écrivain Pierre Loti (Ramuntcho, Pêcheur d’Islande…), Roland Toutain, le Rouletabille de l’écran…

Signatures de Rosemonde Edmond Rostand et de Pierre Loti.
Signatures de Rosemonde Edmond Rostand et de Pierre Loti.
La signature de Roland Toutain en bas à droite de cet étonnant dessin.
La signature de Roland Toutain en bas à droite de cet étonnant dessin.

En 1929, c’est La Argentina, grande cantatrice espagnole.
En 1938, à l’occasion du Tour de France, le champion cycliste Charles Pelissier fait un détour par La Chambotte, suivi de Georges Thill de l’Opéra de Paris ;

Signatures de Charles Pélissier et de Georges Thill.
Signatures de Charles Pélissier et de Georges Thill.

En 1939, Maurice Chevalier écrit : « Regrets. Pas assez de talent pour décrire La Chambotte. »
Dix ans plus tard, en 49, le joyeux écrivain lyonnais Marcel Grancher(3) s’avouera tenu en respect : « Devant la beauté de ce site je n’ai plus envie de rire ! »

En 1953, à l’occasion du tournage d’un film, signent ensemble Alain Cuny, Marie Sabouret, Yvonne Printemps et le célèbre Pierre Fresnay.

Signatures d’Yvonne Printemps et de Pierre Fresnay.
Signatures d’Yvonne Printemps et de Pierre Fresnay.

Un peu plus loin la même année, l’écrivain Maurice Druon note :

Signature de Maurice Druon.
Signature de Maurice Druon.

Lui succèdent les Sœurs Étienne, chanteuses connues dans les années cinquante, qui dédicacent « avec leur cœur ».

Le 19 septembre 55, l’écrivain catholique Daniel Rops, déjà souventes fois venu : « En souvenir de belles heures à La Chambotte, Balcon de l’Irréel. » Il n’ajoute pas sa qualité d’académicien français.

Signature de Daniel Rops.
Signature de Daniel Rops.

En 1959, quelqu’un de Saint-Innocent trace :

« Dans ce site enchanteur ma panse satisfaite
Rend hommage à Lansard et à la belle Maryse
Et sur ces hauts sommets, malgré le vent, la bise,
Je reviendrai bientôt dans les moments de fête,
Admirer ce beau lac aux reflets argentés
Et goûter la splendeur des dernières clartés. »

En août 59, c’est Danielle Delorme qui apprécie l’accueil et la cuisine.
En 1960, derrière un Vice-Ministre du Commerce Extérieur de la Bulgarie, un chirurgien-dentiste aixois, Paul Couturier, joue du calembour :

« C’est du Bulgare,
Et Bulgarie bien qui bugarira le dernier,
Ou tel qui bulgarie vendredi, dimanche pleurera… »

Jean-Claude Brialy écrit mystérieusement la même année :

« Ma chère Maman, j’ai rencontré ici, très haut, une dame qui avait de très jolis yeux et qui m’a donné beaucoup d’argent. J’ai été très sage, je t’embrasse. »

Plus loin, Georges Grondin rimaille :

« L’immense lac frémit sous les barquettes grises
Et le soir comme un crêpe agité par la brise
Laisse errer sur les flots ses languissants contours
Du haut de La Chambotte où fleurit la myrtille
On éprouve un besoin à ignorer la ville
Et devant un grandiose et beau panorama
On n’a qu’un seul désir, rester là et rêver là ! »

Imparfait, mais sincère !

Juste derrière, l’actrice de cinéma Ginette Leclerc se félicite d’être venue. Sur la page d’en face, le fameux Henry Bordeaux, venu pour ses 90 ans dédicace quelques mots. Né en 1870, trois ans après son passage à La Chambotte en 1960.
Sur les pages suivantes, les chansonniers du Grenier-Montmartre se déchaînent : Gabriello reste sans voix devant la beauté du site, Robert Amiel sans phrase, mais Jean Valton réclame, lui, une ligne directe Paris-La Chambotte.

Ensuite, le niveau baissera dangereusement poussant donc les Lansard à retirer le livre, quitte à le ressortir à bon escient. Ainsi, en 1963, à l’occasion du tournage de « Mort où est ta victoire ? », signent alors Michel Auclair, Pascale Audret (la sœur d’Hugues Aufray) etc… D’autres séquences de films ont été tournées là-haut : « L’auberge rouge », « Julie Charles »…

Viennent encore Jean Valton qui laisse quelques paroles de Léo Férré.
Anne-Marie Carrière « qui dit parfois du mal des hommes mais jamais – et pour cause de satisfaction – des cuisiniers ! » Raymond Souplex : « Point ne suis en ribotte mais Dieux ! Que me botte La Chambotte. »

Signature d’Anne-Marie Carrière.
Signature d’Anne-Marie Carrière.

Jacques Provins leur cloue le bec de la manière suivante :

« Derrière Souplex
Je reste perplexe
Derrière Valton
Je reste… lion
Derrière Carrière
J’en fais mon affaire
Et derrière moi
Je reste coi ! »

Par la suite, on compte encore un champion de l’harmonica, Jean de Nîmes et Lou Nissarté, le groupe « Il était une fois », quelques animateurs de radios, Sophie Darel en 1982.
Bien sûr, quelques visiteurs restent spirituels, ainsi cette certaine Odette de Matour en 1964 :

« L’ânesse antique s’est vengée. Christine est montée, mais non Mercèdès : D.S., elle fut doublement. Vive l’automobile française et haro sur le mauvais baudet germanique. Et vive La Chambotte. »

D’autres gardent l’esprit à la hauteur des lieux… et de leur rang pourrait-on ajouter :

« À Maryse, notre inoubliable « cousine »
Dont le sourire charmant embellira nos soirées hivernales avec l’esprit de retrouver bientôt
Ce merveilleux ermitage. »

Comtesse de Montdidier
Juillet 1965

Une bien gentille attention pour Madame Lansard.
Curieusement on trouve cette même année 1965 le sentiment d’une certaine comtesse Marina de Meylan, ou Meyden, « ancienne demoiselle d’horreur des deux dernières tzarines russes ». Comme il n’y a pas à douter de la véracité de ce témoignage, cette comtesse est sans doute le dernier grand personnage de l’histoire à signer dans le livre.

Pour le reste des signatures, on pourrait reprendre le sentiment de deux visiteurs en 1945. Le premier avait feuilleté le livre populaire et s’exclamait :

« Devant un tel édifice d’âneries, on n’est pas très fier d’appartenir au peuple le plus spirituel de la Terre. »

À quoi, il lui est répondu philosophiquement :

« Consolons-nous en contemplant un des plus beaux coins de France… »

La France : un fait d’armes de la dernière guerre

Avant de clore cet article, nous voudrions mentionner l’épisode guerrier qui marqua La Chambotte en 1939-45.

Du 23 septembre 39 au 17 octobre 39, un poste de guet de la D.C.A. fut installé à La Chambotte.
En juin 40, une section du général de La Chambotte, Alexandre Nojon, soit les 240 hommes de la 2e compagnie du 440e régiment de pionniers, sous les ordres du sous-lieutenant Chauvy et de l’adjudant Deniaux, repousse victorieusement les attaques allemandes, le 23 juin, lors des ultimes combats en terre savoyarde.
Ils résistèrent une journée et tuèrent huit soldats allemands qui sont d’ailleurs enterrés à Saint-Germain, empêchant l’ennemi d’envahir Annecy. La section s’est ensuite repliée en bon ordre et sans perte jusqu’à Annecy, puis Gex, d’où elle revint à Annecy pour être démobilisée.

Ce matin du dimanche 23 juin, vers 6h30, toute la compagnie occupait les positions installées pendant la nuit : barrage de la route et du tunnel, emplacement de fusils mitrailleurs, etc…
Ses défenseurs avaient comme armes leurs fusils, quatre fusils mitrailleurs et une caisse de 24 grenades.
L’adversaire attaqua à 7h45 avec détachement d’infanterie, mortiers et artillerie de 105. Le combat fut sérieux et la canonade et les rafales de mitraillettes durèrent presque continuellement jusqu’à 13h30, où les effectifs allemands engagés se retirèrent après avoir subi des pertes et se rendant compte de l’impossibilité de franchir le passage.
Les Pionniers reçurent l’ordre de se retirer, les Allemands ayant exécuté un mouvement d’encerclement par Cessens. Leur compagnie était comprise de Chablaisiens, de Bressens et de Lyonnais…
Un officier allemand a même écrit :

« Une jolie vue, mais une difficile bataille. »

La bonne bouche pour finir

De tout temps, à La Chambotte, les visiteurs ont pu apprécier la qualité gastronomique de la nourriture servie par les générations successives de Lansard. Depuis 1856, les éloges ne manquent pas, en voici le plus significatif et le plus honorable. En août 36, Paul Gauthier de l’Institut du Club des Cent, Secrétaire Général de l’Académie des Gastronomes écrit :

« Bon déjeuner, à la mode de La Chambotte. »

Un brevet flatteur ! Outre les scones et les poissons frais du lac, les Lansard ont la spécialité du Poulet Chambotte, que nous vous laissons le soin d’aller découvrir, après tant de gloires nationales et internationales. L’accueil et le site y sont toujours aussi charmants, même si les célébrités ne viennent plus guère…

Comme on peut le constater, le Belvédère de La Chambotte a véritablement connu des heures de gloire dont cet article n’est que le reflet, s’il en est le témoin.
Comme il n’était pas possible de tout retranscrire, nous avons choisi de reproduire entre ces pages quelques-uns des poèmes du livre d’or qu’a inspiré le site, qui, n’en doutons pas, taquinera bien d’autres muses encore… Ce clin d’œil à Lamartine permettra de quitter le sujet sans trop de regrets.

Gilles Moine et Bernard Fleuret
Article initialement paru dans Kronos N° 4, 1989

Défi de Jeanne Harter à Lamartine
Défi de Jeanne Harter à Lamartine

À Lamartine

DÉFI

On dédaigne ta grotte ? On ignore ta stèle ?
Ton noble corps drapé, du roc de Châtillon ?
Parmi tous les ingrats, Je te reste fidèle |
Vols, Ô chantre divin, mon exaltation

Je voudrais dans mes bras enserrer ton image
Qui domine le Lac pour les temps à venir ;
Reposant sur la pierre un franc que décourage
La froide indifférence, hostile au souvenir,

Je pleurerais sans fin sur l’ère disparue,
sur l’ère de Génie où tu régnais jadis
Et puis je t’offrirais une ferveur accrue
Un amour plus intense, et des élans grandis.

Jeanne Harter
Société des Poètes Français
1er août 1959

La formule du titre est de Daniel Rops.
1) Marabout : plante appelée en patois « plumache », poussant sur les rochers escarpés de La Chambotte et que les habitants récoltent à la mi-mai, pour la vogue du village. Apparemment banales, les tiges vertes de la « plumache » se transforment en séchant en un somptueux panache duveteux dont les volutes sont très décoratives.
2) Né au Montcel en 1869, élevé à La Biolle, Laurent devint instituteur à Paris. Il y mourut en 1971, à 102 ans. Un âge royal !
3) Il a fondé l’Académie Rabelais avec Paul Vincent.