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Les premiers temps du christianisme dans l’Albanais

Cette inscription fut découverte vers 1860. Il s’agit d’une épitaphe chrétienne d’une plaque de calcaire dont l’avocat L. Pillet, qui l’étudia le premier en 1861 (inscription chrétienne du VIe siècle trouvée à Grésy-sur-Aix – Mémoire de l’Académie de Savoie) donne la traduction suivante :
« Ici repose de bonne mémoire, Aunemundus, qui vécut dans la paix cent ans et 6 mois ; il mourut le 14ème jour avant les Kalendes de juin, après le consulat de Symanque. »

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Cette inscription en mauvais état, dont L. Pillet parle fit un calque, est aujourd’hui visible contre le mur extérieur de la tour féodale de Grésy-sur-Aix. Elle permet d’apporter quelques lumières sur les premiers temps du christianisme en Savoie et dans l’Albanais.

Dans les Alpes du Nord, le christianisme pénètre par deux voies :
– les vallées affluentes du Rhône et le réseau des routes qui les bordent,
– les cols qui relient les bords du Léman à l’Italie.

Aux premiers temps du christianisme
Aux premiers temps du christianisme

S’il est impossible en l’état actuel des découvertes et des connaissances de proposer une chronologie, on peut toutefois raisonnablement penser que le christianisme s’étant implanté à Genève, le port de Condate (Seyssel) a dû lui aussi être touché très tôt. En effet, cet actif emporium, animé par une compagnie de transporteurs, les nautes, était en contact quotidien avec les bateliers de Lyon.

On imagine mal alors que des Centres comme Etanna (Yenne), Labisco (Les Échelles), Aquae (Aix-Les-Bains)… n’aient pas vite abrité des groupes de chrétiens, alors que des marchands étrangers fréquentaient régulièrement leurs marchés.

Quant aux cols alpins dont on connaît l’importance dans l’antiquité, ils ont dû voir les adeptes de la nouvelle religion se mêler aux groupes de voyageurs en provenance des villes de la plaine du Pô.

Ainsi, dès le Ve siècle, l’église alpine implante ses diocèses dans les grandes villes. Genève d’abord, où le premier évêque connu officie vers 400. Puis le diocèse de Grenoble, qui intéresse la Savoie puisqu’il s’étend alors jusqu’à Aix-Les-Bains. Enfin, celui de Belley qui contrôle les pays du Rhône.

Il faut attendre le VIe siècle pour voir naître les diocèses de Moutiers et de Saint-Jean-de-Maurienne. À cet époque, le christianisme pénètre peu à peu dans les campagnes. Les premiers chrétiens nous ont laissé quelques inscriptions, qui en dépit de leur rareté, apportent déjà nombres d’informations.

Inscriptions du VIe siècle

  • Date  — Lieux — Personne concernée — Contenus de l’inscription
  • 504 — Jongieux — VALHO : le nom de la défunte a une assonance germanique — Inscription au dos d’une stèle dédié a dieu Sylvain. VALHO est une « femme religieuse » qui a vécu 68 ans.
  • 521 — Yenne  (découverte en 1954 en remploi dans le mur de l’église ; GUNDEFRIDA — femme burgonde morte le 15 novembre 521 — « Dans ce tombeau repose en paix de bonne mémoire, Gundefrida, qui a vécu 34 ans et 2 mois. Elle est morte le 17ème jour avant les Kalendes de décembre, sous le consulat de Valérius. »
  • 523 ? — Grésy-sur-Aix découverte en 1860 — AUNEMUNDUS — un Burgonde converti à la fin du Ve siècle ; voir photo et traduction
  • 527 — Lugrin près d’Évian trouvée en 1855 — BROVACUS : jeune chrétien racheté par Gondemar, roi de Bourgogne de 523 à 532 — « Dans cette tombe repose, de bonne mémoire, qui vécut 13 ans et 4 mois… sous le consulat unique de Brandobricus, ils furent rachetés par le souverain Gondemar

L’inscription de Grésy-sur-Aix apporte de précieux renseignements sur cette période de transition entre le monde antique et le monde médiéval où le christianisme se diffuse lentement dans les campagnes.
Le défunt est un des ces Burgondes établi dans nos contrées et converti au christianisme sur la fin du Ve siècle.

Son nom, Aunemond, terminé par le radical MUND (lune) indique bien son origine germanique. C’est comme Edmond, Sigismond…

Le peuple burgonde s’installe dans la région en 443 après une longue migration qui l’a conduit des rives de la mer Baltique à celle du Haut-Main pour aboutir enfin en Savoie.

Ce sont des barbares assagis qui arrivent alors. En contact avec le monde romain depuis deux siècles, ils se sont convertis au christianisme sous sa forme arienne, ont élaboré un droit coutumier (connu sous le nom de la loi Gombette), ont adopté la royauté comme forme de gouvernement. Ils véhiculent donc une civilisation originale où se mêlent d’anciennes traditions et des influences romaines.

Conduits par leur roi Gundioch, ils s’installent en Sapaudia sans heurts, comme le sous-entend la Chronica Gallica : « La vingtième année du règne de Théodore, la Sapaudia est donnée au reste des Burgondes pour être partagée avec les indigènes ».

On s’interroge toujours sur la signification du mot Sapaudia ; on pense qu’il désignerait le pays des sapins et s’appliquerait aux Alpes et au Jura. Près de 50 000 Burgondes se mêlent aux populations gallo-romaines d’un territoire centré sur le Jura, limité au nord par les lacs de Bienne et Neuchâtel, à l’Est par le Rhône et le Chablais.

La présence des Burgondes est attestée dans l’Albanais par quelques découvertes archéologiques. Il s’agit de cimetières et de tombes qui furent mis à jour dans les environs de Grésy-sur-Aix et à Albens.

+ L. Pillet signale la découverte entre 1850 et 1860 devant l’église de Grésy d’une « rangée de tombes symétriquement alignées, formées de dalles de molasse et ne contenant que des squelettes » qu’il date du VIe siècle.
+ À Chevilly, un ensemble de tombes formées de dalles de molasse a été mis à jour dans les années 1970. L’une d’elle a livré une magnifique boucle de ceinture damasquinée et a pu être datée de 710.
+ Des tombes semblables furent exhumées à Albens au XIXe siècle et dans les années 1970 lors des travaux de construction du collège. Toutes orientées Est-Ouest.

Elles abritaient le squelette allongé sur le dos, la tête tournée vers l’Ouest. Elles ne renfermaient qu’un mobilier sommaire (ardillon de ceinture en fer).
De part l’orientation et l’absence de mobilier, on les a attribuées au VIe siècle burgonde.

Dans les deux cas d’Albens et de Grésy-sur-Aix, ces cimetières chrétiens succèdent à des nécropoles romaines attestées par de nombreuses découvertes.

Elles mettent en évidence le passage sans rupture véritable d’un monde antique païen à une civilisation médiévale chrétienne. Lorsque le Sapaudia passe dans le domaine Franc après 534, l’histoire de la région se confond avec celle des pays mérovingiens puis avec le monde carolingien. C’est à cette époque qu’un véritable réseau de paroisses s’implante et que le christianisme pénètre les campagnes. Désormais, églises et villages se blottissent à l’ombre des tours et châteaux à l’image du donjon de Grésy-sur-Aix dominant fièrement les environs.

Grésy-sur-Aix : le donjon du château médiéval
Grésy-sur-Aix : le donjon du château médiéval

Jean-Louis Hebrard
Article initialement paru dans Kronos N° 7, 1992

Tombe burgonde découverte à Albens HJL 1977
Tombe burgonde découverte à Albens
HJL 1977

Notes de l’auteur :
L. Pillet, mémoire de l’Académie de Savoie, 1961
R. Sauter, L. Chaix : une nouvelle tombe du haut moyen-âge à Chevilly (Grésy-sur-Aix, Savoie)
J. Prieur, la Savoie Antique

Boucle de ceinture burgonde - Chevilly - Grésy-sur-Aix
Boucle de ceinture burgonde – Chevilly – Grésy-sur-Aix

JEP – promenade patrimoniale du dimanche 21/09/2025

Nous étions plus de vingt-cinq personnes regroupées devant l’Espace patrimoine pour partir à la découverte de l’architecture rurale (pisé) et de la gestion de l’eau dans l’Albanais (rivière, lavoir, moulin, bassin régulateur de crue).

Nous prenons un petit temps d’échange au cours duquel Jean-François Braissand, maire d’Entrelacs, passe nous voir et nous souhaiter de belles découvertes. Malgré le temps maussade, nous voilà partis en direction de Marline et d’Orly par le « chemin sous-bois » qui longe la voie ferrée. Notre reporter photographe, Annie, en profite pour faire depuis le bord des voies un nouveau cliché de notre groupe.

Quelques temps après, nous effectuons une pause sur le pont qui enjambe l’Albenche, l’occasion pour Jean-Louis de donner quelques explications sur la rivière et de répondre à diverses interrogations.

À l’aide d’un croquis sont abordés l’origine ancienne du nom de la rivière, le tracé rapide de son cours, les crues de ce torrent, les aménagements réalisés pour s’en protéger.

Après être montés jusqu’au lieu-dit « La Curiaz », le groupe se retrouve devant un beau bâtiment construit en pisé.

René explique l’intérêt de ce mode de construction traditionnel que l’on retrouve dans tout l’Albanais et nous fait partager tout son savoir sur ce matériau (mélange d’argile et de gravier).

La pluie ne menace pas encore trop, ce qui nous laisse le temps d’atteindre Marline et son lavoir.

Un édifice public réalisé au début du XXème siècle grâce au concours de l’épouse du député de l’époque, Théodore Reinach. C’est ce que l’on peut lire sur une plaque émaillée, hélas un peu abîmée, visible sur une poutre de la toiture.

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La réalisation de ce petit édifice est à replacer dans le mouvement de construction de lavoirs et bassins qui se développe dans la seconde partie du XIXème siècle, élément central d’une conquête de l’hygiène quotidienne à une époque où l’eau n’arrivait pas automatiquement au robinet de la cuisine. À Marline, l’accès à l’eau avait gagné en proximité (l’Albenche et la Deysse étant assez éloignées du hameau).

Les échanges vont bon train, on évoque cet endroit comme lieu d’échange des nouvelles, on se questionne sur l’organisation de ce lavoir lorsque, la pluie s’intensifiant, nous décidons d’abréger notre programme pour regagner au plus vite l’Espace patrimoine.
Nous y retrouvons Bernard qui a préparé une belle collation pour tous ceux qui ont désiré rester un instant. Merci à Marius pour toutes les informations botaniques dont il nous a fait profiter tout au long du chemin et à Annie pour le reportage photographique. Le mot de la fin reviendra à Pascale Rousseau pour cette belle remarque: « le patrimoine a été bien arrosé ».


PS – aux dernières nouvelles, personne ne s’est enrhumé !


Jean-Louis Hébrard

Forum des associations – 6 septembre 2025

Comme tous les ans, notre association tenait son stand au Forum des associations installé dans le gymnase d’Albens.
La commune nous avait remarquablement installés afin que nous puissions présenter toutes nos publications et recevoir le public attiré par les photographies disposées sur des grilles.

De nombreuses personnes se sont arrêtées devant notre stand pour échanger mais aussi pour se procurer quelques numéros anciens qui manquaient à leur collection. Au passage nous en avons profité pour présenter la sortie que nous organisons lors des journées du patrimoine (dimanche 21 septembre). Plusieurs inscriptions furent enregistrées.

Notre exposition de photographies anciennes a été remarquée, plus particulièrement cette vue de la « Grand rue » qui a fourni matière à de nombreuses remarques sur le temps qui passe.

La rue centrale d'Albens vers 1905 (archives Kronos)

La rue centrale d’Albens vers 1905 (archives Kronos)

C’est une équipe fournie qui a assuré l’installation du stand (transport des revues et des livres, mise en place des panneaux, tirage des flyers…). On y trouvait réunis Annie, René, Marius, Jean-Louis et Bernard, notre photographe attitré, qui trouve que l’équipe est souvent bien plus agitée au moment de réaliser la photographie de groupe.

Une belle réussite qui nous permet toujours de prendre conscience de l’intérêt que nous portent les élus et le public.


J-L Hébrard

« Henri Josseron et la guerre » : le 21 novembre, lecture publique par Bernard Juillet

Le vendredi 21 novembre, à l’Espace Patrimoine d’Albens, Kronos vous invite à une lecture publique d’œuvre d’Henri Josseron par Bernard Juillet.

À travers la lecture de textes variés concernant les guerres de 14-18 et 39-45, on découvrira un homme à la fois patriote, pacifiste et résistant. Durement éprouvé par la guerre, Josseron sait en montrer le tragique mais n’hésite pas quelquefois à prendre du recul pour philosopher sur l’absurdité des conflits, voire introduire un peu de comique dans la représentation de ses personnages.

Venez nombreux !

Henri Josseron est né en 1888 à Musièges. Il est le second garçon de la famille dont l’aîné François Joseph sera tué à Verdun en 1916. Henri fréquente l’école primaire supérieure de Rumilly avant d’intégrer l’École Normale de Bonneville. Mobilisé de 1909 à 1911, puis rappelé en 1914, Henri Josseron contracte la tuberculose à l’armée ce qui lui vaudra une incapacité permanente et l’empêchera de continuer à exercer son métier. En 1912 il épouse Françoise Dérippe de Saint Sylvestre. En 1920, le ménage qui désire se rapprocher de l’Albanais est nommé à Cusy où Henri exerce très peu de temps avant d’être mis définitivement en congé d’invalidité puis en retraite. Il remplira alors à partir de 1921 les fonctions de secrétaire de mairie. C’est probablement pour meubler ses loisirs forcés qu’il commence à écrire. Ses poèmes et ses nouvelles dont certaines se passent à Cusy mettent en scène les personnages et les coutumes de l’Albanais ancien.

En 1939, installé à Saint Sylvestre, il a la douleur de voir son fils unique Paul tué sur le front. C’est dire que la guerre l’a profondément marqué dans son histoire personnelle et familiale.

                  

Journées du Patrimoine 2025

À l’occasion des journées du Patrimoine 2025, le dimanche 21septembre, l’association Kronos vous propose une promenade patrimoniale au départ d’Albens jusqu’à Orly et Marline, pour une découverte de l’architecture rurale et de la gestion de l’eau.

Départ de l’Espace Patrimoine à 14h
(177 rue du Mont-Blanc, Albens Entrelacs)


Prévoir de bonnes chaussures
Durée : de 2 à 3 heures (6 à 7 km)


Réservation conseillée : contact@kronos-albanais.org

Gaston… la passion

Ce n’est jamais très simple d’essayer de transcrire entre 6 et 7 heures d’entretien même s’il a été enregistré. Cela l’est encore moins quand ces 6 à 7 heures d’entretien concernent une période beaucoup plus longue dans le temps. En réalité, cette opération est très prétentieuse et le risque est grand de ne pas pouvoir retranscrire avec exactitude les propos de « l’interviewé » !

Et pourtant, tout parait si simple quant à se laisser bercer par le récit ! Tout semble clair, vivant, réel… précis ! Et je suis resté passif des heures durant à écouter Gaston Daviet me raconter avec passion tant son expérience professionnelle et ses détails qui en constituent les différentes ramifications, que sa vie de tous les jours depuis soixante-dix ans.

Tire le monde

Gaston Daviet est né le 15 août 1912 à 8 heures et quart à Viuz la Chiésaz, petit village de l’Albanais (814 habitants, au dernier recensement(1)) situé au pied du Semnoz. Il a été mis au monde, comme beaucoup d’enfants à cette époque par madame « tire le monde » synonyme de nos jours de sage-femme !! Ce n’est rien de le dire encore faut il voir le regard satisfait de Gaston Daviet qui n’a pas l’air de se plaindre d’être né sur place alors qu’aujourd’hui on s’entoure de toutes les garanties pour que la parturiente puisse transmettre la vie dans les conditions de sécurité les plus grandes.

À la question : votre grand-père était-il italien ou piémontais ? La réponse est catégorique : non sarde !

1950, le personnel de la scierie en promenade au Semnoz
1950, le personnel de la scierie en promenade au Semnoz

Viuz-la-Chiésaz

À l’origine, il existait deux villages : Viuz et la Chiésaz. Nous vous renvoyons par curiosité à l’article paru dans notre précédent numéro relatif à un violent orage qui s’est produit en 1785 et dont le récit a été fait par I. Gonard. Un des témoins de cette perturbation atmosphérique était natif et habitant de « Vieux la chaise ».

Il se souvient, petit, avoir entendu une version de l’histoire du nom du village. Il y a fort longtemps, le village le plus puissant était Chiésaz. Puis Viuz s’est développé. Le curé avait d’ailleurs arrêté d’aller à la Chiésiaz. Puis, finalement, les habitants avaient demandé au curé de réciter la messe uniquement pour la Saint-Jean.

La vogue de Viuz était en décembre à la St-Étienne. Notre témoin se souvient avoir fait souvent les deux vogues et les gens dansaient à l’intérieur d’une grange.

Les deux villages étaient réunis lorsque se déroulaient les fêtes. Il paraît que le curé s’y rendait avec deux sacristains. Les villageois l’accueillaient avec une grande joie et faisaient sonner les cloches de la Chiésaz en annonçant que le curé était arrivé !

Des cloches ont été enfouies pendant la Révolution. Gaston Daviet se souvient que les radiesthésistes sont venus à la Chiésaz et auraient découverts un passage souterrain. Les cloches auraient été enfouies dans les marais.

On se souvient en effet qu’en 1794, alors que la Savoie était devenue le 84ème département de la République sous l’appellation de département du Mont Blanc, et que la terreur battait son plein, Albitte, Administrateur du département s’était rendu célèbre par l’opiniâtreté qu’il avait déployée pour la destruction des clochers (le bronze des cloches servant bien entendu à fondre des canons).

D’autres thèmes ont été abordés. Nous n’en retiendrons que quelques uns par l’originalité de leur contenu. L’école reste toutefois un sujet original par certaines anecdotes, et le bois car il a été la passion de Gaston Daviet.

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L’école

Viuz la Chiésaz, comme beaucoup d’autres villages savoyards, est pourvu d’une école communale construite en 1866 quelques années après l’annexion.

En quelle année avez-vous été à l’école ? « J’ai commencé en 18, j’avais 6 ans car il n’y avait pas de maternelle.

Il y avait deux classes à Viuz la Chiésaz, qui s’enrichissaient, bon an mal an, de 6 à 8 élèves. Les habitants allaient travailler à la seule usine du canton, la Fonderie, ou bien ils étaient cultivateurs, avaient un lopin de terre et trois ou quatre vaches et vivaient là.

Les punitions à l’école ?

Elles étaient simples : nous étions de retenue le soir. Vous comprenez les instituteurs étaient logés sur place et cela ne les gênaient pas ! Et Gaston Daviet se souvient d’avoir été retenu jusqu’à 8 heures du soir !

Les parents ne disaient rien ? Bien sûr que non ! L’essentiel était de leur faire comprendre qu’on avait été puni !

Le certificat d’étude :

Les instituteurs nous redonnaient des cours après 16 heures. Nous avions une demi-heure de récréation et les élèves restaient pour préparer le certificat. Le certificat se passait ensuite à Alby-sur-Chéran, chef lieu du canton distant d’environ cinq kilomètres du village. Il va de soi que le moyen de transport le plus approprié était la marche à pied. Les enfants partaient avec l’instituteur affronter… les sujets de certificat.

Mai 1934 : le bâtiment de la scierie
Mai 1934 : le bâtiment de la scierie

Avec le curé… « c’était chacun chez soi ». Le curé venait chercher ses ouailles au portail de l’école mais n’en franchissait pas le seuil. Le catéchisme finissait pour la St Jean à la fin du mois de juin. Gaston Daviet se souvient qu’un jour, le curé l’avait pris par les oreilles et lui avait dit de copier dix, cinquante ou cent fois une prière. Il avait commencé mais n’était pas allé jusqu’au bout… de la punition. Le jour de la St Jean… « il m’a pris par les oreilles et m’a dit : je te pardonne car c’est la St Jean ! ».

Et après le certificat ?

Certains partaient en apprentissage dans une école de mécanique ou de charpente, d’autre dans une ferme, d’autres encore allaient à Alby-sur-Chéran au collège, qui était la pépinière des instituteurs.

Ce collège, c’était l’école supérieure. Dans les premiers temps, les élèves y allaient à pied, matin et soir, et puis certains ont réussi, par la suite, à se procurer des vélos.
L’hiver, ceux de Cusy, d’Allèves, couchaient à Alby.
À l’école supérieure ? Non, les habitants d’Alby faisaient pension.

Les transports scolaires

Gaston Daviet a été aussi conseiller général du canton d’Alby-sur-Chéran de 1963 à 1972 et a vu la création de l’un de ses deux premiers syndicats intercommunaux.
En effet, si une ville comme Annecy n’avait pas trop de difficultés pour organiser dans son enceinte des transports destinés aux enfants, il n’en allait pas de même pour les villages ruraux alentour. Le canton d’Alby a été, avec celui de Faverges, l’un des premiers à se doter de moyens de transports scolaires. La date en paraît bien éloignée : 1958 et le ramassage a débuté sur la commune de Cusy. Le syndicat a eu ensuite à organiser un ramassage scolaire complet financé par le conseil général et concernant les communes du canton.
Il ne faut pas oublier une autre facette de Gaston Daviet, celle, et je le sais par expérience, où se traduit sa réelle passion, celle du bois. Je l’ai entendu parler avec une précision extraordinaire de caisses qu’il réalisait, des moteurs qu’il réparait soit sur son camion, soit sur la scie.

Le bois

Gaston Daviet est ce que l’on appelle communément un homme qui s’est fait par lui-même. Son grand-père était charpentier, il avait construit une scie au siècle dernier vers 1880. Il travaillait le bois et faisait tous les objets que l’on peut imaginer. Il avait ça dans la peau et Gaston Daviet a découvert sa passion vers l’âge de douze ans, peut être même avant.

« Quand mon grand-père est mort, j’ai fait tourner la vieille scie, j’ai eu une promesse de vente à 21 ans… il a fallu partir et… j’ai tout racheté. J’ai scié jusqu’à vingt-huit ans. Entre temps, il a fallu partir à l’armée à 22 ans (en 1933 au mois d’octobre), je suis ensuite devenu exploitant forestier ». Mr Daviet profitait d’une convalescence pour acheter une autre vieille scie du côté d’Albertville. Il construisit un bâtiment pour abriter cette scie qui était à l’origine montée en plein air.
Cela a été le début de l’activité et le premier bois fut vendu en septembre 1929. Pourtant, le travail n’a pas toujours été une activité très lucrative. Gaston Daviet a un souvenir précis des prix de vente du bois.

1951-1952 : le bâtiment de la scierie après son extension
1951-1952 : le bâtiment de la scierie après son extension

La fluctuation des cours

« Quand je suis revenu de l’armée… on s’est cassé le nez comme toutes les entreprises à l’époque. Il y avait une baisse colossale du prix du bois… (2)) » Notre narrateur a vendu ses premiers bois qui valaient 420 F. En 1939 : 360 F pour des bois de troisième catégorie, c’est à dire ceux destinés aux emballages.

Entre temps, un ennui technique mettait la scierie hors d’état de fonctionner.

Ces quelques lignes sont extraites de plusieurs jours d’entretiens passionnants qui nous permirent de survoler, trop rapidement, une longue période de notre proche histoire.

Merci Gaston Daviet.

Pierre Lantaz
Article initialement paru dans Kronos N° 7, 1992

(1) En 1990, 1324 habitants au dernier recensement en 2017. (N.D.K.)
(2) La France est frappée par la grande crise économique à partir de 1931. Avec la chute des exportations, le cours des principaux produits agricoles s’effondre et la production industrielle diminue d’un tiers.
Le pays s’enfonce alors dans une grave crise sociale. En cinq ans, le revenu moyen de la population baisse environ de 30%. Certaines catégories sociales sont particulièrement touchées : les ouvriers frappés par le chômage et les agriculteurs dont le revenu s’effondre. Les classes moyennes souffrent aussi petits patrons et commerçants appauvris ou ruinés, fonctionnaires dont l’État a diminué les traitements.

Les revenus en France
Les revenus en France

Regard sur l’Albanais au début du XXème siècle

Réalisée à l’occasion de la journée « Culture et Vous » du samedi 7 juin, cette exposition intitulée « Regard sur l’Albanais au début du XXème siècle » vous propulse plus d’un siècle en arrière.
Tirées à partir de vieilles plaques photographiques en verre, ces images donnent à voir quelques moments de la vie quotidienne. La série se termine par un cliché pris après la Grande guerre, au moment de l’inauguration du monument aux morts d’Albens en 1922.

Prenez un verre au café Ginet à Saint-Félix
Prenez un verre au café Ginet à Saint-Félix
Découvrez les conscrits de Saint-Girod
Découvrez les conscrits de Saint-Girod

Ou allez au chalet du Sire pour une descente à ski
Ou allez au chalet du Sire pour une descente à ski

En poursuivant plus avant dans l'exposition, admirez les acrobates à la vogue de Saint-Félix
En poursuivant plus avant dans l’exposition, admirez les acrobates à la vogue de Saint-Félix

Attendez devant la Poste d'Albens
Attendez devant la Poste d’Albens

Deux autres clichés sont plus insolites :

Cerclage d'une roue de charrette
Cerclage d’une roue de charrette
Procession dans la rue de la poste, aujourd'hui rue Joseph Michaud
Procession dans la rue de la poste, aujourd’hui rue Joseph Michaud

La dernière photographie a été réalisée le jour de l’inauguration du monument aux morts d’Albens en novembre 1922. Elle donne un aperçu de la foule qui est présente ce jour-là.

Inauguration du monument aux morts d'Albens
Inauguration du monument aux morts d’Albens

Merci à tous ceux qui ont bien voulu confier à l’association ces beaux témoignages réalisés pour l’essentiel dans les années 1900 à 1910.


* Les tirages des clichés et la mise en forme, ont été réalisés par le studio Grand Angle à Aix-les-Bains


Jean-Louis Hébrard

La revue 40 est sortie…

… depuis déjà près de deux mois ! Il était temps de l’annoncer officiellement, d’autant plus qu’il s’agit de notre 40ème revue !

Au sommaire :

  • Le vin de Chautagne en Suisse avant le XXe siècle
  • Des chantiers de jeunesse au maquis (2de partie)
  • De La Biolle à la Bulgarie, la nourrice et le roi
  • Pierres à cupules, la famille s’agrandit
  • L’incendie de Châtillon (Chindrieux)
  • Histoire de l’alpage du Thurroz
  • Le costume de Saint-Offenge
  • « Il était une fois » Kronos
  • Les activités de Kronos en 2024

Si ce n’est déjà fait, vous pouvez la retrouver dans les points de vente suivants :

  • Maison de la presse à La Biolle
  • Magasin SPAR à Albens
  • Carrefour Market de Grésy-sur-Aix
  • Hyper U de Rumilly
  • Espace Leclerc de Drumettaz

En l’honneur de TRAJAN : une inscription latine du IIème siècle désormais visible à l’Escale

  • Découverte au XVIIIème siècle dans le village – placée au XIXème siècle dans le mur de la cure, puis à la fin du XXème siècle devant le nouveau centre administratif.
  • L’inscription : plaque de calcaire moulurée, brisée à gauche, dimensions : 62,5 x 130,5 x 22 cm. Texte de 3 lignes en lettres majuscules profondément gravées, bien lisibles dont il manque la moitié.
Inscription latine
Inscription latine
  • Ce qu’elle raconte :
    1ère ligne : indique le nom de l’évergète CERTI et sa filiation.
    2ème ligne : Il offre au villageois VICANIS d’Albens, une construction avec ses ornements (ORNAMENTIS).
    3éme ligne : en l’honneur de l’empereur Trajan (TRAINI) qui vient de remporter en 116 une victoire sur les Parthes (PARTICI).
    Cette indication permet de dater l’inscription entre 117 et 118.

Un dernier terme demeure encore incompréhensible : VANTESICAE.

Cette inscription, complétée par celle conservée à Marigny-Saint-Marcel atteste de l’importance antique d’Albens (temples, thermes, aqueduc, palestre).

Placée désormais à l’Escale elle permettra à tous de prendre conscience d’une très longue permanence humaine.
Merci à la municipalité d’Entrelacs pour la sauvegarde de ce témoin antique bi-millénaire.

Pour en savoir plus : reportez-vous au numéro 8 de la revue Kronos.

Hébrard Jean-Louis