Assemblée Générale 2025

Kronos vous convie à son Assemblée Générale qui se déroulera le vendredi 18 avril 2025 à 20h00, à la salle polyvalente Chantal Mauduit à Albens, et qui sera l’occasion de fêter le 40ème numéro de Kronos.

Cette Assemblée Générale sera suivie par une conférence animée par Jean-Louis Hébrard, sur le thème « Cartes postales et photographies pour documenter l’Albanais avant 1914 ».

Le verre de l’amitié terminera la soirée.

Venez nombreux !

Vive le stylo à bille, à bas le porte-plume

Lorsqu’en septembre 1965, le ministère de l’Éducation nationale autorise formellement par une circulaire l’usage des crayons à bille, il fait sans le savoir le bonheur de tous ceux qui sont fâchés avec l’apprentissage de l’écriture à la plume et à l’encre.
Le stylo à bille, lancé en 1952 par le baron Bich, ne semble pas pouvoir rivaliser avec le porte-plume et ses complices que sont l’encrier de porcelaine blanche et l’encre violette.
Ces derniers évoquent trop l’école républicaine établie après 1870 par la IIIème république. Et pourtant, tout au long des années 50, si la plume résiste bien, la bille progresse plus sûrement encore.

Porte plumes et encre bleue (collection privée)

Toutefois, la plume métallique va conserver encore un peu de son prestige auprès des instituteurs du temps de René Coty. Ces derniers craignent que le stylo à bille ne donne une vilaine écriture aux élèves qui doivent, disent-ils, appuyer avec trop de force sur le papier. Et puis, pourquoi faire la dépense d’un nouveau stylo lorsque plumes et encre sont gratuitement distribuées ? Si les élèves sont attirés par cette nouveauté, elle n’a pas bonne presse sur les bancs de l’école où l’on doit toujours apprendre à faire pleins et déliés à l’aide de la célèbre Sergent Major. Son usage s’accompagne chaque matin d’un rituel bien rodé, celui du remplissage des encriers de porcelaine blanche insérés dans les pupitres, avec une encre bleue ou violette contenue dans une petite bouteille que le maître ou la maîtresse a confiée à un grand de la classe. Ces encriers font l’objet de toutes sortes de farces. Voici une des plus habituelles, rapportée par Bernard Demory dans La France d’avant la télé, un ouvrage de souvenirs sur les années 1944-1968. « Des petits malins », raconte-t-il, « trouvaient amusant de boucher les encriers avec du papier buvard qui se prenait dans les plumes Sergent Major des porte plumes. La maîtresse déchirait les pages couvertes de pâtés et infligeait une punition pour la plus grande joie des saboteurs d’encrier ».

Méthode d’écriture (collection privée)

Éviter la punition en cas de catastrophe demandait un peu de dextérité. C’est là que le buvard et la gomme entraient en action. Avec la pointe du buvard, on épongeait le trop plein d’encre, puis à l’aide du côté le plus dur de la gomme, on effaçait le plus doucement possible la tache. Il ne fallait pas trouer le papier mais aller jusqu’à la limite de sa résistance. Alors on le lissait avec l’ongle avant de reprendre son écriture, espérant avoir atténué les dégâts.
Le pâté restait la hantise de tous les élèves soumis aux exigences de l’écriture droite, développées dans sept cahiers aux titres parlants : Cahier réglé à 4 millimètres pour faciliter les leçons collectives faites au tableau noir, suivis par les cahiers consacrés aux « Lettres majuscules », ou encore aux « Lettres minuscules bouclées ».

Cahier de géographie – 1958 (collection privée)

Quand la maîtrise était acquise, il était possible d’effectuer de nombreux exercices graphiques comme la réalisation d’une carte de géographie. Il fallait écrire le titre et les régions importantes en lettres majuscules, employer pour le reste les lettres minuscules bouclées ou pas. Le buvard était bien sûr un auxiliaire précieux pour sécher l’encre et pouvoir continuer son travail, mais aussi pour estomper son coloriage en faisant disparaître les traits de couleur trop appuyés. Les marques de l’époque avaient bien compris toute l’importance du buvard et l’utilisaient comme support publicitaire auprès des élèves. Avec un avion de chasse Fouga Magister en pleine ascension, le buvard des réglisses Zan séduisait en priorité les garçons tout comme celui des Petites voitures Norev. Les adeptes de la lecture appréciaient particulièrement les buvards des journaux Vaillant ou Spirou. Il y avait aussi les buvards offerts par les producteurs locaux comme ceux de la fromagerie Picon de Saint-Félix. Deux morceaux de fromage sont très fiers de leur progéniture, une belle boite de crème de gruyère. Le décor est coloré, sur fond de montagnes et de vertes prairies. Des buvards à conserver, comme le conseille la Manufacture de laines à tricoter d’Annecy connue pour sa marque Aux trois fées.

Buvard à conserver (Collection particulière)

Dès l’arrivée du stylo à bille, les buvards, gommes et autres encriers vont être envoyés rapidement aux oubliettes.

Buvard (collection particulière)

Avec lui, la France et le petit monde des écoles entrent sans le savoir dans l’ère du jetable. Au début des années 50, le stylo à bille a déjà un passé qui remonte à l’avant guerre. C’est un journaliste hongrois, José Ladislav Biro, qui en 1938 invente le stylo bille moderne en employant une encre à séchage rapide pour alimenter non une plume mais une bille. L’invention est brevetée en 1943 par Ladislav Biro qui cède son brevet au français Marcel Bich à la sortie de la guerre. Ce dernier va l’améliorer encore et en faire un objet extrêmement agréable, facilitant l’écriture que la plume rendait fastidieuse. Rien n’est négligé pour que le stylo à bille entre dans tous les foyers et dans tous les cartables. Le prix extrêmement bas de 50 centimes est rendu possible par une production en grandes séries. Le côté pratique dont le modèle Cristal, lancé en 1952, est la parfaite illustration avec son tube en plastique transparent qui permet de suivre le niveau d’encre. Innovation supplémentaire, la couleur du capuchon annonce celle de l’encre.
Le marketing est enfin la dernière arme. Le stylo est nommé BIC en raccourcissant à trois lettres le nom de son « inventeur ». Une appellation facile à retenir pour « mieux pénétrer les esprits et le langage », lit-on dans Le stylo BIC : le succès d’une sacrée tête de bille. Une campagne publicitaire menée par l’affichiste Raymond Savignac achève de rendre le stylo sympathique avec la mise au point du célèbre slogan : « elle court elle court la pointe BIC ».
Peu à peu, l’écriture à l’aide d’une plume va céder la place au stylo à bille. Désormais, même le beau stylo à plume Waterman ou Mont-blanc, que l’on offrait aux communiants perd de son prestige. Fini le gratte papier célèbre pour son application à former de belles lettres. On lui préfère la bille bien plus en phase avec l’accélération de la société.

Jean-Louis Hébrard

Le temps des grands barrages

Dans la grande geste de la reconstruction et modernisation de la France d’après 1945, la réalisation de grands ouvrages sur les fleuves et dans les montagnes tient une place importante. Comme aux USA ou en URSS, les puissances du moment, notre pays parvient pour la première fois à dompter le plus fougueux de nos fleuves, le Rhône. C’est en 1947, à Génissiat, que se concrétise cette performance. Bien d’autres réalisations suivront, effectuées sous la direction de la Compagnie Nationale du Rhône, la CNR. Plusieurs chantiers gigantesques sont entrepris ou achevés en altitude, principalement dans les Alpes où certains noms marqueront les mémoires, à l’exemple de Tignes dont le drame est relaté en mai 1952 par L’Agriculteur Savoyard dans un article intitulé Les dernières maisons de Tignes ont été dynamitées. En quelques lignes, le journal campe ainsi la tragédie qui depuis des années a passionné l’opinion : « Tignes n’est plus qu’un gigantesque amas de ruines fumantes, en partie recouverte par les eaux. Jusqu’au dernier moment M. l’abbé Pélissier avait conservé l’espoir que le clocher serait épargné et qu’il demeurerait au fond du lac, symbole de la cité disparue. Le recours en grâce a été rejeté. Tignes est morte et bien morte ». Cette « geste électrique », qui bouleverse et passionne le public, donne lieu à de nombreux reportages mais aussi à des films, tel en 1956 La meilleure part du réalisateur Yves Allégret avec Gérard Philipe en vedette.

Affiche du film La Meilleure Part
Gérard Philipe à l’affiche (collection privée)

En 1955, le tournage de ce film dramatique franco-italien se déroule dans la région de Modane sur le site de la construction du barrage d’Aussois, plus précisément celui de Plan d’Amont. Entre 1952 et 1956, l’édification de ce barrage-poids de 47mètres de haut vient compléter la retenue du barrage de Plan d’Aval. Dans son ouvrage consacré aux Barrages de Savoie, publié dans la revue L’Histoire en Savoie, Maurice Messiez insiste sur leur intérêt stratégique consistant à fournir en énergie « la soufflerie d’Avrieux, récupérée comme dommage de guerre, montée par l’Office national de recherches aéronautiques, d’une puissance de 100 000 CV ».

Les barrages de Plan d’Amont et Plan d’Aval
Les barrages de Plan d’Amont et Plan d’Aval (collection privée)

Lorsque Plan d’Amont est achevé en 1956, l’ensemble des deux retenues fournit près de 300 millions de KW au total. Mais la construction des énormes piles en béton aura demandé des efforts à une importante main d’œuvre qui va lourdement être frappée par des accidents du travail souvent mortels. C’est dans un contexte semblable que s’inscrit l’intrigue du film d’Yves Allégret. Durant plus d’une heure, au cœur du chantier de construction, on suit la vie d’une équipe de travailleurs dirigée par un ingénieur joué par Gérard Philipe. À son arrivée, il est informé de la mort d’un ouvrier qui a chuté d’un pilier de 40 mètres de hauteur. L’ingénieur chef va alors tout faire pour qu’évoluent les conditions de travail de ses hommes. Le film tourné sur place vaut principalement pour son contenu documentaire plus que pour son intrigue bien faible aux yeux de la critique. Cette dernière ne peut qu’insister sur la tonalité humaniste pour sauver un film qui ne vaut que par la présence de sa seule grande vedette. Les spectateurs du Foyer Albanais ont dû quand même vibrer au cours de sa projection tout en découvrant les images d’un grand chantier savoyard proche.

Illustration d'un barrage et de sa salle des machines dans un manuel du certificat d’études.
Illustration dans un manuel du certificat d’études (collection privée)

Le barrage est aussi un acteur bien présent dans les manuels scolaires qui préparent au certificat d’études. Manuel de géographie pour les localiser, livre de sciences appliquées pour étudier la production du courant électrique, permettent aux enfants du baby boom de se préparer au monde des tourne-disques, robots ménagers, machines-outils qui s’installe peu à peu dans leur quotidien. Les leçons sont précises, fort documentées, se terminant toujours par un court résumé de ce type : « Le courant est produit dans une centrale par un alternateur entraîné par une turbine ; dans une centrale hydro-électrique, c’est l’eau d’une chute ou d’un barrage qui actionne la turbine ». Au fil des années, les cartes de géographie accompagnent l’extension des infrastructures comme pour celles réalisées sur le Rhône depuis le barrage « d’origine », celui de Génissiat. Car cet ouvrage inauguré après guerre est le résultat d’une véritable épopée commencée avant le second conflit mondial. L’ouvrage appelé le Niagara français est célébré par le gouvernement qui voit dans son achèvement « un signe indiscutable de la renaissance de la France », auquel participent les grandes entreprises françaises que sont Électricité de France, la toute jeune entreprise nationale créée par la nationalisation de 1946, et la Compagnie Nationale du Rhône. Dans une France où l’urgence est partout, il faut répondre à tous les besoins d’un pays où les coupures de courant vont rester fréquentes jusqu’en 1950.

Carte maximum présentant le barrage de Génissiat et le timbre associé
Carte maximum présentant le barrage et le timbre associé (collection particulière)

Lorsqu’en janvier 1948 Robert Lacoste, Ministre de la production industrielle, vient inaugurer l’imposant ouvrage, il félicite les constructeurs puis célèbre le gigantisme de l’ouvrage, « le plus formidable barrage de l’Europe occidentale avec ses conduites forcées de la taille d’une maison, sa digue épaisse de cent mètres à la base » avant d’insister sur les capacités de production fournies par « cinq turbines, cinq alternateurs produisant 1 600 000 000 kilowatt heures soit plus du dixième de la production hydroélectrique française ». Avant de devenir un élément du patrimoine industriel français, Génissiat est immortalisé par d’innombrables reportages, films d’actualité, photographies et bien évidemment par un timbre. Ce dernier, de couleur rose carminé et d’une valeur de 12 francs, est l’œuvre du graveur et dessinateur Antonin Barlangue. Émis à deux millions d’exemplaires, il permet de se faire une bonne idée de l’importance de l’ouvrage que l’on découvre en vue plongeante de l’aval vers l’amont. Le lac de 23 kilomètres, les 140 mètres de hauteur de la digue, se dévoilent d’un seul coup d’œil. Lorsque le timbre est collé sur la face « image » d’une carte postale, constituant ainsi une carte maximum, l’effet est encore plus saisissant. Il fallait bien tout cela pour célébrer le retour du pays dans le concert des grandes nations industrielles et son entrée dans ce que l’on nommera plus tard les Trente glorieuses.

Jean-Louis Hébrard

Une publication de Kronos reconnue par le Crédit Agricole

Lors de la semaine du sociétariat, la caisse locale du Crédit Agricole des Savoie d’Entrelacs, représentée par son président René Granger, a remis un chèque de 840€ à l’association Kronos pour la parution de son livre sur le couronnement de la Rosière, tradition chère aux habitants d’Entrelacs.

Rédigé par deux passionnés, Bernard Fleuret et Jean-Louis Hébrard, cet ouvrage retrace cent ans d’histoire sur l’évolution de la condition féminine, à travers l’élection d’une jeune fille méritante au titre de Rosière. On y découvre également une fête communale unique en Savoie, remarquable par sa durée, qui relève aujourd’hui du domaine patrimonial et culturel.

Engagé sur le terrain comme le sont également les associations, le Crédit Agricole des Savoie partage avec elles les mêmes valeurs mutualistes : proximité, responsabilité et solidarité. Il lui est donc évident de soutenir les projets des associations et de les accompagner au quotidien pour les aider à agir pour tous.

Le Crédit Agricole des Savoie pense qu’une grande banque doit être utile à l’économie réelle, à la formation, à la culture, au sport et à tout ce qui préoccupe les Savoyards, notamment dans le monde associatif. À travers ses caisses locales et ses sociétaires et en soutenant les initiatives locales, le Crédit Agricole des Savoie contribue ainsi au développement de son territoire.

Ouvrage disponible sur www.kronos-albanais.org et à la supérette Spar à Albens

La carte postale pour documenter l’histoire locale de l’Albanais avant 1900

Le musée de Rumilly vous invite à une conférence de Jean-Louis Hébrard :

La carte postale pour documenter l’histoire locale de l’Albanais avant 1900

À travers une série de 60 cartes postales, la conférence permet de suivre les transformations que connaît alors la Savoie (agriculture, transports, tourisme…) pour terminer sur quelques vues des villes proches

Jeudi 14 novembre 2024 à 18h15

Musée de Rumilly, Place de la Manufacture

Entrée libre et gratuite

Réservations au 04 50 64 64 18

Kronos participe à l’échange intergénérationnel 2024

Échange intergénérationnel 2024

Jeudi 17 octobre après-midi, dans la salle d’animation d’Albens, s’est déroulée une rencontre intergénérationnelle organisée par la commune d’Entrelacs. Les classes GS/CP/CE de l’école des Allobroges avaient travaillé au préalable sur le thème de la vie quotidienne dans les années 1940/1950. De nombreux ateliers étaient proposés : vieux métiers (fabrication de cordes, de fourches, tressage de l’osier et du noisetier, production du pain) ainsi qu’un atelier d’écriture à la plume. De nombreux objets étaient aussi exposés, grands et petits ont pu ainsi découvrir les vieux téléphones, les fers à repasser, les anciennes cartes scolaires et bien d’autres souvenirs.

Stand du pain – stand des cordages
Stand du pain – stand des cordages

Les enfants ont débuté cette après-midi par des chants avant d’aller voir les artisans mais aussi de s’essayer à tenir un porte-plume et à utiliser le buvard. Tout s’est achevé par un goûter offert.

L'atelier d'écriture à la plume
L’atelier d’écriture à la plume

Une occasion pour Kronos d’aller à la rencontre des enseignantes, des jeunes scolaires, des parents qui accompagnaient les classes et des plus anciens.

Jean-Louis Hébrard

Vélo, mobylette et vespa

Pour la jeune génération d’après 1945, la « petite reine » a bien moins la cote qu’au temps de Front populaire. Peut-être qu’elle veut oublier les temps difficiles de l’Occupation où elle était le seul moyen abordable pour se déplacer. À l’orée des années 50, on délaisse donc le « biclou » pour les nouveaux engins à moteur. Le premier Solex circule dès 1946, suivi rapidement en 1949 par la Mobylette de Motobécane. Encore quelques années et une guêpe, la Vespa, arrivera d’Italie avec ses couleurs attrayantes et son allure dans le vent.

Des vélos pour se déplacer (archives kronos)
Des vélos pour se déplacer (archives kronos)

Toutefois, une partie encore importante de la population reste attachée au vélo. Dans la famille cycliste, on relève ceux qui à la campagne n’ont pas d’autres moyens de déplacement, particulièrement les femmes et enfin ceux pour qui la bicyclette est un loisir. Le Chasseur Français, mensuel très populaire à l’époque, fourmille de publicités célébrant la robustesse des cycles Manufrance produits à Saint-Etienne : « Pour vos enfants, pas de bonnes vacances sans une vraie bicyclette », peut-on lire dans le numéro 642 d’août 1950. La publicité précise que ces bicyclettes : « ne sont pas des jouets, mais la copie en réduction des modèles pour homme et pour dame… toutes ont roue libre, deux freins, et sont livrées avec pompe et sacoche garnie ».

Une réclame du Chasseur Français (collection privée)
Une réclame du Chasseur Français (collection privée)

Dans le numéro de novembre 1950 de la même revue, ce sont les bicyclettes Hirondelle qui font l’objet d’une publicité en pleine page. On met en évidence « une présentation élégante et de bon goût », mais on insiste aussi sur leur solidité : « les bicyclettes Hirondelle durent toute une vie et conservent indéfiniment leur bel aspect de neuf ». L’achat d’un cycle reste un évènement important dans la vie, rendant possible une certaine autonomie. Dans le bourg d’Albens, les clients peuvent choisir les modèles qui leur conviennent chez Louis Rivollet après le passage à niveau, mais aussi chez Joseph Reithler ou Jean Lacombe dans le village. Avec l’essor du niveau de vie, il ne faut plus en 1957 qu’une cinquantaine d’heures de travail pour l’achat d’un modèle courant à 16 000 francs. Si la production annuelle diminue lentement durant les années 50, la bicyclette n’en reste pas moins bien présente dans les films comme dans les chansons. En 1947, Bourvil connaît le succès avec une chanson comique pleine de double sens, À bicyclette. En jouant sur le double sens du mot « coureur », il fait de cette composition d’Étienne Lorin et de René Laquier une chanson mythique. Le cinéma n’est pas en reste si l’on pense au célèbre facteur à vélo du film Jour de fête de Jacques Tati, ou de l’œuvre plus dramatique du cinéma italien Le voleur de bicyclette, un film néoréaliste de Vittorio de Sica sorti en 1948.
Si la bicyclette est encore bien présente dans les films, c’est un peu moins le cas sur les routes, où elle rencontre la concurrence des engins motorisés comme les cyclomoteurs. De petite cylindrée, consommant peu de carburant, ils font leur entrée sur le marché avec la célèbre Mobylette. Engin hybride dont le nom résulte de la contraction entre mobile et bicyclette, la mobylette est à l’origine un modèle et une marque déposée pour un cyclomoteur de chez Motobécane. De la bicyclette, on a conservé le cadre, la taille des roues et des pneus, la selle et le guidon. C’est le petit moteur d’une cylindrée inférieure à 50cm3 et le petit réservoir qui en font un engin motorisé capable de rouler à 35 km/h en ne consommant que 2 litres aux 100 kilomètres.

Manufrance produit le cyclomoteur Hirondelle
Manufrance produit le cyclomoteur Hirondelle

L’entreprise Motobécane, premier constructeur français du moment, se lance alors dans la production massive de Mobylettes pour faire face au succès du Solex. Elle organise un atelier de montage approvisionné par sa division bicyclette pour les cadres et pour les moteurs par celle des motos.

Motobécane 125 « dans son jus »
Motobécane 125 « dans son jus »

Très vite, trois cents Mobylettes sortent chaque jour de l’atelier qui montera en puissance pour fournir jusqu’à 6 000 machines par mois. Mais pour concurrencer durablement le Solex, il faut gagner la guerre du prix. En effet, le cyclomoteur « ultra minimaliste » qu’est le VéloSolex coûte 5 000 francs de moins qu’une Mobylette. La différence est impossible à surmonter. En 1953, on va produire 100 000 VéloSolex, trois fois plus dix ans plus tard. Très léger, le petit engin motorisé rencontre un large public féminin mais pas seulement. Le cinéma en est la preuve. Pour sa première apparition sur les écrans en 1952, on peut voir Brigitte Bardot circuler à VéloSolex, mais c’est avec Jacques Tati que l’engin revient régulièrement sur les écrans. Monsieur Hulot, son personnage mythique, ne se déplaçant qu’à VéloSolex dans Mon Oncle ou encore dans Les vacances de Monsieur Hulot.

Publicité pour le VéloSolex (collection privée)
Publicité pour le VéloSolex (collection privée)

Une nouvelle venue va faire son apparition sur les écrans comme dans les rues au milieu des années 50, la Vespa. Dans Vacances romaines sorti en 1953, ce scooter transporte dans les rues de la Ville éternelle la très souriante Audrey Hepburn avec sur le porte bagage un autre monstre du cinéma, Gregory Peck. Avec son allure fuselée, la Vespa, mise au point en Italie dès 1949 par l’entreprise Piaggo, va conquérir le marché européen car elle véhicule des images de liberté, de sportivité et de jeunesse. Toutefois, elle n’est pas à la portée de tous, son prix équivalant alors à trois mois de salaire d’un employé. C’est un engin très astucieux qui reprend des techniques venues de l’aviation. En effet, en ruine après la guerre, l’usine aéronautique Piaggo a dû se reconvertir. La Vespa rapidement mise au point va se distinguer des autres motocyclettes. Les concepteurs utilisent des procédés de l’aéronautique comme la fixation latérale des roues, employée pour les trains d’atterrissage. Mais ils innovent aussi en montant directement le moteur sur la roue arrière par l’intermédiaire de la boite de vitesses. De ce fait, la chaîne de transmission disparaît. Il est alors possible de dégager une place pour les pieds à l’avant et de protéger les jambes par un carénage. La Vespa possède ainsi une allure bien particulière qui fait dire à Enrico Piaggo : « Elle a l’air d’une guêpe ». Ce scooter (un terme signifiant trottinette en anglais) permet d’atteindre 55km/h avec son moteur 2 temps. Il va marquer la fin des années 50 et toute la décennie suivante. Aujourd’hui, pour de toutes autres raisons, le développement des mobilités douces semble nous faire replonger dans ces années d’après guerre.

Jean-Louis Hebrard