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Kronos participe à l’échange intergénérationnel 2024

Échange intergénérationnel 2024

Jeudi 17 octobre après-midi, dans la salle d’animation d’Albens, s’est déroulée une rencontre intergénérationnelle organisée par la commune d’Entrelacs. Les classes GS/CP/CE de l’école des Allobroges avaient travaillé au préalable sur le thème de la vie quotidienne dans les années 1940/1950. De nombreux ateliers étaient proposés : vieux métiers (fabrication de cordes, de fourches, tressage de l’osier et du noisetier, production du pain) ainsi qu’un atelier d’écriture à la plume. De nombreux objets étaient aussi exposés, grands et petits ont pu ainsi découvrir les vieux téléphones, les fers à repasser, les anciennes cartes scolaires et bien d’autres souvenirs.

Stand du pain – stand des cordages
Stand du pain – stand des cordages

Les enfants ont débuté cette après-midi par des chants avant d’aller voir les artisans mais aussi de s’essayer à tenir un porte-plume et à utiliser le buvard. Tout s’est achevé par un goûter offert.

L'atelier d'écriture à la plume
L’atelier d’écriture à la plume

Une occasion pour Kronos d’aller à la rencontre des enseignantes, des jeunes scolaires, des parents qui accompagnaient les classes et des plus anciens.

Jean-Louis Hébrard

Vélo, mobylette et vespa

Pour la jeune génération d’après 1945, la « petite reine » a bien moins la cote qu’au temps de Front populaire. Peut-être qu’elle veut oublier les temps difficiles de l’Occupation où elle était le seul moyen abordable pour se déplacer. À l’orée des années 50, on délaisse donc le « biclou » pour les nouveaux engins à moteur. Le premier Solex circule dès 1946, suivi rapidement en 1949 par la Mobylette de Motobécane. Encore quelques années et une guêpe, la Vespa, arrivera d’Italie avec ses couleurs attrayantes et son allure dans le vent.

Des vélos pour se déplacer (archives kronos)
Des vélos pour se déplacer (archives kronos)

Toutefois, une partie encore importante de la population reste attachée au vélo. Dans la famille cycliste, on relève ceux qui à la campagne n’ont pas d’autres moyens de déplacement, particulièrement les femmes et enfin ceux pour qui la bicyclette est un loisir. Le Chasseur Français, mensuel très populaire à l’époque, fourmille de publicités célébrant la robustesse des cycles Manufrance produits à Saint-Etienne : « Pour vos enfants, pas de bonnes vacances sans une vraie bicyclette », peut-on lire dans le numéro 642 d’août 1950. La publicité précise que ces bicyclettes : « ne sont pas des jouets, mais la copie en réduction des modèles pour homme et pour dame… toutes ont roue libre, deux freins, et sont livrées avec pompe et sacoche garnie ».

Une réclame du Chasseur Français (collection privée)
Une réclame du Chasseur Français (collection privée)

Dans le numéro de novembre 1950 de la même revue, ce sont les bicyclettes Hirondelle qui font l’objet d’une publicité en pleine page. On met en évidence « une présentation élégante et de bon goût », mais on insiste aussi sur leur solidité : « les bicyclettes Hirondelle durent toute une vie et conservent indéfiniment leur bel aspect de neuf ». L’achat d’un cycle reste un évènement important dans la vie, rendant possible une certaine autonomie. Dans le bourg d’Albens, les clients peuvent choisir les modèles qui leur conviennent chez Louis Rivollet après le passage à niveau, mais aussi chez Joseph Reithler ou Jean Lacombe dans le village. Avec l’essor du niveau de vie, il ne faut plus en 1957 qu’une cinquantaine d’heures de travail pour l’achat d’un modèle courant à 16 000 francs. Si la production annuelle diminue lentement durant les années 50, la bicyclette n’en reste pas moins bien présente dans les films comme dans les chansons. En 1947, Bourvil connaît le succès avec une chanson comique pleine de double sens, À bicyclette. En jouant sur le double sens du mot « coureur », il fait de cette composition d’Étienne Lorin et de René Laquier une chanson mythique. Le cinéma n’est pas en reste si l’on pense au célèbre facteur à vélo du film Jour de fête de Jacques Tati, ou de l’œuvre plus dramatique du cinéma italien Le voleur de bicyclette, un film néoréaliste de Vittorio de Sica sorti en 1948.
Si la bicyclette est encore bien présente dans les films, c’est un peu moins le cas sur les routes, où elle rencontre la concurrence des engins motorisés comme les cyclomoteurs. De petite cylindrée, consommant peu de carburant, ils font leur entrée sur le marché avec la célèbre Mobylette. Engin hybride dont le nom résulte de la contraction entre mobile et bicyclette, la mobylette est à l’origine un modèle et une marque déposée pour un cyclomoteur de chez Motobécane. De la bicyclette, on a conservé le cadre, la taille des roues et des pneus, la selle et le guidon. C’est le petit moteur d’une cylindrée inférieure à 50cm3 et le petit réservoir qui en font un engin motorisé capable de rouler à 35 km/h en ne consommant que 2 litres aux 100 kilomètres.

Manufrance produit le cyclomoteur Hirondelle
Manufrance produit le cyclomoteur Hirondelle

L’entreprise Motobécane, premier constructeur français du moment, se lance alors dans la production massive de Mobylettes pour faire face au succès du Solex. Elle organise un atelier de montage approvisionné par sa division bicyclette pour les cadres et pour les moteurs par celle des motos.

Motobécane 125 « dans son jus »
Motobécane 125 « dans son jus »

Très vite, trois cents Mobylettes sortent chaque jour de l’atelier qui montera en puissance pour fournir jusqu’à 6 000 machines par mois. Mais pour concurrencer durablement le Solex, il faut gagner la guerre du prix. En effet, le cyclomoteur « ultra minimaliste » qu’est le VéloSolex coûte 5 000 francs de moins qu’une Mobylette. La différence est impossible à surmonter. En 1953, on va produire 100 000 VéloSolex, trois fois plus dix ans plus tard. Très léger, le petit engin motorisé rencontre un large public féminin mais pas seulement. Le cinéma en est la preuve. Pour sa première apparition sur les écrans en 1952, on peut voir Brigitte Bardot circuler à VéloSolex, mais c’est avec Jacques Tati que l’engin revient régulièrement sur les écrans. Monsieur Hulot, son personnage mythique, ne se déplaçant qu’à VéloSolex dans Mon Oncle ou encore dans Les vacances de Monsieur Hulot.

Publicité pour le VéloSolex (collection privée)
Publicité pour le VéloSolex (collection privée)

Une nouvelle venue va faire son apparition sur les écrans comme dans les rues au milieu des années 50, la Vespa. Dans Vacances romaines sorti en 1953, ce scooter transporte dans les rues de la Ville éternelle la très souriante Audrey Hepburn avec sur le porte bagage un autre monstre du cinéma, Gregory Peck. Avec son allure fuselée, la Vespa, mise au point en Italie dès 1949 par l’entreprise Piaggo, va conquérir le marché européen car elle véhicule des images de liberté, de sportivité et de jeunesse. Toutefois, elle n’est pas à la portée de tous, son prix équivalant alors à trois mois de salaire d’un employé. C’est un engin très astucieux qui reprend des techniques venues de l’aviation. En effet, en ruine après la guerre, l’usine aéronautique Piaggo a dû se reconvertir. La Vespa rapidement mise au point va se distinguer des autres motocyclettes. Les concepteurs utilisent des procédés de l’aéronautique comme la fixation latérale des roues, employée pour les trains d’atterrissage. Mais ils innovent aussi en montant directement le moteur sur la roue arrière par l’intermédiaire de la boite de vitesses. De ce fait, la chaîne de transmission disparaît. Il est alors possible de dégager une place pour les pieds à l’avant et de protéger les jambes par un carénage. La Vespa possède ainsi une allure bien particulière qui fait dire à Enrico Piaggo : « Elle a l’air d’une guêpe ». Ce scooter (un terme signifiant trottinette en anglais) permet d’atteindre 55km/h avec son moteur 2 temps. Il va marquer la fin des années 50 et toute la décennie suivante. Aujourd’hui, pour de toutes autres raisons, le développement des mobilités douces semble nous faire replonger dans ces années d’après guerre.

Jean-Louis Hebrard

Réglisse et roudoudou

Les années 50 inaugurent l’ère des gentils matraquages publicitaires. Ceux de La Pie qui Chante comptent parmi les plus aboutis. Les auditeurs sont abreuvés de la célèbre petite ritournelle « Y’a une pie dans l’poirier, j’entends la pie qui chante… ». Ces publicités assurent la notoriété d’une marque dont les bonbons sont partout en vente. Son animal emblématique fait référence au monde des fables que tous connaissent, école oblige. On retrouve l’oiseau sur les buvards de classe qui affirme « Plus maligne que Maître Corbeau, la Pie qui Chante garde ses bonbons pour les enfants sages ».

Porte clé (collection privée)
Porte clé (collection privée)

Sur les paquets très colorés, une sympathique pie, au bec largement ouvert, laisse échapper un chant mélodieux, avertissant les enfants en pique-nique que maman vient d’ouvrir l’enchanteur paquet de bonbons. Le retour en force des sucreries sonne la fin de l’univers du manque qui fut celui des années de guerre et d’occupation. « Durant plusieurs années après le conflit mondial, le sucre fut une denrée rare. On le remplaçait par la saccharine » écrit Bernard Demory dans son livre de souvenirs, Au temps des cataplasmes. Point de véritables bonbons. Le premier que j’ai connu « s’appelait le chocolat enrobé. C’était une sorte de Carambar composé d’une pâte de fécule sucrée enveloppée d’une mince couche de chocolat. Je dus attendre l’été 1949 pour découvrir les véritables bonbons », introduits par les Américains. Des confiseries qui trônent bien en vue sur le comptoir des épiceries. Albens comme de nombreux villages de l’époque possède pas moins de six épiceries, dont le magasin Montillet Frères et la toute nouvelle Étoile des Alpes.

Publicité début des années 50.
Publicité début des années 50.

C’est un univers merveilleux pour les enfants qui peuvent dévorer des yeux les grands bocaux en verre remplis de sucreries ou le Pierrot gourmand en céramique portant son alléchant éventail de sucettes.

Buste Pierrot gourmand, dessin et collage.
Buste Pierrot gourmand, dessin et collage.

Pour consommer, les enfants, qui ne disposent pas encore d’argent de poche, doivent gagner les quelques pièces nécessaires à la satisfaction de leur gourmandise. Le pécule ne se composait que de quelques pièces gagnées ici et là. On est volontaire pour aller chercher le pain, pour ramasser l’herbe des lapins ou encore déconsigner les bouteilles et récolter ainsi quelque menue monnaie. Il y a aussi la stratégie qui consiste à quémander les restes de monnaies après les courses avec maman. Ceux qui avaient un franc étaient déjà fortunés car souvent c’était plutôt les pièces de 20 ou 50 centimes qui tintaient dans les poches. Aussi, posséder une belle pièce de cinq francs était une véritable aubaine, un graal rendant possible les beaux achats avec les copains.

Le sésame pour les bonbons (collection privée)
Le sésame pour les bonbons (collection privée)

En sachet, en bâton ou en rouleau, la réglisse a toujours des adeptes parmi les gourmands. Chacun avait sa façon de consommer le ruban de réglisse enroulé comme un escargot autour d’une dragée de couleur. On le partageait en petits morceaux entre copains mais on pouvait aussi le savourer en solitaire. Une façon très amusante consistait à saisir le rouleau dans ses dents puis à le laisser pendre doucement et le grignoter centimètre après centimètre. Les bombons Car en Sac étaient souvent consommés de façon compulsive en rassemblant dans sa main une bonne poignée de ces dragées colorées dont on se remplissait la bouche. Le bâton de réglisse en bois demandait une consommation lente et assidue. Il était mâché consciencieusement donnant à son extrémité jaunâtre une allure de pinceau touffu. On pouvait le laisser un temps pour en reprendre le sucement plus tard.

Des bonbons encore d’actualité.
Des bonbons encore d’actualité.

Le « bonbon coquillage » évoque alors les vacances au bord de mer que l’on voit dans les films ou que certains, plus chanceux, découvrent alors. Son nom qui relève des expressions enfantines n’est autre que le roudoudou. Édouard Bled, bien connu des écoliers décrit ainsi ce bonbon : « sorte de sucre mou, coloré en rouge, vert ou jaune ». Une sucrerie que l’écrivain Paul Vialar replace aussi dans un lycée de ses romans où « le concierge vendait des roudoudous et des chocolats fourrés ». Le contenant dans lequel il est coulé fait son succès, en l’occurrence un vrai coquillage de praire. « Tu te souviens comme on aimait le manger jusqu’au bout », raconte Françoise dans son blog, « ça coulait un peu sur le menton, qu’importe si on ressortait tout collant ». Qu’importe donc, puisqu’on pouvait garder ensuite ce petit coquillage blanc qu’on aimait tant. C’est pourquoi il bénéficiait d’un avantage sur les autres bonbons en sucre cuit comme les berlingots ou les sucres d’orge. Mais cet univers sucré allait connaître sa révolution américaine avec l’arrivée sur le marché des pâtes à mâcher, c’est-à-dire le chewing-gum. Les fines plaquettes vertes des Hollywood chewing-gum sont bientôt concurrencées vers 1958 par le double rouleau rose du Malabar.

Faire des bulles avec Malabar (collection privée)
Faire des bulles avec Malabar (collection privée)

Le chewing-gum à la menthe profite du nom mythique de la capitale du cinéma américain qui fait rêver avec ses films et ses stars. C’est l’époque où sort dans les salles La fureur de vivre avec l’extraordinaire James Dean. Aussitôt Hollywood chewing-gum lance le mot d’ordre de « la fraîcheur de vivre ». On entre dans une ère nouvelle, celle d’une jeunesse qui mâchouille sans cesse. Elle fait la désolation des maîtres et maîtresses d’école qui luttent avec courage contre cette invasion. L’arrivée des malabars inaugure les concours de bulles dans les cours de récréation. Ce n’est pas très esthétique mais follement amusant. C’est beaucoup moins vrai pour la manie qui consiste à coller le chewing-gum usagé sous les pupitres et les chaises, au risque d’une sévère punition. Cette pratique peu hygiénique entraînait en fin d’année scolaire une remise en état des tables et chaises avec une séance collective de décollage et grattage. Mais qu’importe, le vieux monde triste des parents et grands-parents se trouvait emporté par l’explosion d’une énorme bulle rose de chewing-gum.

Jean-Louis Hebrard

Forums des associations de Saint-Félix et d’Albens : on y était !

Samedi 6 septembre 2024, dans la cour de l’ancienne école maternelle de Saint-Félix, Kronos avait installé son stand. Grâce à Viviane Fay de l’AEMC qui s’est occupée de la logistique, nous disposions d’une table, de chaises et d’une prise de courant afin d’alimenter un ordinateur et présenter, grâce à un power- point, notre dernier ouvrage « Couronnement de la Rosière à Albens ».

Marius, Bernard et Jean-Louis tiennent le stand (cliché Kronos)

Bernard Fleuret a eu l’occasion de rencontrer les élus locaux, le maire de Saint-Félix, Alain Bauquis, ainsi que la conseillère départementale, Fabienne Duliège. Nous avons aussi noué de nombreux contacts avec les associations voisines ainsi qu’avec les curieux d’histoire locale attirés par nos publications. Nous leurs avons aussi indiqué l’adresse de notre site. Des adhésions ont ainsi été enregistrées.

En pleine discussion avec des curieux d’histoire (cliché V. Fay)

Le lendemain, nous étions présents au forum des associations d’Albens avec une équipe encore plus étoffée (Jean-Louis, Bernard, Annie, Raymond, Marius et parfois Gérard).

L’équipe au stand d’Albens (cliché Bernard Fleuret)

Nous avons aussi rencontré beaucoup d’intérêt auprès des visiteurs, répondu à de nombreuses sollicitations. C’est pourquoi une équipe étoffée est un véritable atout pour pouvoir répondre aux nombreuses demandes d’information lorsque plusieurs personnes nous interpellent en même temps. Des ventes (deux livres, une revue), des promesses d’adhésion, s’inscrivent à l’actif de cette matinée.

Remercions la municipalité d’Entrelacs, son maire Jean-François Braissand et toutes les équipes pour cette belle réussite.


Jean-Louis Hébrard

À Radio Grand Lac – jeudi 22 août 2024

Ce jeudi matin, sous un beau soleil, nous nous sommes retrouvés dans les studios de Radio Grand Lac, avenue Saint-Simon à Aix-les-Bains.

Jean-Louis, Charlène, Bernard

Confortablement installés, équipés de nos casques, nous avons pu présenter le nouveau livre de Kronos Couronnement de la Rosière à Albens. Bien installée entre son grand-père, Bernard Fleuret, et le vice-président de Kronos, Jean-Louis Hébrard, Charlène Fleuret (100ème rosière) a répondu en premier aux questions de Jean-Pierre Germain.
Durant près d’une heure, ce fut le temps d’expliquer l’origine de cet ouvrage qui couche sur le papier l’histoire d’une tradition unique en Savoie, mettant à l’honneur une jeune fille impliquée dans la vie locale. Ce fut l’occasion d’évoquer le souvenir de Benoît Perret, le fondateur de cette fête, et de raconter l’évolution de la condition féminine entre 1922 et 2022. Ce passage en studio a été trop rapide pour pouvoir relater toutes les anecdotes concernant cette tradition, anecdotes que les lecteurs pourront retrouver dans ce bel ouvrage de 128 pages, aux éditions GAP.
Merci à Sandra Baud qui a été aux manettes durant tout notre passage en studio, à Jean-Pierre Germain au micro de l’émission. Une belle matinée qui s’est terminée par une sympathique séance photo.

Bernard, Charlène, Jean-Pierre, Sandra et Jean-Louis.

Vous pourrez prochaine écouter cette émission en podcast.


Jean-Louis Hébrard

Le temps du plastique

Après la Libération puis durant les années 50, l’industrie pétrochimique, portée par le vent du modernisme, déverse en abondance sur la société toute la gamme des matières plastiques. Par leurs usages très variés, elles entrent « dans les petits objets de la vie de tous les jours ». Désormais, dans toute la maison et particulièrement dans la cuisine, les formes évoluent, la couleur entre dans le quotidien. Impossible d’imaginer à l’époque que cet univers allait devenir « vintage » un demi-siècle plus tard.
« Formica, c’est formidable ! », proclament à longueur de pages les magazines féminins. La publicité vante d’abord le côté résistance de cette matière merveilleuse : « la préparation de vos plats se fera à même le Formica qui ne craint ni les chocs, ni les graisses, ni la chaleur, car ce remarquable revêtement résiste à tant de choses ». Dans un univers qui semble accumuler les petites catastrophes, le Formica devient une assurance « tous risques ». Les réclames qui en énumèrent une liste sans fin vous rassurent : « Sans importance, le verre renversé, l’encrier répandu, la cigarette oubliée ». Dans un monde de maladroits ou de négligents, le Formica résiste aussi aux « frottements répétés, à l’eau bouillante, à l’alcool, aux acides usuels, à l’eau de mer, aux gribouillis des enfants ». Cette magie du plastique se heurte parfois à la réalité, comme en témoignent alors les marques de brûlures laissées sur le beau Formica par une malencontreuse cigarette.

Le monde magique du Formica (collection privée)

Supportant les agressions, le Formica a comme autre qualité sa facilité d’entretien : « d’un coup de chiffon humide, il retrouve tout son éclat », : mais « un coup de Spontex » peut tout aussi bien faire l’affaire. Mine de rien, tout un changement de mentalité est instillé par une publicité pleine « d’arguments » dont celui de l’amélioration de la vie de la ménagère « libérée de toutes les petites contraintes, de tous les soucis d’entretien ». Cette nouvelle matière fait enfin entrer la couleur dans les intérieurs domestiques avec plus de cinquante coloris en catalogue. Le liseré noir qui borde tables, chaises et buffets accentue par contraste des couleurs éclatantes : jaune citron, rouge framboise, orangé, bleu vif ou vert d’eau. Ces belles surfaces satinées et brillantes disqualifient le traditionnel mobilier en bois. Des surfaces dont le fini incomparable, affirme la publicité, qui s’harmonisent « à merveille aux lignes épurées du meuble d’aujourd’hui ». Les meubles peuvent alors adopter des formes nouvelles avec des courbes audacieuses ou des lignes épurées comme le donne à voir cet intérieur de la fin des années 50. Dans « Mythologies », Roland Barthes pointe en 1955 cette révolution du plastique dont il dit « c’est une substance ménagère, une matière artificielle, plus féconde que tous les gisements du monde ». La même année, Léo Ferré compose « Le temps du plastique », un texte dans lequel l’ironie de l’auteur fait merveille. Les matières naturelles se voient désormais ringardisées au profit du simili, du factice, du toc, de l’imitation.

Intérieur fin années 50 (collection privée)

Peu à peu, le plastique supplante les matières traditionnelles comme la terre cuite et la poterie. Les beaux pichets et les brocs que les nombreux ateliers de l’Albanais ou de la Marnaz produisaient voient le pot à eau en plastique leur souffler la vedette. Il faut dire que le nouveau venu est bien plus sympathique avec son aspect bicolore, sa forme rebondie. Il se fond parfaitement dans le nouvel univers coloré du Formica et illustre la nouvelle façon de penser qui affectionne surtout la légèreté.

C’est léger et moderne (collection privée)

Les pendules de cuisine elles aussi sont entièrement repensées car le plastique, comme le Formica permet d’innombrables audaces tant pour les formes que pour les coloris.

On soigne le visuel (collection privée).

On privilégie les courbes faisant alterner portions concaves et convexes. Les marques Japy, Jaz ou Beroz proposent des créations colorées qui mettent en valeur un cadran clair facilitant la lecture de grands chiffres noirs. Protégées par un verre légèrement bombé, les aiguilles au design moderne sont actionnées par un petit moteur électrique à pile.
Il est un domaine qui résiste à cette marée du plastique, c’est celui des bouteilles et autres récipients en verre. L’explication tient en un seul mot : la consigne des bouteilles. Mise en place dans les années 50, elle permet au consommateur qui verse une somme modique lors du premier achat de retourner les bouteilles à l’épicier. Le client a le choix, soit remplir à nouveau ses bouteilles de vin, de bière, de lait, ou bien de récupérer la somme payée en supplément. Les enfants se chargent alors volontiers de déconsigner les bouteilles, espérant que les parents veuillent bien abandonner les quelques centimes de la consigne. Même s’il faut laver les bouteilles, passer soigneusement l’écouvillon, on aime bien ce système. Il faudra attendre les années 60 et leur matraquage publicitaire en faveur des bouteilles jetables pour que le plastique l’emporte peu à peu.
Aujourd’hui répandu aux quatre coins de la planète, ayant envahi les océans, le plastique jetable n’est plus moderne comme il le fut autrefois. Retournement de mentalité, les récipients et bouteilles en verre consignés ont à nouveau le vent en poupe.

Jean-Louis Hébrard

Kronos, sur la ronde des fours

Cette année, l’association était triplement présente le long du parcours bien connu des randonneurs adeptes de marche, mais aussi de dégustations proposées par les six fours du circuit.
Au départ, une énigme était proposée par Kronos, que l’on pouvait résoudre à l’aide des indices successifs délivrés lors de chaque halte dans un four. Énigme plus difficile cette année, car renvoyant à un individu du haut Moyen-âge (époque mérovingienne).
Avant Braille, les marcheurs étaient accompagnés par Kronos pour une découverte du patrimoine naturel, environnemental et patrimonial du secteur. Sous la conduite de Marius Bonhomme, le sentier des marais, la mare pédagogique du moulin de Crosagny ainsi que les vestiges de la tuilerie Poncini n’avaient plus de secret.

Moulin de Crosagny

Enfin, après avoir atteint Dressy, c’est un stand plus étoffé qui se présentait aux randonneurs. Bien installée entre le four et la chapelle, l’association offrait plusieurs animations patrimoniales.

Une belle fréquentation

D’abord, un stand animé par Yves Dornier, « pédicure bovin », permettait de découvrir l’art de parer les sabots et de ferrer les vaches. À côté de l’ancien étroit à ferrer, une cage moderne avait été installée par le spécialiste, donnant l’occasion d’expliquer une activité autrefois bien présente dans tous les villages.

Quelques fers, clous et sabots permettent de comprendre la technique

Ensuite, la chapelle recevait les curieux qui voulaient admirer le magnifique devant d’autel (ou antipendium), sculpté par Jean-Louis Berthod. Ce dernier, disponible, répondait aux nombreuses questions qui lui étaient posées sur la signification de cette poule protégeant sa progéniture.

Dans la chapelle

Enfin, un stand consacré aux publications de l’association offrait aux randonneurs l’occasion de parler patrimoine et histoire locale, mais aussi de découvrir le dernier ouvrage sur le couronnement de la Rosière d’Albens et d’apprendre que deux élues sont originaires de Dressy.

En plein échange sur le patrimoine

L’association remercie la commune d’Entrelacs/Albens pour l’installation du stand, pour la livraison de paniers repas ainsi que l’équipe du four de Dressy pour la dégustation du jambon à la broche et du pain, et à B. Goddard pour les clichés.

Rappelons que le livre sur la Rosière peut se trouver facilement au magasin SPAR d’Albens, au Tabac Presse de La Biolle ou en commande sur le site www.kronos-albanais.org

La lessive se modernise

La jeune actrice préférée des Français, Brigitte Fossey, fait la couverture de « Bonnes Soirées », l’hebdomadaire complet de la femme, dans son numéro du 13 janvier 1957. Celle qui a bouleversé un vaste public dans « Jeux interdits », un film de René Clément sorti en 1952, va bientôt fêter ses onze ans. Le journal féminin la présente en train de faire la lessive pour son poupon avec cette légende évidente pour l’époque « jeune vedette mais déjà bonne ménagère ».

L'hebdomadaire Bonnes Soirées (Collection particulière)
L’hebdomadaire Bonnes Soirées (Collection particulière)

La brassière qu’elle retire de la lessiveuse est d’un blanc éclatant. Avant de l’étendre derrière elle, elle prend grand soin de s’en assurer. Dans cette couverture, les lectrices sont en droit de s’interroger. De l’actrice ou de la lessive, qui est la vedette ? En cette fin des années 50, le lavage du linge, tâche essentiellement dévolue aux femmes, connaît une véritable révolution technique avec la diffusion de la machine à laver et chimique avec l’apparition des détergents en poudre comme Omo. Cette couverture est un véritable résumé des dilemmes du temps : abandonner la corvée du lavage à la main, renoncer aux détergents traditionnels pour se tourner vers la modernité.
Dans beaucoup de foyers urbains comme ruraux, la grande lessiveuse en zinc ou en fer blanc est l’outil principal de la corvée du linge.

Schéma extrait de l'article lessiveuse Wikipédia
Schéma extrait de l’article lessiveuse Wikipédia

Il fallait au préalable, la veille, avoir fait tremper le linge dans de la lessive. Le jour dit, on démarrait la mise en chauffe. De nombreux témoins se souviennent de l’odeur de la lessiveuse quand le linge commençait à bouillir sur son trépied à gaz. Pendant une bonne heure, l’eau chaude potassée monte dans le tube central et grâce à un champignon placé en son sommet arrose le linge. L’eau savonneuse en redescendant traverse et nettoie le linge que l’on a disposé dans la lessiveuse. Un couvercle permet la conservation de la chaleur et l’assurance d’une lessive réussie. Une fois bouilli, le linge était retiré de la lessiveuse avec un bâton ou de grandes pinces en bois à cause de la chaleur. Ensuite en route vers le lavoir ou le bassin pour le rinçage. Il en existe de nombreux encore visible dans les villages à Bloye, Marline ou Braille ou encore à proximité d’un moulin. C’est le cas de celui qui est conservé en amont du moulin de Crosagny sur le chemin conduisant aux étangs. Le bruit des battoirs et les éclats de voix ont disparu, il ne subsiste désormais que la structure matérielle.

Le lavoir du moulin en 2020
Le lavoir du moulin en 2020

Le travail terminé, on étendait la lessive sur des fils, attachée par des épingles en bois. La revue « Nous Deux », hebdomadaire sentimental de l’époque, donne une image « glamour » de l’étendage. Il est venu la voir à bicyclette et l’a trouvée dans le jardin à côté de l’étendoir. Le vélo posé contre un poteau, il participe au pliage d’un drap. Les autres sont encore suspendus derrière eux. Ils vont avoir le temps de prolonger cette rencontre amoureuse que le journal a intitulé « jeux de plein air ».

Nous Deux, 1951, n°200 (Collection particulière)
Nous Deux, 1951, n°200 (Collection particulière)

Avec quel détergent ces draps blancs ont-ils été lavés ? En ce début des années 50, on fait encore la lessive à la cendre de bois. Sous le titre « Lessives d’autrefois », le site espritdepays.com explique le procédé alors en usage dans les zones rurales : « les cendres récupérées provenaient des fourneaux de la maison et étaient stockées dans des sacs pour être déposées dans le fond des cuviers. Contenant des sels de potasse, ce détergent naturel disposait d’un excellent pouvoir détachant ». Cependant, la révolution moderne va proposer aux ménagères de nouvelles lessives bien plus pratiques, issues de la chimie de synthèse. Elles portent des noms encore connus aujourd’hui comme Persil, Omo, Skip ou encore Bonus. Pour persuader les femmes de les adopter, les firmes comme Procter & Gamble ou Lever, rivalisent de créativité à travers les réclames qui inondent les magasines.

Publicité – Le Chasseur français 1951 (Collection privée)
Publicité – Le Chasseur français 1951 (Collection privée)

« Bébé est terrible ! Heureusement que sa mère, Brigitte Fossey », lit-on dans les pages intérieures de Bonnes Soirées, « s’y connaît en lavage. Avec Omo toutes les taches vont disparaître. Comme elle, faites bouillir avec OMO et vous aurez le linge le plus propre du monde ! ». L’encart publicitaire se termine par le leitmotiv bien connu à l’époque « OMO est là, la saleté s’en va ! ». Dans une autre revue, deux ménagères comparent des torchons qui grâce à une lessive qui lave plus blanc, ont « la blancheur PERSIL ».
La bataille publicitaire va également viser, dès 1958, les enfants afin qu’ils influencent leurs parents pour qu’ils choisissent Bonus. Le procédé est déjà largement employé par le chocolat qui promet une image, un timbre à collectionner. Avec la lessive, c’est la surprise d’un petit jouet, d’un cadeau qui est mise en avant.

Publicité pour la lessive Bonus (Collection particulière)
Publicité pour la lessive Bonus (Collection particulière)

Désormais, les grands lessiviers sont parvenus à faire entrer dans tous les ménages ces poudres, liquides et savons qui accompagnent l’arrivée de la machine à laver. C’est avec le réfrigérateur l’équipement ménager qui est acheté en premier.

Publicité Manu France de 1951 (Collection particulière)
Publicité ManuFrance de 1951 (Collection particulière)

Au début, cet engin est d’une conception assez simple avec une essoreuse à main dont certains témoins se souviennent parfaitement. Gosse, « nous étions souvent requis pour tourner la manivelle de l’essoreuse. Pris entre deux rouleaux en caoutchouc, le linge sortait tout aplati comme une morue ».
Ce petit modèle électrique allait être peu à peu remplacé par des machines plus élaborées, préfigurant celles d’aujourd’hui. C’est ce que mettent au point de nouveaux constructeurs comme Lincoln, Philips, Laden, Vedette… Chacun recherche le meilleur procédé comme le lavage par agitateurs chez Thomson ou le lavage par jets d’eau et vibration mis au point par Philips. Si la machine à laver « libère la femme » comme il est dit à l’époque, elle n’est pas à la portée de toutes les bourses, nécessitant encore 1 000 heures de travail pour l’acheter.


Jean-Louis Hébrard

Benoît Perret, un généreux donateur

En route pour le parcours de santé d’Albens. On apprend par le journal que l’on peut désormais y accéder depuis le parking du cimetière. Randonneurs et cyclistes qui empruntent la rue qui y conduit, prêtent-ils attention au nom qu’elle porte ? Rue Benoît Perret.

rue Benoît Perret

Natif d’Albens, du hameau du Mazet, Benoît Perret fut à la Belle Époque un généreux donateur pour son village. Comme beaucoup de savoyards, il quitte son village pour améliorer sa condition sociale. C’est à Paris, à la Bourse, dans un temple des affaires en pleine expansion qu’il réussit à faire fortune.

La Bourse de Paris

N’oubliant pas pour autant sa famille et son village, il ne va pas cesser d’apporter à tous son aide. Jugez-en plutôt !
L’église nouvellement construite attendait depuis quinze une horloge pour le clocher. Averti, l’enfant du Mazet allait commander en 1885, auprès d’une célèbre maison parisienne, une belle horloge pour la coquette somme de 2 100 francs. Il participe aussi, pour le même édifice, au financement du tympan puis à celui des cloches.

L’église d’Albens

S’il est en 1920 le plus gros souscripteur de la commune pour le financement du monument aux morts, c’est par le legs qu’il fait en 1917 d’un capital destiné à récompenser la Rosière qu’il va entrer dans l’histoire. Établi depuis quelques années à Aix-les-Bains, il décède en 1920, sans avoir vu se mettre en place la fête de la Rosière qu’il avait initiée.

Benoît Perret

Pouvait-il imaginer le destin séculaire de cette fête ? Si comme moi, vous vous posez cette question, cherchez des éléments de réponse dans le nouveau livre Le couronnement de la Rosière à Albens en vous plongeant dans le chapitre intitulé « Le songe de Benoît Perret ».
Un ouvrage disponible au SPAR à Albens, à La Biolle (maison de la presse) ou sur le site www.kronos-albanais.org

Présentation du livre « Couronnement de la Rosière à Albens »

Ce dimanche 14 juillet, jour du couronnement de la 102ème Rosière, l’association Kronos recevait en milieu d’après-midi, à l’Espace patrimoine, un large public venu découvrir le nouvel ouvrage.

Cliché Bernard Goddard
Cliché Bernard Goddard

Un livre qui se veut être, a déclaré J-L Hébrard, « la borne 100 » sur la route de cette tradition de la rosière qui se poursuit aujourd’hui. Il a rappelé l’importance d’un homme, Benoît Perret, dans la genèse de ce couronnement avant de parler de quelques-unes de ces cent jeunes femmes qui ont écrit l’histoire de cette tradition qui fait d’Albens, un cas unique en Savoie.

De Louise Gros en 1923, choisie pour avoir élevé ses nombreux frères et sœurs après le décès de sa mère, aux dernières rosières diplômées du XXIème siècle, que d’évolution.

Louise Gros, première rosière d'Albens
Louise Gros, première rosière d’Albens

Le livre est l’occasion de montrer, à travers elles, comment a évolué la condition féminine dans un bourg, Albens, en pleine transformation sociétale, économique, culturelle et politique (élection en 1945 de la première femme au conseil municipal d’Albens). C’est cette histoire que le collectif d’auteurs et d’autrices a voulu imprimer.
Bernard Fleuret a ensuite passé en revue tous les concours financiers et autres qui nous ont permis de dire « Voilà, nous avons pu le faire ! ». Il a donné ensuite la parole à Claire Cochet, maire déléguée d’Albens qui, au nom d’Entrelacs, s’est félicitée du soutien apporté à ce livre. Claude Giroud, maire honoraire d’Albens, a ensuite mis l’accent sur le marqueur mémoriel de ce livre que de nombreuses familles vont pouvoir longtemps conserver.
Le public a pu ensuite longuement échanger avec le collectif d’auteurs et d’autrices devant le petit buffet proposé par l’association.
En fin d’après-midi, Bernard Fleuret et Jean-Louis Hébrard étaient présents à l’entrée de la salle polyvalente pour une séance dédicace appréciée par un large public.

Séance de dédicaces

Pour ceux qui n’ont pas pu être disponibles ce jour-là et souhaiteraient se procurer l’ouvrage, on peut le trouver en vente au magasin SPAR d’Albens, à la Maison de la presse à La Biolle ou le commander sur le site www.kronos-albanais.org


Jean-Louis Hébrard