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Albanais 1900 – Les tuileries, l’industrie fromagère et les écoles

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Dans l’Albanais à la Belle Époque

Tuileries et industrie fromagère

Principale activité industrielle dans l’Albanais, la fabrication des tuiles prend véritablement de l’ampleur dans les années 1880. À cette date, Joseph Poncini (venu quelques années plus tôt du Tessin en Suisse) est installé vers Braille. Il y a découvert un bon filon d’argile et construit de ses propres mains sa tuilerie. Au début du siècle, elle emploie une centaine d’ouvriers d’origine locale principalement.

« À cette époque, tout était fait à la main, voire même avec le pied puisque c’est ainsi que la terre est pétrie. Les chevaux servaient à remonter la terre de la poche, à transporter les briques ou les tuiles à la gare d’Albens ou encore à livrer les clients des environs avec des chariots équipés de roues à bandages ».¹

L’entreprise se mécanise vraiment après 1911 lorsqu’une machine à vapeur est installée dans l’entreprise.

Une grande cheminée, haute de quarante mètres environ, marquera désormais le paysage industriel local.

Une locomotive à vapeur, la Routière, remplace les chevaux pour le transport des tuiles vers la gare d’Albens. La tuilerie achemine l’essentiel de sa production dans les deux départements de Savoie et Haute-Savoie ainsi que dans le Jura.

À Saint-Félix, la principale industrie de la commune réside dans deux importantes fruitières. En 1885, Louis Picon a installé une entreprise d’affinage d’emmental qu’il nomme « Fromageries Picon ». Elle sera appelée à prendre une importance considérable après la Grande Guerre.

En dehors des industries de transformation des produits agricoles on trouve à Saint-Félix un certain nombre de brodeuses travaillant à domicile pour la maison de mode parisienne Maillet et Anquetil. Il y a surtout les moulins actionnés par l’eau détournée du Nant d’Orsan ou par celle de la Deysse à sa sortie des étangs de Crosagny. Grâce aux martinets mus par la force hydraulique deux forges travaillaient le fer dans les années 1900.

« Les maîtres de forges, tels les Burdet, faisaient venir des barres de fer des grands centres fournisseurs comme Allevard ou St-Chamond… Les barres étaient divisées, coupées dans la masse pour donner naissance à toutes les taillanderies : cognées, coins de bûcherons, scies, haches, serpes, faux ».² Bon nombre de ces objets étaient ensuite vendus sur les foires d’Aix, de Cusy, de la Biolle et de Saint-Félix.

À l’école

Environs d'Albens. -- Cessens (Savoie) 689m. -- La Mairie, les Écoles
Environs d’Albens. — Cessens (Savoie) 689m. — La Mairie, les Écoles

Les groupes scolaires

C’est surtout vers l’instruction publique que la IIIe République a dirigé ses efforts.

La loi de 1882 établissait la gratuité de l’enseignement primaire. Dès 1883, l’État vient en aide aux communes pour la construction de leurs écoles.

Il ne lésinera pas sur les moyens et les réalisations seront à la hauteurdes ambitions affichées.

C’est ainsi que Saint-Félix obtint en 1883 une subvention de 75 000 francs pour construire un magnifique groupe scolaire « comprenant deux classes pour les garçons et deux pour les filles avec logements pour les quatre maîtres ».³

La commune eut recours aux services de l’architecte Ruphy et à ceux de A. Chanlansonnet, entrepreneur à la Biolle pour les travaux.

Il en va de même dans l’ensemble du département de Savoie où 864 écoles publiques furent construites à l’usage de 44 000 écoliers (statistiques de 1910).

Albens inaugure ainsi en 1882 son groupe scolaire pour les deux sexes avec six instituteurs, deux titulaires et quatre adjoints.

En passant par la cantine

Le photographe était-il là, ce 2 décembre 1901, pour l’ouverture de la première cantine scolaire en Savoie ?

Toujours est-il que la commune de La Biolle innove en ce domaine. « La raison en est certainement l’habitat dispersé qui à une époque où les voitures n’existaient pas en grand nombre, a fait d’une cantine une nécessité. Elle dénote aussi, déjà à cette époque un certain dynamisme. Un grand bien pour l’école qui n’a pas vu la population scolaire des villages périphériques émigrer vers les communes voisines ».

Vive la république

Comme tout le monde en Savoie, ces jeunes élèves de l’école de La Biolle se félicitent du grand effort fait par la Troisième République pour donner l’instruction au peuple.

Les résultats sont très encourageants au niveau départemental puisque « dans la dernière statistique publiée par le ministère de l’Instruction publique (1901), le département occupe le dixième rang avec une proportion de 98,9 % de jeunes gens appelés sous les drapeaux et sachant lire et écrire. ». Il n’est aucun village de l’Albanais qui ne fasse régulièrement le point sûr la fréquentation scolaire et n’affiche les résultats de ses ouailles au « certif ». L’instituteur de Saint-Félix n’y manque pas, précisant que « depuis que le certificat d’études primaires a été institué, 132 garçons et 125 filles ont obtenu ce diplôme, et une bonne partie de ces jeunes gens ont complété leurs études par une ou plusieurs années d’école primaire supérieure. Dix garçons et quatre jeunes filles sont entrés dans l’enseignement primaire ».³

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¹ La tuilerie Poncini. Kronos n° 2.

² Les Amis des Moulins savoyards. N° 4 mars 1990.

³ M. Girod. Histoire de Saint-Félix.

L’Agriculteur Savoyard. Avril 1990.

F Christin et F Vermale : Abrégé d’Histoire de la Savoie, 1913.

Table ronde autour de l’arbre et de l’agroforesterie

Le samedi 4 mai 2024, l’association Cyclamen organisait à la salle polyvalente d’Héry sur Alby une table ronde regroupant divers acteurs professionnels et associatifs. Kronos y était présent, en la personne de Denis Berthet, pour parler de la culture fruitière autrefois et de l’histoire de la forêt. Celui-ci rappela l’importance du châtaignier, arbre nourricier de l’Albanais qui permettait aux paysans de s’alimenter de mi-octobre à la fin mai. Il évoqua ensuite les vergers dans l’Albanais et les Bauges et la fabrication du cidre et de la gnôle, pour terminer avec l’histoire la culture fruitière.
La seconde partie de l’intervention concernait l’histoire de la forêt savoyarde. On remarque la très grande importance en surface de la forêt communale à l’époque du cadastre sarde de 1732 par rapport à celle de la France. Les forêts savoyardes fournissent le bois nécessaire à la cuisson des aliments et au chauffage restreint à la pièce de vie, mais accueillent aussi les vaches, les cochons et les chèvres ce qui amoindrit le renouvellement de la forêt.
À partir de 1860 la Savoie devient française et c’est l’administration des Eaux et Forêts qui gère les bois, en très grande partie communaux. Cette administration avait deux objectifs contradictoires : développer la richesse en bois et éviter d’irriter les populations. Si les premières années furent conflictuelles avec de très nombreux PV, avec le temps les forêts furent délimitées et bornées. Des règlements de coupes ont été créés et acceptés.
En 1882 c’est la création du service Restauration des Terrains en Montagne (RTM). L’Etat achète beaucoup de terrains près des torrents pour prévenir les inondations (correction torrentielle). Les forestiers font ainsi travailler tous les paysans des montagnes.
Après 1945 le rôle du bois de chauffage diminue très rapidement et la venue de la mécanisation et d’autres techniques amènent à la création de l’Office National des Forêts, remplaçant les Eaux et Forêts qui auront duré sept siècles. Au même moment les propriétaires privés bénéficient de la création du Centre Régional de la Propriété Forestière (CRPF) pour gérer leur forêts.
Suite à ce petit exposé, le journaliste Mr Baudin, qui faisait office de modérateur, a posé plusieurs questions pour animer le débat avec le public avant de passer la parole aux autres intervenants.

Denis Berthet

Albanais 1900 – Le train et le tourisme

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Dans l’Albanais à la Belle Époque

Le train de 8h30 pour Annecy

La ligne de chemin de fer Aix-les-Bains-Annecy est inaugurée en 1866 par le ministre de l’Agriculture, du Commerce et des Travaux Publics.

Le cortège officiel, nous apprend la presse du moment, « a quitté Aix-les-Bains à 11 heures et demie du matin après avoir reçu les invités de la Savoie et de l’Isère.
À Albens, M. le Ministre a été complimenté par le maire. À Rumilly, le train a fait un arrêt de 30 minutes. Les sapeurs-pompiers étaient sous les armes et rangés en lignes sur le quai de la gare. La ville était pavoisée et la population tout entière saluait par de chaudes acclamations le représentant de l’empereur
. »¹

Horaire du chemin de fer. — Section d’Aix-les-Bains à Annecy et de Chambéry à Grenoble.
Journal Le Mont-Blanc, 1866, n°81 et suivants. Archives départementales de la Haute-Savoie.

C’est le P.L.M., chargé de la réalisation de la voie ferrée, qui adoptera le tracé par Albens et Rumilly, plus long mais desservant mieux les localités importantes.

Nombreuses ont été alors les communes souhaitant voir une station sur leur territoire ; Grésy, Albens, Bloye obtinrent satisfaction, mais La Biolle, émue de ne pas être desservie par le rail, déposa une requête qui resta sans réponse.

Avec l’ouverture de cette voie, l’Albanais se trouvait désenclavé. Il allait être désormais plus facile de se rendre dans les villes voisines comme dans celles plus lointaines de Lyon ou Marseille.

Des modifications économiques importantes allaient en découler (nouvelles cultures, mouvements migratoires…) qu’un discours prononcé alors résume en ces termes : « Cette voie, prompte et facile, sera un nouveau lien avec la France, une source féconde de richesse par l’échange de tous les biens et de tous les produits. Ce n’est plus l’annexion, c’est la fusion, c’est la communauté de vie et d’intérêts. »

Aux premiers temps du tourisme

Délaissées à cause de l’engouement pour les chemins de fer et les tramways, les routes vont retrouver, au début du siècle, un regain de ferveur et d’utilité grâce à la bicyclette et à l’automobile.

On s’aperçoit alors avec stupéfaction de l’immense labeur qui s’était accompli durant les dernières décennies, mettant en place un véritable réseau de routes départementales ou communales.

Stations thermales ou climatiques, paysages de lacs, curiosité de l’avant-pays, tout était en place pour que la région s’ouvrît à sa vocation touristique.

Les syndicats d’initiative recensent, à l’attention des curistes d’Aix-les-Bains et des amateurs de panoramas, les richesses de l’Albanais.

Promenade dans l'Albanais
Promenade dans l’Albanais

Dans la rubrique « promenades et excursions des environs d’Aix », le Bulletin des syndicats d’initiative de la Savoie ne manque pas de recommander, en 1897, « les cascades de Grésy, les Gorges du Sierroz, dans lesquelles on fait une excursion en bateau à vapeur », mais aussi « La Biolle, Albens, le châlet-hôtel de la Chambotte, qui domine à pic le lac du Bourget, les tours de César (châlet-hôtel), la vallée du Sierroz qui se continue à travers les Bauges par la vallée du Chéran ».

Les riches possesseurs d’une automobile n’hésitent pas à faire le voyage, encouragés par les excellentes informations sur l’état de la route : « bonne mais étroite entre la Biolle et Rumilly ; bonne également de Saint-Germain au village de La Chambotte, très bonne de la Croix du Sable à Albens ».² Et même si on signale une route « très médiocre du village : de La Chambotte au restaurant », l’attrait du belvédère l’emportera.

Hôtels et pensions de famille s’ouvrent à La Biolle, Albens ou Saint-Félix. Les maisons Garbolino, Goury, ou Grange de La Biolle misent sur les ressources gastronomiques de la commune, tandis que la maison Anquetil de Saint-Félix insiste sur le confort moderne de ses installations.

À propos d’automobiles
VITESSE !
L’Académie vient, paraît-il, de prendre une décision grave.
Elle a décrété que l’automobile serait du masculin.
Il y avait sur le genre de ce mot une discussion qui ressemblait à la querelle des gros-boutiens et des petits-boutiens.
Rendons cette justice à l’Académie que sa décision est conforme au bon sens ; car enfin, si mobile, le radical du mot, est masculin, on ne voit pas pourquoi automobile serait d’un autre genre. Beaucoup de gens s’obstinaient cependant dans une opinion contraire. Les voilà désormais condamnés ; ils ne s’en portent, d’ailleurs, pas plus mal, et le genre du mot automobile leur est certainement léger.
Une querelle semblable s’est engagée, il y a quelques années, sur la question de savoir s’il fallait dire : aller en bicyclette ou à bicyclette. Le simple bon sens indiquait que la première façon de s’exprimer devait être vicieuse. On dit, en effet, aller en voiture, en wagon, en tramway, parce que ce sont là des récipients qui peuvent nous contenir. Mais une bicyclette n’a jamais renfermé personne, pas plus, d’ailleurs, qu’un âne ou un cheval, sauf le fabuleux cheval de Troie qui fait plus honneur à l’imagination des poètes qu’à leur souci de la vraisemblance ; car on voit mal des bataillons entiers prendre place dans les flancs d’une machine de ce genre, fût-elle grosse comme une montagne : montis instar, selon l’expression de Virgile.
Donc, pour en revenir à nos moutons, voilà le mot automobile doté d’un genre — ce qui devenait indispensable étant donné l’énorme usage qu’on en faisait depuis quelque temps.
L’automobilisme tend, en effet, à détrôner le cyclisme. Aller à bicyclette présente un inconvénient grave pour la jeune génération à cheval sur la fin du siècle qui s’achève et sur le début de celui qui commence. Il faut remuer les jambes, il faut pédaler, selon le mot consacré. Or, ce mouvement implique une fatigue qui ne cadre évidemment pas avec les tendances plutôt nonchalantes de ces petits jeunes gens. Avec l’automobilisme, on brûle les distances sans mouvement ni fatigue. Voilà le dernier cri de ta locomotion !
Nos villes d’Eaux ont vu, ces années dernières, s’épanouir toute une floraison de cyclistes, hommes et femmes, qui a duré un peu plus que les roses, mais qui penche vers son déclin. Ce n’est pas que la bicyclette soit en défaveur ; mais la faveur dont elle a joui diminue. L’engouement passe. Il se porte vers l’automobilisme. Les grandes routes des environs de nos villes d’Eaux sont sillonnées de machines qui font un train d’enfer, qui répandent une odeur nauséabonde, qui écrasent des oies, des chats et des chiens, qui soulèvent des nuages de poussière, qui cornent, qui ronflent et qui secouent, comme des paniers à salade, les mortels emportés dans cette trombe. On trouve cela beau. On trouve cela commode et charmant. C’est la dernière production du génie qui nous entraîne avec une vitesse vertigineuse vers un avenir inconnu. Qu’inventera-t-on ? Que n’inventera-t-on pas ? On inventera tout, sauf le secret d’être heureux en ce bas monde.
P. BEAUMONT.

Journal Le Progrès d’Aix-les-Bains, septembre 1900. Archives départementales de la Haute-Savoie.

Un « must » du circuit touristique

Les moulins de Grésy-sur-Aix et les gorges du Sierroz que l’on descend en bateau à vapeur (le Christophe Collomb, du nom de famille du propriétaire) attirent en été une importante clientèle de curistes. Ils viennent frémir à l’évocation du tragique accident qui coûta la vie, sous l’Empire, à Mme de Broc, cette très belle dame de compagnie de la reine Hortense. Devant le « trou de la Beurrière », le guide ne manquera pas de parler de la planche glissante, de l’impuissance du meunier Pierre Rey et de l’écharpe flottant sur l’écume.

La Biolle fait sa publicité
Dans les gorges du Sierroz

Sur les traces de la reine Victoria

« Le Belvédère de la Chambotte fit ses premiers pas dans l’histoire en 1882. Un banquier d’Albens, C. Favre, décida alors d’y construire un bâtiment destiné à recevoir un cercle dont on ne connaît pas les particularités.

Terminé en 1884, l’établissement fit faillite au bout de deux ans, en 1886. La Banque Commerciale d’Annecy, principal créancier, confia alors la gérance à M. L. Lansard et son épouse, Mary Killing Robertson, une Écossaise… qui apportait avec elle une spécialité gastronomique… les scones.

Les époux Lansard tinrent la gérance de l’hôtel jusqu’en 1891 et en devinrent propriétaires en 1892, date à laquelle ils firent construire la route qui conduit du village de la Chambotte jusqu’au Belvédère, dans le même temps qu’était entreprise celle reliant Chaudieu en Chautagne jusqu’au même village. »³

C’est la venue de la reine Victoria, en 1887, qui allait donner au Belvédère une renommée internationale.

« Elle était dans un landau traîné par plusieurs chevaux, et une chaise à porteurs lui permit de franchir les dernières centaines de mètres… Sur le chemin, à la traversée de La Biolle… la reine s’était arrêtée quelques minutes pour recevoir l’hommage d’un très jeune admirateur. M. Laurent lui remit un bouquet. En guise de remerciement, elle lui donna un louis d’or qu’il garda précieusement. »

Elle apprécia hautement l’accueil de Mary Killing Robertson qui lui offrit des scones. Quelques temps plus tard, la reine fit parvenir aux Lansard sa photo et celle de sa fille dédicacées. Dès lors, le Belvédère ne cessera plus de recevoir des personnalités. Un livre d’or conservera jusqu’à nos jours les traces de ces prestigieux passages.

Les clients arrivaient à la Chambotte en voiture à chevaux par La Biolle, Albens ou Saint-Germain. Une écurie (chez M. Georges Arbarète) accueillait les bêtes. Depuis là, les promeneurs pouvaient gagner le Belvédère à pied, en empruntant les chemins et sentiers muletiers existants. « J’use sans regrets ma botte, en montant à la Chambotte » écrivit alors J. Richepin.

D’autres moyens plus originaux étaient à leur disposition : de petits ânes ou des chaises à porteurs.

Ces instruments de transport procuraient une activité aux gens du village. I| en coûtait trois francs aux touristes pour se faire transporter du village au Belvédère. Nombreux étaient les enfants qui guettaient les riches promeneurs pour leur vendre des fleurs ou des marabouts (sorte de panaches duveteux ramassés dans les rochers des environs).

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¹ Journal Le Mont-Blanc, 1866, n° 80, Archives Départementales de la Haute-Savoie.

² Routes de la région savoisienne. Aix-les-Bains et ses environs, 1898.

³ La Chambotte, balcon de l’irréel. Kronos n° 4.

F. Françon. D’Aix-en-Savoie à Axilia. Ed. de Trévoux, 1972.

Albanais 1900 – L’agriculteur Albanais

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Dans l’Albanais à la Belle Époque

L’agriculteur Albanais

Les fruitières

Un peu partout dans le département les communes se dotent d’une fruitière permanente. Originaire de Suisse et de Franche-Comté, la fruitière se répand massivement en Savoie à partir de 1890. Au départ, simple société de producteurs, elle s’est vite transformée en coopérative de vente de lait.

La fruitière est un facteur de progrès pour les éleveurs, elle leur permet d’obtenir des prix de vente supérieurs à ceux qui se pratiquent en France.

Attelage de bœufs. Environs d’Aix-les-Bains.

LE MONT-BLANC.
EXPOSITION BOVINE DU 2 JUILLET.
Race Albanaise.
L’exposition de la race bovine albanaise, (taureaux, vaches et génisses), que nous avons annoncée dans notre n° du 17 juin, a eu lieu lundi dernier.
Un temps magnifique a favorisé la journée et nous devons dire que cette exposition, heureuse initiative du Comice d’Annecy, a dépassé par ses résultats les espérances conçues par les personnes les plus dévouées aux intérêts agricoles de notre arrondissement.
À huit heures et demie du matin, l’exposition était au grand complet ; 225 tauraux, vaches et génisses étaient rangés en ligne sur la place au bétail d’Annecy, classés par catégorie et appelant par leursmugissements l’examen de la Commission.
À leur tête bien faite mais plutôt petite, à leur face droite et même un peu concave, à leur mufle d’un blanc rosé, à leur air svelte et dégagé, à leurs mamelles bien développées et annonçant de bonnes laitières, mais surtout à leur robe couleur de froment généralement clair et sans mélange, on reconnaissait des animaux appartenant évidemment à une même famille et sortant d’une même couche. C’étaient bien là de véritables vaches de race albanaise.
La Commission, d’ailleurs, a éliminé toutes les bêtes où elle a pu reconnaître la
moindre trace de croisement. Aussi toutes celles qui offraient un mufle tant soi peu
noirâtre, qui avaient quelques taches blanches ou noires ou une teinte grisâtre à la
robe, ont été écartées par le jury comme portant des marques de mélange de sang
tarin, suisse ou schwitz.
Cette sévérité est indispensable pour fixer nos éleveurs sur les caractères de la
race à laquelle il leur importe de s’attacher désormais, et pour prouver l’importance que met le Comice à propager dans les campagnes notre véritable race albanaise pure.

Journal Le Mont-Blanc, 1866. Archives départementales de la Haute-Savoie.
Ferme traditionnelle. Environs de La Biolle.
Ferme traditionnelle. Environs de La Biolle.

Le lait est valorisé car la fruitière assure la production de fromages dont la vente dans les villes constitue le principal débouché.

La fruitière joue donc un rôle important dans l’évolution du monde rural, « par elle, le paysan est passé à l’économie de marché ».¹ Peu à peu, la production herbagère prend le relais des céréales et l’élevage laitier se développe.

À Saint-Félix, en 1906, le troupeau de vaches est, avec 465 têtes, plus important que le reste des autres bestiaux élevés dans la commune. Les deux fruitières de la commune fabriquent alors 75 000 kilogrammes de fromage de gruyère. Celles de La Biolle traitent 2 300 litres de lait par jour et nourrissent 455 porcs dans les années 1892.

La même année, la fruitière de Mognard ouvre ses portes. Elle traite également le lait en provenance d’Épersy et se spécialise dans la fabrication du beurre et de la tomme.

Ainsi vers 1914, l’activité agricole dans l’Albanais s’est spécialisée. La proximité de grands centres urbains, l’ouverture de la ligne de chemin de fer Aix-les-Bains – Annecy avaient facilité cette évolution.

Presque toutes les communes possédaient alors une fruitière. Il existait même à Grésy-sur-Aix une « fruitière-école » chargée de la formation du personnel. On avait déjà le souci de la qualité.

Les coquetiers

Nombreux étaient ceux qui faisaient, à La Biolle ou Albens, le commerce des volailles. Les animaux, achetés vivants au marché de Rumilly le jeudi étaient tués, plumés et vidés le lendemain. Chez Granger, Genoulaz ou Fontaine, tout le monde plumait. Certains pouvaient traiter jusqu’à 120 bêtes dans l’après-midi et la soirée. Le départ pour le marché de Chambéry se faisait vers minuit. Il fallait arriver à temps pour avoir une place le samedi matin et retrouver ceux de Cusy ou du Châtelard.

Par tous les temps, sous la neige ou par -20°, il fallait approvisionner les gens de la ville en volaille mais aussi en œufs frais ou de conserve. C’était une autre spécialité de l’Albanais. Mis dans de grands bacs remplis de lait de chaux, les œufs étaient conservés de mars à décembre. Cette activité employait une importante main-d’œuvre. Elle connut son apogée durant l’entre-deux-guerres.

La culture du tabac

Elle a trouvé des terrains favorables dans tout l’Albanais, qui devient alors une importante zone de culture après l’Annexion.

Plantation et commercialisation étaient un monopole d’État. Ce dernier fixait les surfaces, le niveau de production ainsi que les prix d’achat en fonction des variétés cultivées.

Les magasins de Rumilly organisaient l’activité de plantation dans tout l’Albanais. La graine était fournie aux 156 agriculteurs de la région qui se chargeaient de faire les semis.

On utilisait, pour planter, une chaîne dont les maillons étaient espacés de 38 cm. Il fallait bien disposer les plants en ligne droite. Les contrôleurs devaient pouvoir en effectuer le comptage dans tous les sens. Les plants défectueux les attendaient en bout de champs, ficelés par paquets de vingt-cinq. Ils les tranchaient impitoyablement à la bêche pour éviter toute culture de contrebande.

La récolte se faisait, selon les années, entre la fin du mois de juillet et le mois de septembre. Elle employait une importante main-d’œuvre qui ramassait d’abord les feuilles basses, puis les deuxièmes feuilles, les troisièmes et enfin celles du sommet de la plante.

Un long travail de séchage commençait alors, qui occupait les planteurs durant tout l’automne et une partie de l’hiver. Les feuilles mises en manoques, enveloppées d’une toile, étaient regroupées en balles de 250 à 500 kilogrammes.

Elles étaient livrées aux magasins de Rumilly en janvier ou février. Là, après un long travail de manutention et de stockage, les balles étaient expédiées, selon la demande, vers la Manufacture de Lyon.

Avant 1914, presque tout le monde cultivait le tabac à La Biolle, certains sur quelques ares, d’autres, plus rares, sur près de 50.

Ceux qui s’en souviennent en parlent encore comme d’une culture très contraignante mais apportant un complément financier apprécié.

Chronique agricole

LE TABAC.

La grande et rapide extension de la culture du tabac dans le canton de Rumilly, depuis quelques années, les livraisons qui s'en font actuellement par les planteurs, nous autorisent à commencer, par de simples observations sur cette plante, la série d'études rurales que nous nous proposons de faire ici, avec l'aide de nos cultivateurs expérimentés. Quel est le premier livre de l'homme, sinon la nature ? Nous essayerons, dans chacun des numéros du Petit Savoyard, d'épeler un mot de ce livre immense.

Nous causerons avec les intelligents planteurs, qui nous diront : que les semailles du tabac s'effectuent en mars ou avril, qu'au bout de deux mois environ on transplante, qu'on enlève ensuite les feuilles inférieures jusqu'à quinze ou vingt centimètres du sol et qu'on écime la tige en ne laissant sur pied qu'un certain nombre de feuilles absorbant toute la sève, puis, ordinairement vers la fin d'août où de septembre, lorsque les feuilles ont atteint leur plus grand développement les planteurs nous diront qu'on les coupe et qu'on les porte au séchoir, où elles restent jusqu'à complète siccité. On les arrange, ajouteront-ils, par paquets nommés manoques (de l'espagnol manojas) dont on forme des masses recouvertes de petites planches légèrement pressées. L'État s'étant réservé le monopole des tabacs, ces différents travaux s'exécutent sous la surveillance des employés de l'Administration, qui, nous disons cela aux étrangers, à établi un magnifique entrepôt à Rumilly. Terminons ces observations sur le plantage en relatant que, lors de l'opération du triage, les feuilles supérieures, plus unies et plus souples, sont réservées pour la robe ou enveloppe du cigare, tandis que les feuilles inférieures, plus épaisses et rarement intactes, sont destinées à l'intérieur du cigare, ou utilisées, suivant provenance et qualité, pour le tabac à fumer ou le tabac en poudre.

La fabrication du tabac s'achève ensuite dans les manufactures. De l'entrepôt de Rumilly, il est dirigé sur Lyon, Paris, Lille, Toulouse, Bordeaux, où tout autre point. Là, on hache les feuilles au moyen de machines particulières armées d'un couteau et mues par la vapeur, et on le torréfie un peu ; cette torréfaction a pour but de prévenir la fermentation ultérieure ; finalement on sèche le tabac. Quant au tabac à priser, il présente des manipulations plus longues. Après avoir mouillé les feuilles, on les hache à l'aide d’une roue tournant rapidement sur son axe et munie à sa circonférence de plusieurs couteaux bien affilés

LE PETIT SAVOYARD

MACHINES À VAPEUR VERTICALES
DIPLÔME D'HONNEUR
MÉDAILLE D'OR et GRANDE MÉDAILLE D'OR 1872
MÉDAILLE DE PROGRÈS (équivalent à la Grande Médaille d'Or)
à l'Exposition universelle de Vienne 1873
portatives, fixes à locomobiles, de 1 à 20 chevaux. Supérieures par leur construction, elles ont seules obtenu les plus hautes récompenses dans les expositions et la médaille d'or dans tous les concours. Meilleur marché que tous les autres systèmes ; prenant peu de place, pas d'installation ; arrivant toutes montées, prêtes à fonctionner ; brûlant toute espèce de combustible ; conduites et entretenues par le premier venu ; s'appliquant par la régularité de leur marche à toutes les industries, au commerce et à l'agriculture.

GRANDE SPÉCIALITÉ
de machines à vapeur verticales portatives demi-fixes avec chaudières à bouilleurs croisés ou à tubes système Field, de machines à vapeur horizontales demi-fixes ou locomobiles avec chaudières tubulaires où tubulaires à retour de flammes et à foyer amovible. Ateliers spéciaux pour la construction de tous les types de chaudières économiques.

J. HERMANN-LACHAPELLE
166, RUE DU FAUBOURG-POISSONNIÈRE, à PARIS
Journal Le Petit Savoyard (journal de Rumilly), n° 11, 1877
On refait une toiture. La Ville, environs d'Albens (1900)
On refait une toiture. La Ville, environs d’Albens (1900)

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¹ P. Guichonnet, Histoire de la Savoie – Ed. Privat.

Horizon 73 visite l’Espace patrimoine

Toute l’équipe de Kronos s’est mobilisée pour recevoir les adhérentes de l’association Horizon 73, ce vendredi 26 avril en début d’après-midi. Un rendez-vous fixé depuis plus d’un mois, en réponse à une demande transmise via notre site.
Basée à Aix-les-Bains, cette association est un groupe d’entraide mutuelle (GEM) qui propose à ses membres de nombreuses activités ludiques et culturelles, dont des sorties. La visite de l’Espace patrimoine était donc à l’ordre du jour de ce groupe de six personnes conduites par Clarisse, leur animatrice.
Devant la curiosité manifestée par le groupe, les nombreuses interrogations posées à propos de nos collections, dans une ambiance très agréable, nous nous sommes relayés pour fournir toutes les réponses souhaitées.

Chaussures Lux Alba
Chaussures Lux Alba
Appareil à soufflet (chambre de voyage).
Appareil à soufflet (chambre de voyage)

De beaux échanges ont eu lieu à propos des chaussures Lux-Alba, de la plaque de la gare, de la mappe Sarde, de la collection d’appareils photographiques ou encore des grands hommes d’Albens (Joseph Michaud, l’académicien, et le général Mollard). Nous avons également parlé « création artistique » à propos d’une canne sculptée durant la Grande Guerre, d’une œuvre sur bois de J-L Berthod ou de la grande maquette du séchoir à tabac de Mognard.

Cliché réalisé par Annie

Un petit goûter avec jus de fruit, eau pétillante et petits gâteaux a clôturé cette belle rencontre pleine d’échanges. Merci à Annie, Denis, Gérard, Raymond, Marie-Claude qui, avec Jean-Louis, ont contribué à la belle réussite de cette après-midi.
On peut toujours nous contacter pour d’autres visites, sur de nombreux thèmes (artisanat et industrie d’autrefois, cartes postales et photographies, préhistoire et antiquité romaine, souvenirs de la Grande Guerre…).


L’équipe de Kronos

Albanais 1900 – Nos villages (Saint-Félix, églises et clochers)

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Nos villages

SAINT-FÉLIX

patrie de Félix-Philibert Dupanloup

Les habitants de Saint-Félix ont également beaucoup émigré. Une trentaine d’entre eux travaillent à Paris, Lyon ou Genève dans les années 1910. Le village compte alors 849 habitants.

Sa population a atteint son maximum vers le milieu du XIXe siècle avec 952 habitants vers1858.

L’essentiel de l’activité est fourni par l’agriculture dont certains habitants ont su valoriser la production en créant deux importantes fruitières.

D’autres ont su donner de l’importance au commerce à l’image de Victor Lansard, grand marchand de bestiaux ou de Louis Picon et Maurice Mermet, spécialisés dans la vente en gros des œufs, du beurre, du fromage.

Il faut dire que le village profite des progrès enregistrés dans le domaine des communications : il est desservi par les gares d’Albens et de Bloye, toutes deux à trois kilomètres, par un réseau de chemins vicinaux remis à neuf grâce à un emprunt réalisé en 1883. Depuis août 1900, Saint-Félix est relié télégraphiquement et téléphoniquement au reste du pays.

Le village a connu bien d’autres modernisations avec la construction d’un groupe scolaire mixte pour quatre classes et surtout avec le transfert du cimetière, situé jusqu’en 1900 autour de l’église, vers un terrain plus éloigné du village le long de la route de Rumilly.

ÉGLISES ET CLOCHERS

Tout au long du XIXe siècle, dans l’Albanais comme en Savoie, nombreuses sont les églises qui doivent être reconstruites.

Il faut dire qu’au sortir de la période révolutionnaire beaucoup de ces monuments tombent en ruine ou se trouvent dans un état de délabrement avancé.

Telle l’église Saint-Pierre à Mognard qui nous est décrite en 1805 sans clocher (il a été abattu en l’an II) et nécessite de ce fait d’importants travaux de couverture sur le chœur ; à Saint-Ours, Albens, Saint-Félix, les églises sont dans le même état.

La Restauration sarde verra débuter une intense période de rénovation des édifices qui se traduira par la construction de l’église de Saint-Germain en 1833, de l’église de Cessens cinq ans plus tard et par d’importants travaux de réfection un peu partout.

Mais c’est entre 1860 environ et 1890, durant les trente ans qui suivent l’annexion, que l’Albanais devient un véritable chantier avec l’édification successive des actuelles églises de Saint-Félix, Epersy, Albens, Saint-Ours, puis de Mognard et La Biolle dont l’église est restaurée entre 1886 et 1888.

Par décret impérial du 15 janvier 1866, la construction d’une nouvelle église à Albens est déclarée d’utilité publique. Le décret précise le montant « des dépenses d’acquisition et de construction évaluées à soixante dix sept mille cinq cent six francs ». Aux fonds votés par les communes d’Albens et d’Ansigny vient s’ajouter une subvention de l’État. Autour du choix du terrain on vit alors se développer une importante controverse jusqu’au moment où l’on parvint enfin à se décider pour le pré Langard.

Félix Canet, le maire, fit alors appel à l’architecte Fivel et à l’entrepreneur Blondin d’Aix-les-Bains pour réaliser un édifice à trois nefs de six travées.

La Biolle - Devant l'église
La Biolle – Devant l’église

D’autres municipalités s’attachent les services de l’architecte Revel qui réalise dans le style gothique l’église d’Épersy en 1866 puis celle de Mognard à partir de 1881. Nombre de ces églises sont flanquées d’un clocher haut avec un toit à quatre pans, souvent recoupé à la base des angles. Une haute flèche d’ardoises grises à six ou huit pans le surmonte.

Visible de loin, s’accommodant bien avec les larges horizons de l’Albanais, ce type de clocher donne une unité de style aux églises d’Albens, La Biolle, Saint-Girod, Grésy-sur-Aix, Mognard ou Épersy.

Seule l’église de Saint-Félix, avec son clocher à bulbe coupé à la base et surmonté par un fin campanile, tranche sur cet ensemble.

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Albanais 1900 – Nos villages (Albens, La Biolle, L’émigration)

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Nos villages

ALBENS

Depuis 1861, Albens est le chef-lieu d’un canton de neuf communes. Les guides des années 1900 signalent le village pour « sa belle église moderne aux chapiteaux historiés » et son passé antique.

En l’espace d’un demi-siècle, la bourgade a connu quelques transformations importantes. Tout d’abord le déplacement de son centre de gravité lorsqu’en 1867 la nouvelle église fut implantée dans le pré Langard, à côté de la route de Rumilly ; ensuite, une série de constructions caractéristiques de la révolution industrielle et de la IIle République : la gare inaugurée en 1866, le groupe scolaire mixte achevé en 1882 et accueillant la mairie en 1893.

Avec 1 559 habitants en 1911, Albens est le village le plus peuplé du canton ; ses habitants travaillent surtout dans l’agriculture, mais déjà certains trouvent de l’activité dans l’industrie fromagère à Saint-Félix ou dans la fabrication des tuiles chez Poncini.

Le docteur Rosset, diplômé des Universités de Paris, est le médecin du Canton ; la pharmacie se trouve quartier de la gare. Albens a son poste de gendarmerie donnant sur la Grande Rue, ses nombreux commerces et cafés.

Albens - Derrière l'église
Albens – Derrière l’église

LE GÉNÉRAL PHILIBERT MOLLARD

Glorieux enfant d’Albens, Philibert Mollard est célébré par la presse de l’époque autant pour ses qualités militaires que pour son attachement à la France.

En 1866, un journaliste du Mont-Blanc écrit à son sujet : « C’était chez lui une habitude de gagner tous ses grades supérieurs sur le champ de bataille. Après la victoire de San Martino, Mollard fut nommé commandant du 4e corps d’armée, dont le quartier général était à Casal. C’est là que l’annexion le trouva, au printemps de 1861. Lorsque les officiers et soldats de son corps d’armée apprirent sa détermination de passer en France, ils lui offrirent par souscription une épée d’honneur en souvenir de sa belle conduite à San Martino, et le prièrent de rester au milieu d’eux ; mais sa résolution était arrêtée… Aujourd’hui, la carrière militaire du général Mollard semble terminée… Il a quitté le service d’aide-de-camp de l’Empereur pour entrer au Sénat. Le général Mollard est grand officier de la Légion d’honneur. »

ALBENS (Savoie) - Villa Futenex : ancienne résidence du général Mollard
ALBENS (Savoie) – Villa Futenex : ancienne résidence du général Mollard

LA BIOLLE

patrie de François Michaud, grenadier d’empire

Rares sont les habitants de La Biolle qui se souviennent vers 1880 de François Michaud et de son glorieux passé sur les traces de la Grande Armée.

Pourtant la commune pourrait être fier de ce grenadier de Napoléon écrivant à son frère, greffier de la Justice de paix : « embrasse tous ceux qui te parleront de moi et dis-leur que je suis vainqueur d’Austerlitz. »

Mais la tourmente révolutionnaire est loin et les 1 150 habitants de la commune (recensement de 1911) se souviennent plutôt du grave incendie de 1862 qui ravagea une partie du village et dont les pompiers d’Aix et d’Albens ne vinrent à bout qu’après un jour et une nuit de lutte.

Leurs pensées vont également à ceux qui sont partis outre-mer chercher fortune sur les terres argentines ou algériennes.

La Biolle est un village de petits propriétaires travaillant surtout comme agriculteurs, cabaretiers, charpentiers ou maçons.

Il souffre de n’avoir pas pu faire installer une gare sur son territoire, ne dispose pas d’activité industrielle notoire et se tourne plutôt vers des activités commerciales que la proximité d’Aix-les-Bains rend lucratives.

Les deux fruitières constituent avec les cafés restaurants d’importants lieux de rencontre.

L’ÉMIGRATION

À Cessens, les femmes allaient jusqu’en Argentine servir de nourrice. L’argent gagné servait ensuite à acheter des maisons appelées « maison de lait ».

Cette anecdote est révélatrice de l’important courant migratoire qui toucha l’Albanais et plus largement la Savoie dans la seconde moitié du XIXe siècle. La destination la plus fréquente était alors l’Amérique du Sud, plus particulièrement l’Argentine et l’Uruguay.

Avec près de cinquante départs enregistrés, la commune de Cessens vient en tête pour le nombre d’émigrants ; Saint-Germain, La Biolle, Albens, Saint-Girod, Saint-Offenge ou Ansigny fournissent chacune une dizaine de personnes. Au total, l’Albanais a vu s’expatrier quelques centaines d’hommes et de femmes. Tous les métiers sont représentés : cultivateurs, artisans, commerçants.… Épouses et enfants accompagnent les chefs de famille ou font en sorte d’aller les rejoindre. Des frères, des fiancés s’efforcent de se retrouver.

CONDITIONS DE PASSAGE

Nourriture des Passagers-Émigrants.
 

Les plats sont composés de huit à dix personnes.

Déjeuner
Café avec 4/6 de litre eau-de-vie ou rhum. 5 fois par semaine.
Anchois avec 4/4 de litre de vin. 2 fois par semaine.
Biscuit.

Dîner
Un potage avec le bouilli.
Un plat maigre.
Un quart de litre de vin.
Pain.

Souper
Un plat fort de viande.
Un plat maigre.
Un quart de litre de vin.
Pain.

Le jeudi et le dimanche, le plat de viande du souper sera remplacé par un rôti.

Le restaurateur se réserve la faculté de donner à trois repas de la semaine du biscuit en remplacement pain.
Les bidons, gamelles, plats, assiettes, couverts, etc., sont fournis gratuitement aux passagers-émigrants qui devront les tenir en état de propreté et les laisser à bord en arrivant à destination.

Couchettes. — Chaque passager-émigrant a droit à la couchette portant le numéro mentionné sur le présent contrat. Les enfants de un à huit ans n'ont droit qu'à la moitié d'une couchette.
La literie, consistant en une paillasse, une couverture et un traversin, est fournie par le navire.
 
Bagages. — Chaque place entière donne droit au transport gratuit de 100 kil. de bagages n'excédant pas 8/10 de mètre cube.
L'excédant paie à raison de 12 fr. les 100 kil, ou le 4/10 de mètre cube.
Le linge et les effets à usage sont seuls considérés comme bagages.
Chaque colis doit porter les noms et la destination du passager émigrant.

Les couchettes étant élevées de 45 centimètres, il est obligatoire au passager-émigrant de placer ses bagages au-dessous.
Les colis dépassant cette hauteur seront mis dans la cale et rendus à destination seulement.

Il est interdit de conserver dans ses bagages des espèces, valeurs ou marchandises; le passager-émigrant devra les consigner à l'Agence et en payer le fret.

En cas de maladie grave ou contagieuse, légalement constatée avant l'embarquement, le passager-émigrant a droit à la restitution du prix payé pour son passage. Le prix du passage est également restitué aux membres de sa famille qui restent à terre avec lui.

En cas de maladie traversée, le passager-émigrant a droit également aux soins gratuits du Docteur du bord et aux médicaments nécessaires.

Si le navire ne quitte pas le port au jour fixé parle contrat, l'Agence est tenue de payer à chaque passager-émigrant, pour ses dépenses à terre, une indemnité de 2 francs par jour.

Si le retard dépasse dix jours, le passager-émigrant a le droit de résilier son contrat, et ce, par une simple déclaration, faite au Commissariat de l'Émigration, sans préjudice de dommages intérêts qui pourront lui être alloués.

Toutefois, si les retards sont produits par des causes de force majeure, appréciées et constatées pur 1e Commissaire de l'Émigration, le passager-émigrant ne peut renoncer à son contrat ni réclamer l'indemnité de séjour à terre, pourvu qu'il soit nourri et logé, soit à bord, soit à terre, aux frais de l'Agence ou de ses représentants.

Dans le cas où, après avoir payé le prix de son passage, un passager-émigrant ne partirait pas, il lui sera remboursé seulement la moitié de la somme payée, l'autre moitié demeurant  acquise à l'Agence.

En cas de transbordement, sur un autre steamer, des passagers-émigrants, ceux-ci y seront installés et nourris dans les mêmes conditions que celles stipulées au présent contrat.

Le présent contrat est nominatif et personnel ; il ne peut, en  aucun eus, être transféré à autrui.

Le passager-émigrant doit se conformer aux réglements concernant in police du bord.

Toutes les contestations ayant trait à l'exécution du présent contrat seront soumises à l'arbitrage du Commissaire de l'Émigration, à Marseille.

« Nous voilà donc arrivés à Montévidéo — écrivent en 1869 à leur sœur restée à La Biolle, Pierre et Jeannette — jour si attendu ; nous débarquons avec un jeune garçon européen qui a son frère établi, tenant un grand café-restaurant ; nous y voilà bien reçus en grande société française… Mais pour nous ce n’était pas tout, il manquait mon frère. »

Ce frère qu’ils retrouveront quelque temps plus tard, travaillant dans une grande exploitation agricole.

Ils n’auront pas hésité à faire une traversée de près d’un mois de navigation ; un voyage qui n’a pas été toujours facile, comme le précise Jeannette : « Je n’ai pas éprouvé de mal de mer ce qui est bien rare pour celui qui n’est pas habitué car sur quatre cent onze passagers (embarqués à bord du paquebot à vapeur Poitou) pas vingt ont fait le trajet sans souffrir du mal de mer car autrement tous les passagers à bord ont été surpris par les chaleurs. »¹

Saint-Girod : Chef-lieu vers 1912
Saint-Girod : Chef-lieu vers 1912

Attirés par le mirage sud-américain, ils trouveront du travail et réussiront même à rembourser la somme empruntée pour payer leur traversée.

Beaucoup n’auront pas la même chance ce qui amènera les autorités savoyardes à des mises en garde répétées, rappelant à tous ceux qui « poussés par le vague désir d’améliorer leur sort se rendent en pays étrangers » de s’assurer d’y trouver un moyen d’existence.

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¹ Lettre de 1869. Archives privées.

Au collège Jacques Prévert avec une classe de 4ème

• Objectif : en savoir plus sur les découvertes archéologiques effectuées en 1978 lors de la construction du collège.

Collège d’Albens

• Demande de Chantal Didier, professeur de Lettres, travaillant avec sa classe le fantastique à partir de l’histoire du collège.

• Intervention de Jean-Louis Hébrard, mardi 9 avril en fin de matinée. Au programme, observation de la pierre à cupules trouvée en 1978, placée aujourd’hui sur une pelouse de l’établissement. Définition du contexte préhistorique de ce mégalithe à l’aide d’un power point « Préhistoire dans l’Albanais », puis évocations de toutes les légendes entourant ces pierres et qui nourrissent l’imaginaire. La découverte d’un cimetière de l’époque mérovingienne sur le site du collège, est aussi abordée en fin d’intervention.

Pierre à cupules
Pierre à cupules

• Invitation a été faite à la classe, à ceux qui le voudront bien, de nous faire partager leurs productions écrites. Incitation aussi à utiliser notre site Kronos (nombreux articles sur le sujet) et à consulter le n°37 de la revue (article sur le cimetière) à la médiathèque de l’établissement. D’autres interventions peuvent être programmées à la demande, via notre site.