Fabrication de fourches par M. Jean-Pierre Conversy

M. Conversy, artisan, habitait au village de Marcellaz à Saint-Girod. Il débuta son activité après la guerre de 1914 et exerça alors son métier jusqu’à la fin de sa vie, en 1949.
M. Conversy a eu le mérite d’apprendre seul ce métier qui lui a demandé beaucoup de patience, d’habileté et de précision.
Il lui a fallu donc, tout d’abord, un certain temps de réflexion dans l’étude de la courbe d’une fourche, des matériaux nécessaires à l’élaboration de son ouvrage. Puis vint le temps de la fabrication des moules et autres matériaux. Tout ceci consistait en une « échelle spéciale » appelée « la forme » et des « coins ». Puis il acquit un four, un grand chaudron, un petit chariot, une scie à ruban, des rabats, des racloirs, des planes et toiles émeri. Son ouvrage était constitué d’un ensemble d’opérations dont la construction en elle-même nécessitait plusieurs jours.
Il lui fallait d’abord aller acheter le bois sur pied. Il parcourait le pays en vélo. Le frêne était choisi comme le matériau le plus adéquat. M. Conversy choisissait de gros frênes, jeunes, le pied bien droit et sans nœuds. Il les reconnaissait à leur écorce presque lisse, et à leurs emplacements, des terrains frais et plutôt humides.
Les pieds de frêne étaient ensuite transportés à la scierie où ils étaient sciés en des plateaux de 7 cm d’épaisseur.
Puis s’exécutait le travail de traçage. Les tracés de bois de fourche étaient effectués dans les veines bien droites puis sciés à « la ruban ». Ensuite, il fallait donner 2 coups de scie pour les 3 fourchons de 70 cm. M. Conversy préparait ainsi une quinzaine de bois de fourche.

L’autre partie de son travail se déroulait le lendemain matin de très bonne heure (2 heures du matin). Il commençait à faire cuire les 15 bois de fourche à l’eau bouillante dans un grand chaudron haut pendant 1/2 heure environ suivant la dureté du bois. Puis il sortait un bois à la fois tout en maintenant les autres dans l’eau chaude.
Ensuite, il commençait par courber la partie « fourchon » à l’aide de l’établi pour assouplir 1e bois pendant qu’il était encore très chaud et éventuellement le remettait cuire s’il était encore trop raide. Puis le bois était placé sur la « forme » (échelle spéciale) à même le sol, coincé avec une traverse au niveau de 1a base des fourchons. Deux coins provisoires étaient mis pour écarter les fourchons sans les forcer et puis il fallait donner de la courbe aux 3 fourchons en les maintenant dans le bout par des bois échancrés, les fixant à égale distance les uns des autres. Ce travail fini, ils étaient laissés en attente. Puis M. Conversy recommençait la même opération avec un autre bois en ayant soin de remettre au fur et à mesure des bois à recuire.
Quand les 15 ébauches de fourches étaient prêtes, il faisait chauffer le four préalablement rempli de bois à une température très élevée comme pour un four à pain.
Puis il faisait glisser à l’intérieur sur des rails le paquet de 15 fourches prêt à l’avance sur un charriolet spécial. Puis le four était refermé aussitôt, les fourches y étaient laissées jusqu’à complet refroidissement, c’est à dire jusqu’au lendemain.
Tout ce travail était très pénible et demandait une grande matinée.
Le jour suivant, M. Conversy, enlevait les moules (formes) qui se dégageaient sans effort le bois ayant séché. Il remplaçait les coins provisoires par d’autres plus petits « en verne », bois tendre, et les clouait avec deux grandes pointes rivées aux deux extrémités Arrivait alors le travail de finition. Avec rabots, planes, racloirs, papier de verre, il effilait les fourchons en arrondissant seulement le dessous, le dessus devant rester plat mais sans angles prononcés sur les bords.
Puis il arrondissait le manche. Toute la fourche devant être lisse et douce au toucher, aussi le polissage était perfectionné avec du papier de verre très fin.
La fourche était alors terminée.
M. Conversy faisait également des fourches avec du noyer bien droit, qui était un bois beaucoup plus léger. Les fourches étaient achevées en guise de cadeaux, pour les femmes et les enfants.

Son travail s’effectuait sur les marchés de la région, mais beaucoup de gens venaient acheter les fourches à son domicile. Beaucoup étaient vendus aux habitants des Bauges.
Il se chargeait aussi de la réparation des fourches cassées.

Avec ce même amour du travail, le travail bien fait, M. Conversy fabriquait aussi des skis, selon les mêmes principes de construction que pour les fourches. Les skis étaient vendus jusqu’à des départements très éloignés.
À tout ceci, s’ajoutait la réalisation de tonneaux et de pressoirs.

Maryse Portier

Article initialement paru dans Kronos N° 1, 1986

Albens avant la Guerre 14-18

Il devait faire beau temps ce dimanche 5 avril 1914, jour des Rameaux ; comme à leur habitude les habitants d’Albens se regroupent sur la place centrale où l’on discute par petits groupes.
Nous sommes sortis de l’hiver, les petites filles ont revêtu les robes claires et coiffé les chapeaux de paille qui les protègent si bien des ardeurs du soleil. Quelques femmes en robes longues et sombres circulent entre les groupes d’hommes qui semblent débattre tranquillement.
Parlent-ils des travaux des champs et des longues journées consacrées aux cultures, aux herbages et à la production du lait que l’on apporte quotidiennement dans les fruitières ?
N’abordent-ils pas plutôt les questions politiques ? Dans trois semaines les prochaines élections législatives vont avoir lieu. Le débat est vif, les  républicains sont divisés, le parti réactionnaire et clérical encore puissant. Mis en ballottage au premier tour, le député républicain sortant Théodore Reinach sera nettement battu au second par un jeune candidat se définissant comme « nettement catholique et franchement républicain », Paul Proust.
Ce nouveau député, les électeurs du canton n’auront guère eu le temps de le connaître : mobilisé le 4 août 1914, sergent au 97ème de ligne, il tombera au combat le 24 octobre de la même année à Saint-Nicolas-les-Arras.

place_albens

Avec cette carte postale réalisée quelques années plus tôt par le photographe chambérien Louis Grimal nous disposons d’une sorte de fenêtre ouverte sur les habitants d’un chef lieu de canton qui regroupe alors neuf communes et compte un peu plus de 1600 habitants.
Dans moins de cinq mois la première Guerre mondiale aura éclaté, les hommes seront partis défendre la patrie et sur la porte de la mairie on pourra encore voir l’affiche de la mobilisation générale.

Jean-Louis Hébrard
Article initialement paru dans l’Hebdo des Savoie

La faïencerie de la Forêt à Saint Ours

Un dossier aimablement prêté à un membre de Kronos par Monsieur le Conservateur du Musée de Chambéry, une vieille brochure de Monsieur le Comte de Loches, une visite au musée d’Aix les Bains, et diverses conversations, ont permis de rassembler un faisceau de renseignements concernant l’activité de la faïencerie de la Forêt, installée sur la commune de Saint Ours, et qui fonctionna de 1730 à 1814.

L’attention des chercheurs du passé de l’Albanais sera peut-être éveillée, et on souhaite que les uns et les autres examinent leurs vieilles faïences et porcelaines, fouillent les greniers, questionnent voisins et amis, peut être découvriront-ils plats ou assiettes portant au dos l’inscription : « la Forest »… Peut-être feront-ils quelque trouvaille plus intéressante ? Aussi cet article pourrait n’être que le premier se rapportant à une intéressante industrie de notre canton… Puisse-t-il amener nos amis à se passionner plus encore pour notre belle région…

faience_pieta
Pietà (Saint-Ours)


Noël Bouchard, fils de Jacques Bouchard, quincaillier à Chambéry, fonda, vers 1730, à Saint Ours, au lieu dit « La Forest » une faïencerie dont les frais d’installation s’élevèrent à la coquette somme de 80 000 livres.
Le Roi de Sardaigne lui accorda, par lettres patentées du 23 Janvier 1730, le monopole de vente, l’exemption de nombreux impôts, ainsi que des facilités pour l’achat du sel et du plomb nécessaires aux vernis.
Noël Bouchard adjoignit un magasin de faïence à son commerce de quincaillerie de Chambéry. Après quelques années, son fils Jean Marc lui succéda, et les privilèges accordés par le Roi de Sardaigne furent prorogés en 1749 pour 15 ans, et en 1763 pour 10 ans…
Noël Bouchard n’avait que peu de compétences dans la fabrication des faïences ; aussi est-il probable qu’il utilisa les services de techniciens de Nevers, grand centre de fabrication, mais qui, à l’époque de la fondation de la Forest avait, par suite de la multiplication excessive de ses ateliers, été victime à la fois d’une crise de chômage et de la limitation du nombre des entreprises…
Il ne semble pas que l’on ait retrouvé des pièces attestant un style particulier à la Forest ; la faïencerie imitait des œuvres de provenances diverses (Nevers, Moustiers, faïenceries italiennes, etc…). La plus grande partie de la production était celle d’objets usuels, plats et assiettes, uniquement en faïence jusque vers 1770, parfois en porcelaine à partir de cette date.

faience_manganese
Faïence « manganèse » (collection particulière)

En 1797, Pierre-Amédée Bouchard constitua, avec son beau-frère Jo Dimier et Marguerite Dimier, la Société Bouchard et Dimier, aux fins de poursuivre l’exploitation de la faïencerie… Mais cette société fut éphémère : le 21 vendémiaire an VII (13 Octobre 1798), Jo Dimier en réclama la dissolution.
Avait-il accepté de former une société avec son beau-frère pour connaître les « secrets » de fabrication ? Ou bien, les deux beaux-frères ne purent-ils s’entendre ? Toujours est-il que Jo Dimier s’installa à Hautecombe, ancienne abbaye devenue bien national, où il fonda sa propre faïencerie, qui fonctionna de 1799 à 1804, époque à laquelle il fit faillite, ce qui entraîna la disparition de la faïencerie de Hautecombe.
Un procès opposa Pierre-Amédée Bouchard, qui poursuivait l’exploitation de la Forest, et Jo Dimier.
Ce procès entraîna de gros frais, et fut, semble-t-il, une cause importante de la faillite de Bouchard, dont les biens furent saisis, et finalement vendus le 21 Novembre 1812.
Monsieur de Saint-Martin, notaire chambérien, se rendit acquéreur de la faïencerie, pour la somme de 44 425 Francs, tandis que Bouchard allait demander asile à un beau-frère, Monsieur Rosset d’Albens.

faience_brochet
Faïence polychrome « Au Brochet » avec trois petits bonshommes pêcheurs (collection particulière)

La faïencerie fut alors dirigée par le notaire, aidé d’un « tourneur » (ouvrier faisant fonctionner le tour du potier) ; mais elle ne put se rétablir, et disparut promptement… Le musée de Chambéry possède en effet une assiette de faïence portant l’inscription « La Forest, 1814 »… Cette pièce constitue la dernière preuve de l’existence de la fabrique. D’autre part, vers 1816, Monsieur de Saint-Martin fit pulvériser les moules en gypse, pour engraisser ses champs de trèfles…

Actuellement, aucune trace de la faïence ne subsiste ; seule, la mémoire de certains habitants du hameau permet de situer l’endroit précis où se trouvaient les bâtiments.
Par contre, des traces de la production existent… Diverses pièces sont exposées dans les musées d‘Aix et de Chambéry.
À Aix, en particulier, on pourra voir quelques plats et assiettes, produits de la Forest. On admirera en particulier une très belle assiette en porcelaine ; toutes les pièces exposées sont soigneusement mises en valeur.
Une brochure, due à Monsieur le Curé de St Ours, et datée de 1980, permet de vérifier que des pièces plus « nobles » étaient produites :
– Une « Pesta » (Pieta) représentant le Christ mort, entre les bras de sa Mère ; le Comte de Loches lui trouve « un peu de gaucherie dans le modelage et l’attitude des personnages, mais les couleurs sont vives, l’émail bon, et l’on retrouve dans l’ensemble de la composition un peu de cette naïveté qui distingue les tableaux de Giotto et du Pérugin ».
– Un curieux petit moutardier, propriété de M. Rosset, notaire à Albens… « Ce moutardier est fait d’un tronc d’arbre, au pied duquel est un berger, dans une attitude peu pastorale, mais assez analogue avec le contenu du récipient » (Comte de Loches).

Enfin, et si l’on écarte provisoirement, dans cette étude, les pièces du musée de Chambéry, il faut ajouter qu’il y avait peut-être, suite à une campagne de fouilles menée il y a assez longtemps, des tessons provenant de la Forest, entreposés en musée d’Aix…

faience_platabarbe
Plat à barbe en faïence (collection particulière)

Amis de Kronos et de notre belle région, n’entreprendrez-vous pas, avec nous, un travail de recherche, pour apporter votre contribution à la connaissance de pièces, plus ou moins belles, plus ou moins nobles, qui survivent vraisemblablement encore, peut-être dans les greniers, peut-être soigneusement suspendues ou précieusement posées sur quelque vieux meuble…

J. Caillet
Article initialement paru dans Kronos N° 2, 1987

Conférence 19/04 : l’église de la Biolle, architecture et histoire

Mardi 19 avril 2016, au centre culturel des Trois-Bouleaux de la Biolle, se tiendra à 20h30 une conférence sur l’église de la Biolle, son architecture et son histoire, donnée par Véronique Dohr, architecte urbaniste, et Henri Billiez, membre de Kronos.
Ce sera également l’occasion de découvrir le dernier numéro de Kronos, pour ceux qui ne l’ont pas encore découvert.

Venez nombreux !

Assemblée Générale 2016 : vendredi 1er avril

Kronos vous invite à fêter ses 30 ans lors de son Assemblée Générale le Vendredi 01 avril 2016 à 20h30, à la salle Chantal Mauduit (salle polyvalente) à Albens.

À l’issue de l’ Assemblée Générale, Monsieur Louis Mermin donnera une conférence :

« L’accueil des blessés et réfugiés en Pays de Savoie 1914-1918 »
photoAG2016

Entrée Gratuite – Pot de l’amitié – Gâteau d’anniversaire
Venez nombreux !

Le château de Montfalcon

C’est sur un mamelon isolé de la commune de la Biolle que s’élèvent les ruines du château de Montfalcon ; situées au sud-ouest d’Albens, cette position domine au nord le vallon de l’Albenche et à l’est, toute la vallée de l’Albanais et même au delà puisqu’au sud-est, l’on devine dans le lointain, Aix-les-Bains, Chambéry et la combe de Savoie. C’est du reste, le fait que cette position était située entre la grande route venant de Rumilly et Annecy par Albens sur Chambéry et le débouché des cols conduisant sur le lac du Bourget via la Chautagne qui lui a conféré au moyen-âge une réelle importance.

blason_pierre

Le fief de Montfalcon comprenait dans l’Albanais, Saint Germain, La Biolle, Albens et Saint Girod. Il entre dans l’histoire avec la famille de ce nom. En 1084, Gautier et sa femme Bulgrade fondent le prieuré de Saint Innocent sur le lac du Bourget. On retrouve Bompair, fils de Gautier, dans un acte concernant l’abbaye d’Aulps, peu avant 1113, puis Willelme, chevalier en 1149, Berlion en 1173, Girard en 1225, Gautier en 1287, etc… La première mention du château date du 12 janvier 1252, jour où la comtesse de Savoie achète tous les biens provenant de Bernard Farguil de Montfalcon. Dans son testament du 7 mai 1268, Pierre de Savoie donne à sa fille Béatrice ses biens du Genevois, sauf les droits à Seyssel et à Montfalcon. La terre et le château passent ensuite à ses nièces, filles de la comtesse de Provence, Aliénor, femme d’Henri III, roi d’Angleterre, et Marguerite, femme de Louis IX, roi de France. Mais elles déclarent le 19 juin 1275 que ces biens ont fait retour aux enfants de Thomas de Savoie, comte de Flandre.

ruines_montfalcon

Ainsi, la suzeraineté sur ce château semble avoir appartenu très tôt à la maison de Savoie. Dans l’accord entre les deux frères, le Comte Amédée et le Comte Louis, en 1286, ce dernier remet Montfalcon à Amédée. Pour compliquer le problème de la suzeraineté de ce château, nous voyons, en 1305, le Comte Amédée II de Genève en faire hommage lige à l’évêque de Genève Aimon du Quart. Comment lui était-il parvenu ? Guillaume III, comte de Genève, prête hommage de nouveau en 1313 à l’évêque Pierre de Faucigny, avec d’autres fiefs, pour ce château.

blason_dessin

Il y avait certainement une indivision pour la possession de ce fier car, en 1327, le dauphin de Viennois fait un accord avec Humbert de la Balme, chevalier, au sujet du château de Montfalcon et de sa juridiction, mais il s’agit ou bien d’un autre Montfalcon ou d’une des seigneuries dans le château. Les la Balle avaient en effet des biens à Montfalcon.

Pendant le début de la guerre féodale, l’évêque rapporte que Guillaume de Genève, en 1329, montant dans les Bornes, au lieu dit le « Bois Noir », vit au loin brûler à Montfalcon, le « rafour », soit le four à chaux, appartenant au comte de Savoie, incendie allumé par Hugues de Genève. Ceci se passait après la destruction du château de Genève et l’évêque déclare que le comte de Genève ne tenait pas à faire la guerre au comte de Savoie, car il s’était entendu avec lui au sujet de son château. À l’extinction des comtes de Genève et après l’acquisition du Genevois par Amédée VIII, Montfalcon revient entièrement à la maison de Savoie.

plan_blondel
Châteaux de l’ancien diocèse de Genève, Louis Blondel, 1956, Genève, société d’histoire et d’archéologie.

À côté de la suzeraineté comtale sur le château et son bourg, il existait plusieurs seigneuries dans ses murs. Leur histoire et leur succession forment un écheveau difficile à débrouiller. Cependant, nous voyons, et cela est prouvé par l’état des lieux, que, à côté du donjon comtal où siégeait le châtelain en A, il existait en B une tour qui, pour finir, est revenue aux Allinges, marquis de Coudrée. Cette tour était le centre de la seigneurie provenant des Montfalcon. Comme ailleurs, la famille originale avait conservé une maison forte à côté du château, siège du souverain. Les Montfalcon la possédaient déjà en 1236. Martin et Girard, frères, sont investis de ce fief en 1329, 1343 et 1346. En 1326, Aymon, damoiseau, vend des biens à Pierre de la Balme entre autres illud bastimentum, soit une construction fortifiée, laquelle devait être élevée derrière sa maison de Montfalcon.

Cet acte est approuvé par Pierre de la Ravoyre, Châtelain de Montfalcon, pour Pierre de Savoie, archevêque de Lyon et seigneur dudit Montfalcon. On voit donc que le château dans son ensemble était devenu un apanage dévolu à divers membres de la famille de Savoie. On retrouve dans la région, des Montfalcon avec des biens et maisons fortes jusqu’au XVIe siècle ; il n’est pas certain que toutes ces maisons étaient situées dans le château même. Le sommaire des fiefs indique que le baron de Montfalcon et Antoine, son frère instituent le duc Charles comme héritier en 1504. Aux Montfalcon succèdent les Mouxy qui avaient déjà une maison dans le château à la fin du XIVe siècle (1392). Les d’Orlier possédaient aussi un fief en 1344 et 1447 avec maison forte dans « les closures » du château et au « molard » de Montfalcon, mais il n’est pas certain que cela soit le même que celui des Mouxy. Le fief principal, semble t-il, est inféodé ensuite le 24 mai 1488 à Anselme de Miolans, seigneur de Montfort, comte de Montmayeur, en échange avec Cusy. Dès ce moment, il y eut des indivisions qui causèrent dans la suite d’interminables procès, car les Miolans auraient cédé en 1525 ce fief à Louis de Gallier, seigneur de Breyssieu, et n’auraient été remis en possession du château qu’en 1536, trouvant cependant « la porte de la tour close ». Ce qui est certain, c’est que Louis Odinet, baron de Montfort, comte de Montréal, fut investi de ce fief vendu par le duc le 24 avril 1566 (inféodations en 1566 et 1571). Par héritage, ce fief passa à Georges de Mouxy en 1583, puis, par Jeanne-Gasparine de Mouxy, à son mari Louis de Seyssel de la Chambre en 1629 et par Enriette de Seyssel à son mari Jacques d’Allinges, marquis de Coudrée en 1655. Le marquis Joseph d’Allinges consigne ce fief en 1753. Les dates varient suivant les auteurs, car il y a des différences considérables entre la date des inféodations et la consignation des fiefs. Cette seigneurie concerne la parcelle de la tour B et non de la tour comtale A qu’on appelait peut-être la « tour des prisonniers ». Pour la tour A, nous savons qu’au XVIIIe siècle elle appartenait à Guillaume-Joseph d’Oncieu, comte de Douvres, son grand-père François, au XVIIe siècle, avait déjà une maison-forte à Montfalcon ainsi que son oncle Rd. Adrien, mort en 1675, qui y possédait des rentes. Il nous semble probable qu’ils l’ont eue par les Mouxy et les Odinets et qu’au XVIe siècle, les ducs de Savoie ayant remis à ces familles cette seigneurie, celle-ci a été divisée en deux parties avec les deux tours distinctes. Il n’y a aucun renseignement sur la destruction du château et du bourg. Mais il est vraisemblable que cette destruction a eu lieu au XVIIe siècle par les armées françaises. Près du Château il y avait une chapelle dédiée à Saint-Antoine.
Montfalcon dépendait d’Albens au point de vue paroissial, la Biolle n’étant qu’une filiale d’Albens.

L’enceinte générale, très visible et haute de plusieurs mètres à l’est, est reconnaissable sur tout le pourtour, sauf une partie au nord. Elle dessine un polygone irrégulier suivant le haut des déclivités de ce mamelon, de forme ovalaire. Les pentes ne sont rapides qu’à l’ouest, point culminant de la position. On distingue bien une tour ronde, face à Albens, avec la trace des fossés. L’entrée est au haut du chemin venant du hameau de Montfalcon, dans l’angle méridional, mais la porte a disparu. Il y avait deux divisions dans la partie basse, le bourg, plus exactement le plain-château, car on ne parle jamais de bourg, et dans la partie haute, l’enclos du château, comprenant le donjon, avec le logis comtal « A », et l’ancienne tour des Montfalcon en « B ». En haut de la position, il existait encore une tour « C » qui peut être inféodée à une famille seigneuriale. L’entrée du château avait lieu par un passage au nord du donjon.

La grande tour A ou donjon, en partie conservée, sauf une large brèche au levant, présente une construction importante avec deux étages sur rez-de-chaussée. Ses dimensions sont de 11,10 m sur 11,10 m. Ses murs montrent de nombreuses réfections, avec parements en molasse à partir du second étage. Ce revêtement n’a été effectué qu’aux faces extérieures, excepté au couchant, du côté du logis, maintenant détruit. Les assiettes inférieures en appareil petit à moyen, de 0,15 m à 0,30 m, sont de tradition romane, de la fin du XIIe siècle, plus probablement du début du XIIIe siècle. On remarque au sud une fenêtre en plein cintre. À l’angle nord-ouest, il y avait une très petite tourelle en saillie, sans doute pour une échelle ; aucune voûte, les étages reposant sur des planchers.

inscription

On a trouvé des inscriptions romaines et des pierres antiques réemployées, elles proviennent certainement d’Albens.

La tour B des seigneurs devait être moins importante, environ 8 mètres sur 10 mètres ; il n’en reste que quelques murs. On distingue mal le plan de la tour « C » effondrée et couverte de végétations. Avec le bourg contenant des maisons seigneuriales, le donjon comtal s’élevant au centre, ce château de Montfalcon devait avoir un aspect important.

Article initialement paru dans Kronos N° 1, 1986

Conférence sur Guido Gonin le 9 février 2016

Guido Gonin, une célébrité artistique d’Aix-les-Bains à la Belle époque.

Né à Turin en 1833, Guido Gonin va traverser tous les bouleversements politiques, sociaux et artistiques du XIXème siècle.
À partir des années 1890, il participe activement à la vie culturelle d’Aix-les-Bains, dessine les armoiries de la ville, prend la cyclamen comme « signature » de ses œuvres aux accents Art Nouveau.
Excellent dessinateur de mode à Paris, caricaturiste, aquarelliste, il est très sollicité durant la saison estivale par la bonne société d’Aix-les-Bains où il décèdera en 1906.

guidogonin

Cette conférence illustrée par une centaine de diapositives vous fera découvrir les multiples facettes de cet artiste qui fut surnommé « le peintre du cyclamen ».

Invité par l’Accueil des Villes Françaises, Jean-Louis Hébrard, de la société d’histoire Kronos, interviendra le Mardi 9 février à 14h30 au Palais des Congrès d’Aix-les-Bains.

Conférence « Albens, de l’Antiquité au Moyen-Âge » le 27 novembre 2015

Le vendredi 27 novembre 2015, Kronos vous propose une conférence de Rodolphe Guilhot, professeur d’Histoire-Géographie et membre de Kronos, consacrée à « Albens, de l’Antiquité au Moyen-Âge ».

conf_albens_sceneIllustration Pierre Joubert

Le passé antique d’Albens, bourgade gallo-romaine sous le nom d’Albinnum, est déjà connu grâce à quelques vestiges, dont certains visibles à l’espace patrimoine de Kronos. En revanche, le devenir de cette bourgade antique après la disparition de l’empire romain (Ve siècle) est beaucoup plus obscur, même s’il existe là aussi des vestiges tels que des monnaies mérovingiennes (VIIe siècle).

conf_albens_monnaie

À l’aide des quelques données historiques existantes et des résultats de fouilles archéologiques, nous évoquerons au cours de la soirée quelle a pu être la vie quotidienne à Albens entre la fin de l’Antiquité et le début Moyen-Âge, une époque méconnue mais pourtant pleine de surprises.

À 20h, au Centre administratif René Gay, à Albens. Entrée libre et gratuite.

Haute-Combe ou la vie monastique à Cessens au XIIème siècle

NDLR : l’auteur a pris la responsabilité d’écrire le nom de l’abbaye de Cessens, Haute—Combe en deux mots, afin d’éviter toute confusion avec l’actuelle abbaye d’Hautecombe, située sur les bords du lac du Bourget.

L’abbaye d’Hautecombe, lieu de recueillement pour certains et de curiosité pour d’autres, possède un passé qui nous permet, en cette fin du XXe siècle, de mieux comprendre les raisons qui poussent actuellement les moines de la communauté à quitter l’abbaye. Avant de s’établir sur les rives du Lac du Bourget, les moines, venant du Chablais, ont séjourné sur le territoire de la commune de Cessens.

Origine

La fondation de l’abbaye d’Haute-Combe se situe à une époque (fin du XIème siècle) où un mouvement pousse certains moines à revenir aux sources de leur vocation.

Ainsi, en 1075. Saint Robert fonde le Monastère de Molesme (1). C’est de là que vers 1090, deux moines partent pour s’établir dans une vallée calme du Chablais et y érigent, en 1097, l’abbaye d’Aulps. Certains documents nous apprennent que des moines, venus de l’abbaye d’Aulps, s’installèrent à Cessens, avant de gagner les rives du Lac du Bourget.

hautecombe_migration
Migration des moines à travers les Alpes

Implantation de Haute-Combe à Cessens

Les moines venus d’Aulps élevèrent l’ancien monastère d’Haute-Combe sur le plateau de Paquenôt, situé entre les hameaux actuels de Topis et des Granges.

La Haute-Combe, anciennement appelée Combe de Vandebert ou de Valpert, est située sur le territoire de la commune de Cessens, à une altitude de 675 m (2). Elle est située sur un chaînon jurassien qui s’avance dans l’avant-pays alpin. Cette montagne s’étire du Nord au Sud, sur une trentaine de kilomètres, du Val de Fier à Aix-Les-Bains, sous les noms successifs de Gros Foug (3), Clergeon, Sapenay, La Biolle et Corsuet.
Elle sépare à l’Ouest, la plaine de Chautagne et le lac du Bourget et, à l’Est, le bassin fertile de l’Albanais où se pratiquent depuis des siècles l’élevage et la culture. Il fut longtemps dénommé le grenier à blé de la Savoie.

C’est dans ce cadre, en lisière de la forêt de feuillus qui couvre la montagne, que s’établirent les moines. Cet emplacement correspond bien aux vœux de la vie monastique des religieux qui dans leur quête de solitude fuyaient les terres déjà surpeuplées.

Abbaye_Aulps
Abbaye de Saint Jean d’Aulps – Wikipédia / OT Vallée d’Aulps

Fondation d’Haute-Combe

C’est dans ce cadre que les moines d’Haute-Combe menèrent une vie solitaire, se séparant complètement du monde, recherchant la solitude afin de mieux suivre la règle de leur guide Saint Benoit. Ils vivaient par petits groupes dans des ermitages disséminés dans la montagne, autour du monastère.

Il n’existe pas de charte sur la fondation d’Haute-Combe : les moines restant assez indifférents aux soucis juridiques et administratifs découlant de l’incertitude sur la réussite d’une telle entreprise.
Il est donc difficile d’avancer une date concernant la fondation même du monastère. Si l’on en croit un récit anonyme du XVème siècle (document relatif aux origines d’Haute-Combe, Archives de Turin), la fondation d’Haute—Combe remonterait au début du XIIème siècle, en 1101.

« Anonyme turinois (XVème siècle). L’an 1101, quelques hommes animés de l’esprit de Dieu, désirant embrasser la vie érémitique, arrivèrent en un lieu, alors plein d’horreur et de solitude, appelé Hautecombe. Là, Ils bâtirent un oratoire et menèrent une vie sainte et solitaire jusqu’à la fin de l’année 1125 du seigneur, où, suivant les conseils de saint Bernard, qui alors passait dans cette direction, et à cause d’une lumière qui, pendant la nuit, se rendait de l’ancien monastère au lieu nommé Charaia, situé de l’autre côté du lac du Bourget, ils se transférèrent sur cette rive et l’appelèrent Hautecombe, nom du lieu qu’ils venaient d’abandonner. »

Par contre, deux chartes en confirment l’existence ; l’une de 1121 dans laquelle, un certain Gauterin d’Aix donne à Guérin, l’abbé de Notre Dame d’Aulps (1113-1136) « la terre naguère appelée le Fornet et maintenant Hautecombe, située dans le pays de l’Albanais, sur la montagne où se trouve la château de Cessens. »

« Au nom du Seigneur. Moi, Gauterin, je donne à Dieu et à Notre-Dame et à l’église d’Aulps ainsi qu’à dom Guérin, abbé de cette église, pour le salut de mon âme et de celles de tous mes ancêtres, la terre naguère appelée le Fornet et maintenant Hautecombe, située dans le pays de l’Albanais, sur la montagne où se trouve le château de Cessens. Voici les limites de ce lieu. À l’orient, la voie qui, du château de Verdet, passe au pied de cette montagne. À l’occident, du faîte de cette montagne, le cours du ruisseau Vinan qui descend du Grand Foug qui est au sommet de la montagne. À l’aquilon, de ce sommet et du foug par la colline suivante que l’on a coutume d’appeler de Verdet jusqu’à la voie qui passe au pied de la montagne. Au midi, une ligne droite partant du sommet de la montagne où est le foug jusqu’à la voie qui passe au pied de la montagne. Le seigneur Gauterin a également accordé à ceux de ses hommes qui le voudraient de donner à cette église en libre aumône comme de leur propre alleu les terres qu’ils tiennent de lui. Ont approuvé cette donation : les fils de Gauterin, Albert et Guillaume, ainsi que son épouse Guillauma ; Rodolphe, seigneur du Château de Faucigny, ainsi que sa femme, son père et ses fils ; Aymon de Grésy et ses frères, le prêtre Didier et Aymon de Venaise ; le prêtre Borno, qui a en outre cédé des dîmes. Ont signé les témoins suivants : Gantier, vidomne de Rumilly, témoin ; Nantelme, témoin ; Amblard, témoin ; Nantelme et Hugues leur frère, neveux du seigneur Gauterin, qui ont approuvé et ont été témoins ; Pierre, fils de Gauterin, témoin ; Ulric de Mouxy, témoin ; Guillaume des Échelles, témoin ; Girard Arborerius, témoin. Moi, Amédée, comte, j’approuve et je confirme, pour le salut de mon âme et de celles de mes parents, la donation faite à Dieu et à l’église d’Aulps par Gauterin, de terres qui font partie de mon propre alleu. Fait en présence de dom Humbert, évêque de Genève ; de dom Pons, évêque de Belley ; de dom Boson, abbé de Suse. Ont signé les témoins suivants ; Boson d’Allinges, témoin ; Aymon de Briançon, témoin , Albert de Cruseilles, témoin. Et moi, Vivian, par ordre du chancelier Amaldric et sur requête du comte Amédée et du seigneur Gauterin, j’ai écrit cette charte l’an de l’incarnation du Seigneur 1121. »
(Traduction de le charte rédigée en latin en 1121)

La seconde de 1126, dans laquelle, les familles d’Aix, de Savoie et du Faucigny confirment cette donation aux frères d’Haute-Combe.

« 1126. Gauterin d’Aix a fait plusieurs donations aux frères d’Hautecombe, entre autres une terre qu’il possédait dans le pays de l’Albanais, au lieudit Combe de Vandebert et maintenant Hautecombe. Ont approuvé toutes ces donations : sa femme Guillauma, ses fils Albert, Amédée, Guillaume, Aimon et Gauterin, et sa sœur Ermengarde, le comte Amédée, Guillaume de Faucigny et son fils Rodolphe ainsi que les fils de ce dernier, et Louis, fils d’Amédée de Faucigny. Témoin Hugues de Lescheraines et d’autres, l’an du seigneur 1126. »
(Traduction de la charte rédigée en latin en 1126)

Ces chartes présentent un double intérêt :
– Le nom de Haute-Combe apparaît dans les deux, ce qui atteste une fondation antérieure à ces deux dates.
– On peut aussi noter la distinction faits entre les bénéficiaires. D’abord l’abbé d’Aulps, puis les frères d’Haute-Combe ; ce qui démontre le progrès et l’importance prise par la fondation.

Cette fondation est certainement antérieure à 1119 car l’évêque de Genève, Guy de Faucigny (1078-1119) avait conféré à son frère Aymon, l’investiture de plusieurs villages et châteaux parmi lesquels figuraient deux monastères : Bommont et Haute-Combe. Pour vivre en milieu féodal, Haute-Combe devait être reconnue par tous ; ce qui semble le cas puisque la famille Gauterin approuve cette donation ainsi que les Faucigny, les Grésy, le comte de Genève, le comte Amédée III qui ne porte pas encore le titre de Comte de Savoie (a).

L’autorité ecclésiastique reconnaît Haute-Combe, puisque la charte de 1121 stipulait la présence d’Humbert de Gramont, évêque et seigneur de Genève, en effet, Haute-Combe dépendait à cette époque de ce diocèse.

Affiliation à l’abbaye de Clairvaux

Il est importent de revenir un peu en arrière afin de mentionner la fondation en 1098 de l’abbaye de Citeaux (4) par Robert de Molesme (5).
En 1115, Saint Bernard (6), jusque là moine à Citeaux, fonde l’abbaye de Clairvaux (7), qui lui confère l’autorité sur de nombreuses autres abbayes.

À cette époque, l’ordre cistercien est en pleine prospérité et Saint Bernard ne manque aucune occasion de lui gagner de nouvelles recrues. En janvier 1133, Saint Bernard traverse les Alpes pour répondre a l’appel du pape Innocent II. Il rendit visite aux moines d’Haute-Combe et les invita à embrasser, à son exemple, la vie cénobitique (vie communautaire). Sa parole fit impression car les moines d’Haute-Combe décidaient d’adhérer à la réforme de Citeaux. Le 14 juin 1135, Haute-Combe s’affine à Clairvaux. Durant le même été, une petits colonie de moines de Clairvaux rejoint Haute-Combe pour initier leurs frères à l’ordre cistercien. Un peu plus tard, l’abbé Vivien, ancien abbé bénédictin et premier abbé cistercien du monastère, prit le chemin de Rome, certainement afin de faire approuver par le pape l’incorporation d’Haute-Combe à l’ordre cistercien.

Cette affiliation marqua pour les moines d’Haute-Combe le début d’une vie monastique communautaire. Saint Bernard, qui recherchait la solitude pour ses monastères, la craignait pour ses moines.

Transfert d’Haute-Combe au bord du lac

Les raisons qui détermineront les moines de Cessens à s’établir au bord du lac du Bourget ne nous sont pas connues.

D’après le récit anonyme du XVème siècle, une manifestation céleste serait à l’origine de ce transfert. « Une lumière s’élevait de la Combe de Cessens et se dirigeait sur la rive occidentale du lac du Bourget ».
Il est plus vraisemblable que le transfert réponde a un besoin d’isolement plus grand.

Tout comme a Cessens, il n’existe pas de charte relative à la fondation d’Hautecombe à son nouvel emplacement, mais seulement un document qui confirme l’existence du monastère déjà installé. Il n’est donc pas possible de donner une date précise à cette migration.

La seule chose que l’on peut affirmer, c’est qu’ils baptisèrent leur nouvel emplacement du nom de celui qu’ils quittèrent : Hautecombe.

Eric Gaudiez

hautecombe_genalogie
« Généalogie » de Haute-Combe à Cessens

Bibliographie

– /Les Origines de l’Abbaye d’Hautecombe/ » de Romain Clair, 1984

– /Histoire de l’Abbaye d’Hautecombe en Savoie/ de Blanchard 1874

Nous remercions Monsieur le Curé d’Albens qui a bien voulu nous prêter le /Livre des Chrétiens/.

La charte du monachisme

Imitant Pacôme, Benoit sa retire à l’âge de 20 ans dans une grotte près de Subiaco et, comme lui, attire de nombreux disciples dont il doit organiser la vie. Il y fonda son premier monastère, puis vers 529 un autre au mont Cassin, en Campanie, où il demeura jusqu’à sa mort.

C’est au mon Cassin, à mi-chemin entre Rome et Naples, que Benoit rédige sa règle. Comme d’autres moines évangélisateurs de l’époque, Benoit ne parcourut pas l’Europe, dont il devait devenir le saint patron en 1964.
Il marque pourtant l’Occident chrétien par le rayonnement de sa règle.
Celle-ci s’inspire de celles de Pacôme, Augustin, Cassien, de Césaire et d’un autre texte anonyme connu sous le nom de « Règle du Maître ». Elle trace un chemin équilibré entre la prière et l’ascèse, entre le travail et l’étude. Si la vie d’Antoine fut diffusée grâce a Athanase d’Alexandrie, la règle de Benoit devint la « charte du monachisme » grâce à l’action du premier pape bénédictin, Grégoire le Grand (540-604).

Elle a pour principe de faire de l’abbaye une vraie famille dont l’abbé est le père. Élu par ses frères, il les aide à « chercher Dieu » dans le travail et la prière. C’est d’ailleurs dans ces deux mots de la devise « Ora et Labora » que se concentra l’ensemble de l’esprit de la règle.

De toutes les règles monastiques, celle de saint Benoit est considérée comme la plus achevée. Elle n’obéit pas pour autant à un plan logique, mais s’attache à l’expérience quotidienne. Elle sa divise en 73 petits chapitres. Au chapitre 2, la description de la charge abbatiale est l’un des plus beaux morceaux de la législation monastique. Saint Benoit y ajoute une énumération de bonnes œuvres qui ne lui est pas propre. Avant de présenter son traité sur l’obéissance, il donne une longue série de vertus et de mises en garde contre les vices que l’on peut rencontrer dans le monastère. Dom Bernard Maréchaux a résumé en ces termes la règle bénédictine : « Saint Benoit présente le monastère sous trois aspects : il est, dit-il, une école du service divin, il est un atelier de bonnes œuvres, il est la maison de Dieu… Une école, on s’y instruit ; un atelier de même ne se conçoit pas sans la direction d’un chef, auquel tous sont soumis, apprentis, ouvriers, contremaîtres ; enfin, la maison de Dieu ne saurait exister sans que Dieu y ait son représentant. Ce maître, ce chef d’atelier, ce représentant de Dieu, investi de son autorité, revêtu de sa paternité, c’est l’abbé. »
(Saint Benoit, sa vie, sa règle, sa doctrine spirituelle, Paris, 1928).

La règle de saint Benoit ne s’applique pas seulement aux hommes. Au pied du mont Cassin, la propre sœur de Benoit, Scholastique, fonde un monastère de femmes. Un peu partout on voit se développer des monastères jumelés. Des exemples existent encore aujourd’hui.

Extrait du Livre des Chrétiens – Tome 6 – Édition Hachette

(1) Abbaye bourguignonne
(2) Le village de Cessens s’érigeait à l’époque plus près du sommet de la montagne à proximité du château qui commandait le passage du col de Cessens. Les ruines subsistent encore, dénommées maladroitement « Tours de César ».
(3) Sur la montagne se dressait un hêtre (du latin fagus : hêtre). Il servait de repère et marquait la limite entre les terres des seigneurs de Cessens et de Châtillon en Chautagne.
(4) Abbaye de Citeaux (Côte d’Or) fondée en 1098 par Robert de Molesme. Ordre de Citeaux (cistercien). Saint Robert fonde Citeaux pour revenir à la règle de Saint Benoit (pauvreté, uniformité, travaux des champs).
(5) Robert de Molesme, moine et réformateur bénédictin, fondateur de l’abbaye de Molesme et de Citeaux.
(6) Saint Bernard : moine de Citeaux, fondateur de l’abbaye de Clairvaux.
(7) Abbaye de Clairvaux (Aube) : abbaye fondée par Saint Bernard en 1115, « sœur jumelle » des abbayes de La Ferté, Pontigny, Morimond

Article initialement paru dans Kronos n°3, 1988

(a) La maison de Savoie possède le titre de Comte dès 1003, mais n’y accolera pas l’indication géographique « de Savoie » avant la deuxième moitié du XIIè siècle.