Kronos tiendra un stand au marché de Noël d’Albens, les 10 et 11 décembre. Vous pourrez nous y retrouver, ainsi que nos publications.

Kronos tiendra un stand au marché de Noël d’Albens, les 10 et 11 décembre. Vous pourrez nous y retrouver, ainsi que nos publications.

Fondée en octobre 1878, c’est une société qui avait à ses débuts comme mission principale l’accueil des nombreux savoyards venus travailler à Lyon, avec un caractère philanthropique et mutualiste affirmé (bureau de placement, caisse de retraite, orphelinat et secours). Après 1945, l’aspect mutualiste disparaît peu à peu pour laisser la place à des activités culturelles et de loisirs.
Ainsi, l’association Kronos accueillait-elle, samedi 1er octobre, la Savoisienne Philanthropique de Lyon et son président pour une découverte des sites naturels et historiques autour d’Albens. La petite pluie fine de la journée n’a pas empêché les Savoyards de Lyon et des membres de Kronos de parcourir les chemins autour de Crosagny, pour une visite commentée par un expert des plantes, des insectes et des oiseaux, Marius Bonhomme.

Les gorges du Sierroz étaient au programme de l’après-midi. Accueilli par la présidente de l’association, le groupe allait découvrir, sous la conduite de Denis Choulet, les caractères géologiques et la riche histoire de ces gorges, dont la stèle érigée à la mémoire de Madame de Broc.
Entre les deux, une halte gourmande à l’Auberge du Clocher permit au groupe de reprendre un peu de réconfort. C’est à l’initiative de André Berthet que nous devons cette belle rencontre que l’on espère voir se renouveler.
Comme chaque année, Kronos histoire et patrimoine de l’Albanais se devait d’y participer, cette année ayant comme thème : « Du Bornio au Paradis »
Sous la houlette de Jean-Louis Hébrard et de membres de l’association, une quinzaine de passionnés d’histoire locale ont déambulé du Centre Administratif au lieu-dit « le Paradis » à Albens.
On a évoqué, entres autres, l’histoire de l’Albenche qui traverse Albens, cours d’eau pas toujours tranquille ; le Bornio fontaine emblématique du bourg ; l’ancien cimetière où repose Philibert Mollard… et répondu ainsi à de nombreuses questions de participants très intéressés.

Deux heures de découvertes du patrimoine local souvent méconnu, avec toujours les commentaires pertinents des « conférenciers » de service de de l’association.
La balade s’est terminée à l’espace patrimoine par un bonus, la visite commentée de ses vitrines, et pour certains une belle découverte !
Questions, discussions, témoignages, souvenirs… se sont poursuivis devant quelques rafraichissements bienvenus et mérités.
Un bel après-midi qui sera renouvelé, n’en doutons pas, l’année prochaine.
Quelle vue superbe ! Après la rude montée de La Biolle, ma voiture semble s’envoler vers cette large plaine albanaise, noyée sous un magnifique soleil automnal qui fait scintiller les arbres déjà vêtus de roux.
Direction : Saint-Félix
Le vieux monsieur, rencontré il y a quelques temps, m’a bien expliqué le chemin à prendre : « Après l’église, suivre la petite route jusqu’à Mercy, petit village aux fermes empreintes d’un charme tout particulier ».
Le goudron laisse la place à un chemin empierré et là, surprise ! Ceint d’un grand rideau d’arbres, comme une femme d’un autre monde se serait drapée derrière un voile soyeux : l’étang de Crosagny. Quelle étrange beauté que cette nature sauvage, presque hostile. Me voilà donc devant cette étendue calme dont ce vieux monsieur m’a tant parlé, et avec quel engouement ! Mieux qu’aucun livre n’aurait su le faire, il m’a dépeint, avec un brin de nostalgie, un paysage, une nature et un passé à la fois merveilleux et inquiétant.
Cette nature de huit hectares, qui semble presque morte à l’aube du XXIème siècle, date de plusieurs milliers d’années. L’étang de Crosagny ainsi que celui de Beaumont, situé plus au nord, sont l’ultime vestige d’un grand lac glaciaire.
Au quaternaire, les glaciations successives ont créé un barrage morainique dans la vallée albanaise, au niveau de La Biolle. Dans la région d’Albens, un grand lac s’est constitué. Progressivement, ce lac a disparu, remblayé, laissant quelques zones humides.
Dans ces zones, sous l’influence des eaux de ruissellement, se sont accumulés des dépôts fins et imperméables. Ce milieu, mal aéré, avec une nappe d’eau quasi-permanente, progressivement colonisé par la végétation a permis une décomposition et une humidification de la matière végétale qui s’est accumulée en couches épaisses.
Les hommes ont ensuite profité de l’existence de cette zone humide naturelle pour surélever le seuil et construire deux digues de retenues d’eau, l’une à l’aval de Crosagny, l’autre à l’amont de Beaumont ; ce qui a permis le maintien artificiel d’une surface toujours en eau.
Cette surface d’eau a privilégié la formation de toute une végétation très riche et diverse dont on peut se faire une idée plus précise grâce au schéma ci-après.
L’étang offre donc toute une richesse que les hommes vont exploiter. Ils vont tirer parti de sa force qu’est l’eau mais aussi de sa nature animalière et végétale.
La toute première activité « économique » que l’on peut citer concernant les étangs se base sur la faune habitant ces lieux. Les poissons et grenouilles formaient une bonne part de la nourriture des gens vivant aux abords des étangs. Deux parchemina, l’un du XIVe et le second du XVe siècle nous apprennent que les étangs étaient soumis à un droit de pêche que les habitants versaient respectivement au Comte de Montfalcon et à des bourgeois de Chambéry, ascensateurs(1) des étangs.
Le gibier, abondant, fournissait également une part appréciable de nourriture. Si dans les siècles passés, ces animaux ont servi de base de l’alimentation des gens, ils ont agréablement, les grenouilles surtout, agrémenté les tables des restaurants aixois pendant la difficile période de la deuxième guerre.
La seconde activité que l’on peut véritablement qualifier d’économique est le moulin.
Sa création fut rendue possible grâce à la réalisation par les hommes de digues qui permettaient de maintenir un certain niveau d’eau. Ces digues, perfectionnées par un système de vannes, ont ensuite permis la construction du moulin.
On relève l’existence du moulin sur la mappe sarde de 1730.
Le moulin fonctionnait à l’origine grâce à une roue à aubes qui tournait au fil de l’eau, suivant l’intensité du courant. L’eau était alors amenée par un bief(2) détournant celle de la Deysse, juste à l’amont du moulin. Le débit en était réglé par un système de vannes constitué de planches amovibles placées en travers du lit.
À la suite d’une baisse de régime des eaux ou bien pour augmenter le rendement du moulin, la roue à aubes fut remplacée par une roue à augets. Celle-ci augmente le travail fourni par l’eau en utilisant la force de gravité. Un nouveau bief fut donc aménagé dès la sortie des étangs, utilisant la topographie naturelle afin d’amener l’eau en position surélevée.
Les meuniers possédaient le droit d’eau sur l’étang ; ils pouvaient donc dériver la quantité d’eau nécessaire au fonctionnement du moulin.

L’activité du moulin gravitait autour de deux pôles : le moulin proprement dit et le battoir.
Le battoir se trouve encore à côté du moulin, à droite de la route qui mène à Albens.
À l’origine, son mécanisme était entraîné par un câble venant de la roue du moulin. Il passait sur la roue dans une rainure et venait faire tourner la meule du battoir.
Une fièvre laborieuse et joyeuse régnait autour du battoir tandis qu’il disparaissait derrière les volutes de poussière dégagées par le battoir.
Chacun moulait son blé pour le décortiquer et produire le gruau, ingrédient de renommée pour la soupe du même nom.
On extrayait également les graines de fleurs séchées de trèfle et de luzerne pour la semence de l’année suivante.
Ce travail nécessitait une attention de tous les instants : une fois le grain déposé dans la meule, il fallait le repousser continuellement avec des petites raclettes dans le chemin de ronde. Afin d’éviter toute bousculade, chacun réservait son tour auprès du meunier qui contrôlait les allées et venues.
Alors que le battoir était utilisé par tous les paysans, le moulin restait le domaine réservé du meunier qui y régnait en maître.
Le moulin possédait deux meules ; l’une concassait le blé, l’autre, appelée « Moulin Blanc », affinait la farine.
Le rythme de la vie à Crosagny était réglé par le tic-tac du moulin. Ce bruit était provoqué par le choc d’un morceau de bois sur l’entonnoir versant le blé sur la meule.
Le blé se situait à l’étage et était versé dans un entonnoir terminé par un tiroir servant à régler le débit. Le fond de la meule possédait des rayons qui canalisaient la farine vers des godets fixés sur une sangle en mouvement, contenue dans une gaine de bois, qui montait à l’étage. Là, la farine était déversée sur une roue conique recouverte de soie de différents maillages. Elle était ainsi triée et déversée dans des tiroirs distincts. Le son était récolté à l’autre extrémité de la roue.

Lorsqu’il n’y avait plus de blé dans l’entonnoir, il ne fallait pas que les meules continuent à tourner à vide ; c’est pourquoi un système de planches, de poulies et de clapets situés sur la roue du moulin actionnait alors une cloche qui prévenait le meunier.
Le tic-tac et le son de la cloche du moulin qui rythmaient la vie à Crosagny ne devaient cesser que pendant l’été.
En effet, dès le 1er juillet, les étangs devaient être mis à sec afin de commencer la fauche de la blache. La blache, ce sont ces jeunes pousses de roseaux qui servaient de litière mais aussi, parfois, d’engrais vert.
Une fois fauchée, la blache était mise à sécher et engrangée avant la fin du mois d’août. La blache était sortie à bras, par gros tas disposés sur deux barres et chargée dans des carrioles à échelles. Pour Crosagny, la mise à sec concernait essentiellement l’étang des Bernardines, moins profond que le reste de l’étang et séparé par une sorte de digue.
On coupait également la grande blache qui servait de matériau de rempaillage.
Mais le moulin et la blache n’étaient pas les seules activités que l’on peut recenser en ce qui concerne les étangs. Ils formaient également une base de loisirs importante.
Outre la pêche, la chasse, les grenouilles, les étangs de Crosagny étaient un lieu privilégié de rencontres et d’aventures pour les jeunes des villages environnants, un lieu de promenades où les écoles emmenaient goûter les enfants.
De nombreux chemins étaient entretenus, une passerelle permettait de traverser au niveau de la digue séparant les deux étangs.
Une guinguette s’était même installée à cet endroit, louait des barques et vendait de la friture.
Mais, on apprenait également à nager, et l’hiver à patiner. L’hiver, l’étang gelé était l’objet d’une animation toute particulière. La blache ayant été coupée, la surface de la glace était lisse et homogène. Les jeunes gens et jeunes filles en profitaient pour venir faire du patin. Ces jeunes gens, toujours soucieux de plaire aux demoiselles, avaient inventé un système très au point pour promener leurs belles sur l’étang gelé. Ils équipaient des chaises de patins et pouvaient ainsi pousser les jeunes filles sur cette surface complètement figée.
Il suffit de fermer un instant les yeux et l’on peut voir les jeunes gens patiner sur ces étangs, en se tenant la main.

Comme cette dame, née en 1899 qui nous conte le souvenir qui lui reste de cette époque.
« Vers 1910, cet étang, vaste étendue d’eau gelée, il avait fait un froid rigoureux. Les écoliers de la commune y étaient avec leurs luges. Étaient venus se joindre à eux les jeunes filles de l’École Normale de Rumilly avec leurs patins à glace, ainsi que la cantinière du détachement militaire du 30e Régiment en garnison à Rumilly.
Toute cette jeunesse évoluait sur une épaisseur de glace de 30 centimètres ; les enfants sur leurs luges glissaient en se propulsant avec des bâtons de 25 centimètres qui avaient une pointe à une extrémité, mais souvent pris aux épaules par des patineurs serviables qui les poussaient devant eux.
Pour les personnes adultes, c’était une attraction ; elles étaient stationnées à l’entrée de l’étang, près de la cantinière qui servait des boissons chaudes aux clients qui pouvaient se le payer. Le long de l’étang près de l’arrivée, il y avait des saules, des frênes ; les branches basses avaient été aménagées en porte-manteaux.
C’étaient de bons après-midi, trop courts car la nuit arrivait vite en hiver. »
En lisant ces quelques lignes, on ne peut s’empêcher d’évoquer avec un brin de nostalgie toute une époque à jamais révolue. Aujourd’hui, toutes ces activités ont disparu ; les étangs et la nature ont repris leurs droits et ce lieu magique n’est plus maintenant qu’une végétation abandonnée qui se perd à jamais. Cette destinée tragique, à plus ou moins long terme, n’enlève en aucune façon au charme de cet endroit où tant d’enfants se sont amusés. Sans vouloir faire revivre un passé à jamais disparu, il n’en est pas moins possible d’essayer de recréer autour des étangs de Crosagny un espace de vie, de nature où l’homme pourrait de nouveau communiquer avec cette nature généreuse. Ne laissons pas mourir Crosagny…

Mylène Mouchet
Article initialement paru dans Kronos N° 4, 1989
(avec modification de la plupart des illustrations)
1) Bief : canal de dérivation conduisant l’eau sur une roue hydraulique.
2) Ascensateur : personne possédant un droit sur un étang et qui perçoit une taxe sur l’utilisation et les produits de cet étang.
« Étangs de Crosagny et Beaumont » – Préétude d’aménagement, Béatrice Quinquet – Université des Sciences et Techniques de Lille, MST / ENVAR.
Je tiens à remercier Monsieur Burdet qui m’a si gentiment accueillie et qui m’a donné de précieux renseignements.
Dès 9 heures, l’équipe de Kronos a installé son stand dans la grande salle du gymnase d’Albens. Tout y était pour informer les visiteurs venus nombreux ce matin et leur faire découvrir le patrimoine local.
Avec René et Raymond, nous avons disposé bien en vue le grand panneau présenté lors de la Ronde des fours, consacré au thème de l’eau. L’emplacement accordé par les organisateurs du forum nous a permis de rencontrer de nombreuses personnes. Raymond et Annie sont parvenus à faire deux adhésions (dont une en couple) et à vendre deux numéros. De nombreux flyers ont été distribués pour annoncer la journée européenne du patrimoine du 17 septembre et des inscriptions ont été déjà enregistrées. Un grand remerciement à Bernard pour les photos de notre groupe.

Une belle matinée qui s’est terminée autour du buffet offert par Entrelacs.
Novembre 1988 : Anniversaire de la victoire de 1918
N’aurait-on pas oublié quelqu’un ?
Cette ombre omniprésente, cette force de vie, ce combattant silencieux…
La femme !
Samedi 1er août 1914
« Nous sommes rentrées hier soir dans notre maison de campagne. Il nous a fallu quitter en hâte la vallée de Tarentaise où nous nous reposions. En hâte ? Hier la journée était si belle que les montagnes semblaient se prélasser dans la lumière comme des baigneuses dans une eau bienfaisante. Mes filles avaient cueilli des chardons bleus et des edelweiss. Le ciel était si pur et la terre si sereine qu’on ne pouvait croire à la guerre… »
Henry Bordeaux
« Histoire d’une vie »
La presse de l’époque (par exemple « Le Miroir » 1914/15/16/17/18), les nouvelles à la T.S.F., les affiches, les cartes postales sont autant d’hommages rendus au courage de nos « poilus ».
Cependant, les femmes auxquelles, dès la déclaration de la guerre, les responsables politiques lancent un appel pour « que soient terminées les récoltes et préparées celles à venir », ont relevé la tête et su oublier les malheurs du temps. Mieux que la « Wonder-Woman » de la télévision, la Française de 14-18 s’est révélée forte et capable de tout : « La France en guerre découvre sa moitié féminine. »

Dessin E. Rouzaud
En Savoie, à Saint-Alban-de-Montbel, commune de Savoie qui a le plus souffert au point de vue victimes de guerre.
Témoignage (ses enfants) :
Madame Grimontet et son mari tiennent un commerce de grains. Le mari fait ses livraisons sur Chambéry en char à bœufs. L’épouse reste seule à la maison une grande partie de la journée : commerce, enfants, ménage. Un domestique engagé la vole ; de nouveau seule pour tout assurer, sans parents ni amis pour l’aider. Elle meurt à la fin de la guerre, épuisée par un travail excessif.

D’après un cliché « Collection particulière » L’Histoire en Savoie n° 84.
Témoignage :
Après le départ de son mari pour le front, Madame Vouthier prend en main l’exploitation agricole, aidée par son beau-père. Elle abat le travail de deux hommes pour rentrer les foins, s’occuper du bétail, des vignes, du tabac, Ses quatre enfants participent à toutes les activités ; ils n’ont ni faim, ni froid mais les journées sont longues et harassantes.

La vie en campagne était rude. Il n’y avait pas le « confort moderne » dans les fermes et rien, pas le moindre robot ménager pour faciliter la vie des femmes ; pas d’eau sur l’évier, il fallait aller la chercher dehors, au puits. Pas d’électricité, uniquement des bougies, des lampes à pétrole. Une cheminée chauffait, si peu, quelques pièces, mais pas les chambres. Pour les femmes, couper, transporter et scier le bois était un travail exténuant. Les lits étaient réchauffés par des briques chaudes ou des bouillottes : « Les enfants allaient se coucher après avoir noué un vieux bas de laine autour de leur brique brûlante. » (Christian Signol : « Les menthes sauvages »).
Les moyens de communication étaient inexistants : les chevaux étant réquisitionnés pour l’armée, il ne restait que les bœufs pour labourer et tirer les charrettes ainsi que les bicyclettes pour se déplacer.
Les femmes cultivaient les champs avec des instruments rustiques qui n’avaient guère évolué depuis le Moyen-Âge : ni tracteurs, ni engrais chimiques. « On n’avait pas encore « inventé » les doryphores et le café torréfié, apparus seulement à la fin de la guerre. » (Christian Signol).
N’ayant pour seule compagnie que celle des vieillards, elle se bat pour assurer à ses enfants un minimum.

Témoignage : Madame François Dénarié (son fils) Chambéry.
Lorsque son mari est mobilisé, elle reste seule, à 32 ans, pour élever ses cinq enfants âgés de 10 à 1 ans. En ville, la nourriture est chère, les enfants ont faim. Madame Dénarié est repasseuse et travaille jour et nuit pour nourrir ses cinq enfants et la grand-mère. Son mari François est porté disparu en Champagne en 1916. Elle a 34 ans, son mari en avait 38. La veuve espérera toujours le retour du soldat ; même après l’armistice. Son fils se souvient d’elle, courant au-devant du facteur, le guettant, gardant espoir, puis pleurant après son départ. Elle a réussi par son courage à assurer une bonne situation à tous ses enfants dont l’un était agent technique aux Ponts et Chaussés.
Elle ne s’est jamais remariée.
Ces enfants de la guerre, amputés de leur père, obligés de le remplacer, de travailler comme des adultes, privés d’enfance, sont devenus trop tôt des hommes.
Chambéry. Ce sont les femmes qui font tourner les industries de la ville (usine d’aluminium). Travail pénible.
« Le plus souvent sans qualification professionnelle, elle sera quand même « mobilisée ». Dans les usines d’armement, c’est le travail des femmes qui permettra la fourniture d’armes indispensables aux combattants. » (La Voix du Combattant – novembre 88). On les appelle les « manitionettes ». On les voit même sur les toits, avec les petits savoyards qui ramonent les cheminées.

Témoignage :
Madame P., pupille de la Nation, se souvient de son père, blessé au bras droit en 1914, à qui sa mère refaisait le pansement. Elle, cachée, assistait à ces soins. En 1915, son père était tué en Belgique (l’aumônier de son régiment était le Père Teilhard de Chardin).
Infirmières, bénévoles, les hôpitaux de Chambéry fonctionnent grâce au dévouement de ces femmes. Les jeunes filles de la haute société participent activement aux quêtes de charité et aux œuvres de bienfaisance.
N’oublions pas le rôle joué par les « marraines de guerre » qui ont eu une influence certaine sur le moral des soldats.
Témoignage :
Madame L., pupille de la Nation, dont le père est mort en novembre 1914, épouse à 18 ans un grand mutilé de guerre, décédé en 1935 des suites de ses blessures. Elle a eu sept enfants. De la guerre, elle se souvient des hivers sans charbon, de la courses aux « nouvelles », puis de l’armistice, elle, auprès de sa mère toute de noir vêtue, de ses sœurs, de leurs pleurs.
Dans les territoires occupés (6% de notre pays) des « héroïnes », des vraies, pas celles de cinéma, ont souffert ou sont mortes… et ces milliers de jeunes femmes condamnées au célibat et qui ne connaîtront pas les joies de la maternité. Des vies manquées, des embryons de vie…
Témoignage :
Madame Duport, jeune mariée. Son mari part pour le front, est tué en 1914 dans les Vosges et ne connaîtra jamais sa fille. La jeune veuve de 20 ans retourne à la ferme de ses parents. Situation privilégiée car la nourriture ne manque pas mais le travail non plus. Ne s’est jamais remariée.
Affectée par le deuil et la solitude, épuisée, la femme, à la fin de la guerre, retrouvera d’autres difficultés : en ville, elle cède la place aux hommes qui reviennent de la guerre, dans les campagnes : exode rural, chute des prix du lait, du blé, dévalorisation de la terre.
Ces années de privation n’auront même pas servi à améliorer leur sort.

Témoignage : Madame Palmier (sa fille), Bramans.
Madame Palmier, veuve de guerre, assurait le fonctionnement d’une petite exploitation. Malgré le travail acharné, la pauvreté régnait dans cette famille où il y avait deux jeunes enfants. « On achetait uniquement du café et du sucre. On cuisait le pain une fois par mois et on le conservait dans un grenier. Il était dur comme du bois. »

Ces femmes-là, n’ont, pendant quatre ans, pas trouvé le temps de sourire. Pourtant l’amitié, la gentillesse des voisins et amis les ont souvent réconfortées. Tout le village « s’aidait », comme on dit chez nous, pour le bois, les foins. L’entraide et la solidarité sont les points communs à tous ces témoignages (excepté Madame Grimontet).
L’esprit de fraternité qui animait les habitants de nos villages a redonné du courage aux femmes abandonnées.

On parlait déjà de l’émancipation féminine, pour s’en moquer souvent. On oubliait que la femme avait quelques raisons de réclamer la reconnaissance de ses droits. Ceux-ci avaient été acquis par son courage, son patriotisme ou simplement par l’accomplissement du devoir quotidien.
Si « elle » n’avait pas été là…
Puisqu’il faut conclure, et qu’après tout je ne suis pas sûre de ce que sera la conclusion (je veux dire par là que les historiens me mettent dans l’embarras avec leur manie des chiffres. La 1re, la 2e guerre… quel est le numéro de la dernière ? Est-ce vraiment la dernière ?).
L’histoire est une longue guerre et elle est bien triste, les hommes ont tant souffert…
Je m’en tirerai donc par une pirouette et donne la parole à de plus sages que moi ;
« Les belles actions cachées sont les plus estimables. » B. Pascal.
« Quelquefois les plus petits ressorts font mouvoir les plus grandes machines. » J.P. Marat.
Odile Portier
Article initialement paru dans Kronos N° 4, 1989
– Notre siècle – René Rémond – Éditions Fayard
– La Voix du Combattant
– Les Menthes Sauvages – Christian Signol
– L’Histoire en Savoie n° 84, « La Savoie 1914-1918 »
– Mémé Santerre – Serge Grafteaux
– Cartes postales d’un soldat de 14-18 de Paul Vincent – Éd. JP Gissero
– Chambéry à l’heure de la grande guerre – Société des Amis du Vieux Chambéry – Tome 14
Née en 1900, « Mémé » Clochet avait quatorze ans au moment où éclatait la Guerre.
En effet, en 1913, « Mémé » Clochet, munie de son Certificat quitte « l’ouvroir », où en compagnie d’autres jeunes filles, elle a appris la cuisine, la couture, la broderie, en fait tout ce qui peut servir à la tenue d’une maison ; ceci, sous l’œil vigilant des sœurs Saint-Joseph de La Providence.
La Guerre va faucher ses espoirs de joie et de liberté, lui voler son adolescence. Son père est mobilisé. Par chance, il est envoyé dans un service auxiliaire, ayant eu la main écrasée dans un broyeur à pommes ; pour cette raison, il ne participera pas directement aux combats et reviendra sain et sauf après l’Armistice.
Malgré tout, durant les quatre années de cette guerre, il n’obtient que deux ou trois permissions. Il laisse donc femme, enfants (quatre dont « Mémé » Clochet est l’aînée), et domestiques. Dès cet instant, les journées ne suffisent plus à abattre l’énorme quantité de travail. À 5 heures, il faut se lever, avaler son lait et ses tartines, puis, munie de sa lampe tempête, aller traire à l’écurie, porter le lait à la fruitière. À 8 heures, un bol de soupe redonne quelques forces pour continuer. La journée ne fait que commencer : le bétail, les volailles, les lapins, le jardin, les deux petits derniers, le ménage, et surtout les travaux des champs « sur-occupent » (utiliser le verbe occuper serait leur faire une injure, et donnerait l’idée fausse de personnes oisives qui s’occupent pour ne pas s’ennuyer), sur-occupent donc les deux femmes du foyer. Car il faut, non seulement nourrir la famille, mais encore fournir à l’armée : lait, œufs, farine, pommes de terre…
Ces provisions sont régulièrement portées en un lieu de ramassage (peut-être la Mairie).
Les travaux des champs sont pénibles, l’unique cheval a été réquisitionné par l’armée. La Famille Clochet cultive des céréales : blé, orge, avoine ; les récoltes sont maigres ; les bœufs sont lents, les domestiques sont des vieillards et les enfants ont de bien petits bras…
Cependant, puisque l’on cultive du blé, on porte le blé au meunier qui donne la farine, on donne cette farine au boulanger qui donne le pain et fait payer la façon. La famille de « Mémé » Clochet n’utilise pas le four communal car cela n’est pas facile pour elle : il faut transporter le bois, allumer le feu, surveiller la cuisson (c’était le travail des hommes).
À l’énumération de toutes ces activités, « Mémé » Clochet en ressent encore toute la fatigue ; se cachant les yeux, elle nous dit : « c’était si long, si dur, il ne semble pas que cela soit vrai… »
Plus le temps passe et plus la vie est dure. Tout est rationné : une carte d’alimentation donne droit à (cela paraît ridicule de nos jours) 1 kg de sucre, 500 g de beurre par mois.
Un bon permet également d’obtenir une paire de chaussures par an. « Mémé » Clochet porte des sabots qu’elle achète chez le sabotier au village des Couduriers.
Les lessives durent de longues heures. À notre grand étonnement, « Mémé » Clochet nous avoue : « C’était facile ! Il y avait une pompe à l’écurie, un évier dans la cuisine l’hiver, un bassin dans la cour l’été ; nous transportions des seaux d’eau » ; très simple en effet…
Le savon de Marseille étant rationné, on s’en passe la recette de famille en famille, afin d’en fabriquer. Une plante, la saponaire, sert à « laver » (cela rendait l’eau gluante) les lainages, le marc de café à laver les vêtements noirs. Comme les lessives sont peu fréquentes, leur volume est important. Le linge est soigneusement raccommodé.
Quant aux repas, ils sont rapides et simples : rarement de la viande (« si on mangeait les poules, il n’y avait plus d’œufs ; on n’avait pas le droit de tuer nos bêtes »), pas de dessert, à part quelques fruits, pas de gâteau d’anniversaire, pas de fête, même lorsque le père est en permission (« nous n’avions pas de raison de nous réjouir »).
Le café est rare et à la fin, pratiquement introuvable ; on le fait « maison » : en faisant griller blé, orge, glands dans un grilloir.
Des enfants des villes voisines viennent à pied, à vélo, demander quelques légumes, des pommes de terre surtout ; mais la plupart se font arrêter par les gendarmes qui surveillent les routes et qui confisquent les provisions.
Contrairement à son habitude, la prochaine réunion de Kronos aura lieu le lundi 29 août, et non le premier lundi de septembre, à l’Espace Patrimoine d’Albens à 18h.
Si vous souhaitez en profiter pour venir discuter avec nous, n’hésitez pas !
Le 14 juillet dernier a été couronnée Charlène Fleuret en tant que 100ème rosière.
Un petit défilé est parti de la mairie, accompagné par la batterie-fanfare, jusqu’à la salle polyvalente Chantal Mauduit.
Ensuite, Jean-Louis Hebrard a présenté cette institution centenaire, instauré par Benoit Perret, mettant en perspective son évolution historique.

Le 14 juillet 2022 a été couronnée la 100ème rosière d’Albens.
Si l’on se réfère au dictionnaire, le terme de rosière sert à designer une « jeune fille vertueuse à laquelle, dans quelques localités, en vertu d’une coutume ancienne on décerne solennellement une récompense ».
Mais qui était Benoit Perret ?

Au départ de cette tradition à Albens se trouve Benoit Perret, albanais d’origine très modeste mais courageux et ambitieux.
Il est né en 1844, l’aîné d’une famille de cinq enfants.
En 1854, son père Joseph décède à l’âge de 38 ans, les travaux agricoles et la construction de sa maison au Mazet auront eu raison de sa santé. Benoit l’ainé est âgé de 10 ans et le benjamin de la famille a seulement… 5 mois.
Joseph, le père, laisse sa femme Justine âgée de 34 ans dans un grand désarroi face à cette terrible situation. Sans ressource et sans aide financière, Benoit et sa mère assureront tous les deux la subsistance de la famille tant bien que mal.
En 1860, année du rattachement de la Savoie à la France, Benoit à 16 ans. Il part travailler comme manœuvre sur la construction de la voie ferrée Annecy-Aix-les-Bains dans le but toujours de gagner l’argent nécessaire à la survie de sa famille.
Fin 1864, il « monte » à Paris, ce qu’il voulait faire depuis toujours. Il trouve un emploi dans une brasserie près de la bourse et fréquentant le milieu boursier, s’y intéresse et acquiert par lui-même une instruction qui lui avait fait défaut dans sa jeunesse.
Les années passent, Benoit fait même venir son frère à Paris qui peut étudier et devenir plus tard pharmacien. Quant à Benoit, il intègre enfin la bourse et devient coulissier. (On dirait maintenant agent de change).
Ses affaires prospèrent jusqu’en 1917, on pense que la catastrophique opération de l’emprunt russe mettra fin à son activité. Il revient au Mazet avec un bon pécule, agrandira le domaine familial, veillant encore sur toute sa famille devenant pour tous « l’oncle Joseph », le bienfaiteur.
Rappelons que Benoit Perret était célibataire et sans descendance. Il se retirera à Aix-les-Bains, mais avant son décès, fait legs à la commune d’un capital destiné à récompenser une jeune fille méritante… la rosière était née à Albens. Cette dernière désignée pour l’année en cours est chargée de déposer chaque mois, si possible, quelques fleurs sur sa tombe.
À cette époque, le cérémonial de la rosière était courant dans la région parisienne où Benoit Perret a beaucoup vécu. Nul doute qu’après son expérience personnelle où depuis l’âge de dix ans, il a remplacé le père, il a voulu importer à Albens cette manifestation mettant à l’honneur un enfant méritant.
Il faut avoir en mémoire que dans ces années-là, l’espérance de vie était courte et souvent après le ou les décès des parents, l’ainé(e) se substituait à ces derniers pour la survie d’une famille quelque fois très nombreuse.
Ainsi, à Albens, depuis 100 ans, toutes les municipalités successives ont entretenu cette tradition d’honorer la rosière pendant la fête patronale le premier dimanche de juin.
Même pendant la guerre, une rosière était désignée, le maire lui rendait visite pour lui remettre le legs, mais pas de défilé bien sûr, occupation oblige. Quelque fois, dans ces années de guerre, la rosière faisait un don aux prisonniers de guerre.
Benoit Perret, décédé en 1920, est enterré à Albens dans le caveau familial fleuri pendant un an par la rosière et entretenu par la commune et cela depuis cent ans… belle tradition.
Benoit Perret a fait aussi profiter de son aisance financière sa commune. Ainsi, il a financé l’achat de l’horloge de notre clocher, mais aurait aussi participé à la souscription pour la construction du monument aux morts.
Kronos effectue toujours des recherches sur ce personnage, éminent bienfaiteur de la commune que vous connaissez maintenant un peu mieux.
B. Fleuret, d’après un article d’Albert Chiron dans le numéro 12 de notre revue.
Vers 8h30 toute l’équipe de Kronos était en place autour de René Canet pour installer à l’entrée du bassin de Braille un panneau consacré au thème de l’eau.

Nous avions choisi de l’intituler « Quand l’eau courante n’arrivait pas directement aux robinets des habitations ». Pour illustrer le thème, des séances de repérage photographique avaient été réalisées les jours précédents par Bernard G., Robert, Jean-Louis et bien sûr René. Nous en avons tiré quelques clichés illustrant notre affichage, racontant comment et où il fallait aller chercher l’eau, au puits, à la fontaine (privée ou publique) et au bassin et lavoir.

Enfin, une dernière partie était consacrée à la lessive. Un ancien cliché tiré des archives Kronos montrait un lavoir avec la lessive prête au rinçage ; sur une idée d’Annie, les marcheurs de la ronde des fours ont été mis à contribution pour nous aider à localiser ce cliché ancien (probablement à Lépau).

Dès 9h, les marcheurs sont arrivés et sans interruption Annie, Denis B., Bernard G., Robert, René, Gérard, Jean-Louis se sont relayés pour faire des commentaires et répondre aux questions. Dans le même temps nous en avons profité pour distribuer des flyers pour les Journées du patrimoine le samedi 17 septembre (Du Bornio au Paradis).
La presse est venue couvrir notre présence à la ronde des fours avec le passage de l’Hebdo et du Dauphiné (merci à Jacques Thomé pour l’intérêt qu’il porte à notre association).

Nous avons aussi reçu la visite de l’équipe de « La place du village », qui a fait un court reportage et interview de René et Jean-Louis. Au total, beaucoup de contacts ont été pris durant cette matinée qui s’est achevée par un repas au bassin avec plateaux repas offerts par l’organisation de la Ronde des Fours (un grand merci). En fin de circuit, passage de Marius Bonhomme et Bernard Fleuret qui font quelques beaux clichés.

Les quelques clichés d’illustration peuvent être complétés par tous ceux que vous voudrez bien nous envoyer.