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Les enfants avant 1914 – Courage, petit Jacques ! fais ton devoir !

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Elèves regroupés autour du maître d’école à Saint-Germain ou Ansigny, garçons de la classe 1912-1913 et groupe de filles disposé devant la fruitière à La Biolle par le photographe L. Grimal, nous ne manquons pas d’image du très nombreux peuple des enfants.

Dans le monde d’avant 1914, l’enfant unique n’est pas l’idéal familial qu’il deviendra par la suite. Qu’il naisse dans une famille de cultivateur si nombreuse dans le canton ou chez divers artisans et commerçants du bourg d’Albens, l’enfant semble alors le « bienvenu ». L’étude du recensement de 1911, le dernier effectué avant la Grande guerre, laisse bien percevoir l’importance des familles dans lesquelles les fratries de 3 à 6 enfants se rencontrent souvent. N’oublions pas que l’absence de contraception, le discours moral ou religieux ambiant, l’économie avide de bras peuvent être avancés comme autant d’éléments explicatifs.
Tous ces enfants sont alors éduqués dans la « religion du devoir ». Voici un livre de lecture expliquée destiné aux cours moyens. Il s’ouvre par un texte intitulé « Le devoir » ; Jacques travaille courageusement à bêcher son jardinet quand, à cause de la chaleur, il décide de faire une pause et s’endort. Soudain il se réveille, se lève d’un bond, car il vient de se souvenir qu’il a promis à son père de tout terminer avant la nuit. Il se remet aussitôt au travail car, lit-on en conclusion :  « notre petit homme veut tenir sa promesse ».

La rédaction proposée en complément demande de « raconter un fait prouvant que vous avez tenu une promesse faite à votre instituteur ».
Devoir vis-à-vis de son père, de son instituteur prépare l’enfant à un devoir supérieur, celui qu’il doit à la patrie.
« Devoir et Patrie », tel est le sous titre d’un livre très apprécié à l’époque : « La Tour de France par deux enfants ». Comme annoncé dans l’avant-propos, le livre se veut un hymne à la patrie. Faisant l’éloge des ressources nationales après la défaite contre l’Allemagne, il établit la base de la « Revanche ».

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Voyez aussi cette planche d’images d’Epinal intitulée « La petite guerre ». On y voit un groupe d’enfants costumés en soldats, pantalon rouge et veste bleue, repoussant hardiment l’ennemi « prussien ».
Les jeunes « poilus » de 1914 auront tous joué à la petite guerre et appris à lire dans « Le Tour de France par deux enfants ».

Jean-Louis Hébrard
Article initialement par dans l’Hebdo des Savoie

1914 – Préparer les esprits

Cela fait quarante quatre ans que la Savoie et la France gardent le souvenir de ce que Victor Hugo nomma « L’année terrible », c’est-à-dire la guerre de 1870/1871, la défaite face à l’Allemagne, la perte de l’Alsace et de la Lorraine.
Dans de nombreuses communes un monument aux morts rappelle ce douloureux épisode de l’histoire nationale.
La Biolle est l’une d’elles. Le premier cadastre français dressé en 1907 (consultable en ligne sur le site des Archives départementales de la Savoie) permet d’en localiser l’emplacement, au sud de l’église et du cimetière, à proximité de la fontaine publique que surmonte un buste de Marianne. On ignore malheureusement l’aspect qu’il devait avoir.
Les anciennes d’Albens se souvenaient encore en 1914 du temps où, en novembre 1870, le tambour communal avait été mis à disposition de la compagnie des Gardes nationaux mobilisés pour la défense du territoire. Elles pouvaient raconter aux plus jeunes comment, en février 1871, en pleine guerre, Albens s’étant vidé de ses hommes, les chevaux de la commune ayant été vendus au gouvernement, elles s’étaient retrouvées dans l’impossibilité d’acquitter les prestations réclamées par le préfet de Savoie.
Bien d’autres canaux étaient sollicités pour préparer les jeunes esprits à une probable confrontation avec l’Allemagne. Les exercices de « Lecture courante » enseignent aux enfants des écoles du canton les devoirs qu’ils auront plus tard à remplir envers la société et la patrie. L’un d’eux, intitulé « La discrétion pendant la guerre » est très significatif : il héroïse une jeune paysanne des environs de Metz qui, interrogée par des cavaliers allemands à la recherche d’un régiment français, se tait jusqu’au sacrifice ultime. « Je suis Française, dit-elle, et ce n’est pas à moi de dire ce qui peut perdre les Français ».
Les hommes iront au front, les femmes tiendront à l’arrière !
Des ouvrages pour la jeunesse relaient ce discours en dehors de l’école comme ces contes patriotiques publiés par la « Librairie des enfants sages » ; ils mettent en avant le courage, l’obéissance, l’abnégation et le sacrifice.
Ainsi n’est-il pas étonnant de lire dans cette lettre d’avril 1913 invitant les membres d’une amicale patriotique à son banquet, cette envolée finale :  « Nos enfants nous ressemblent ; s’il le faut, ils verseront la dernière goutte de leur sang, encouragés par leurs héroïques mères, pour la défense de notre riche sol, de notre grande patrie : la France, de notre petite patrie : la ravissante Savoie ! Ils sont patriotes comme nous ».
Comment peut-on aujourd’hui se représenter ce « consentement au sacrifice » que les habitants de nos communes allaient accepter dès août 1914 ?

CartePostaleGuerre
Carte postale expédiée à Mognard en 1914

Jean-Louis Hébrard
Article initialement par dans l’Hebdo des Savoie