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Promenade dans l’Albenche

Longue de 9 km, l’Albenche est une petite rivière dont le passé peut être suivi sur plus de deux millénaires. Ses crues, plus violentes et nombreuses à certains moments de l’histoire, n’ont pas empêché les hommes de s’établir très tôt sur ses berges (fin de la préhistoire, -500).

PlanAlbenche

La visite du dimanche 27 mai débute à l’endroit où le torrent de Pouilly rencontre l’Albenche. Cette dernière a pris sa source plus haut sur la commune de Cessens (à 650m d’altitude) et a reçu les eaux d’un grand bassin de réception (Cessens, Saint-Germain, La Biolle et Albens). C’est en arrivant à Albens que la rivière dépose de grosses quantités de terre, sable et pierres arrachées plus haut, formant ainsi un cône de déjection de 2 km de long sur 1,5 km de large. Dans l’antiquité, les Gallo romains y installèrent un village (vicus albanensis) dont il ne reste que quelques vestiges (voir le musée Kronos à l’Espace patrimoine).

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Chaussés de bottes, nous sommes 25 à patauger dans le cours de la rivière qui en cette fin mai présente un petit débit. Nous allons la descendre sur près d’un kilomètre jusqu’au pont sarde qui permet à le D1201 de la traverser. C’est au long de ce trajet que nous allons nous intéresser à tous les aménagements, installations, constructions que les hommes, au fil du temps, ont placé le long de la rivière (scieries, ateliers, digues, lavoirs, ponts, grotte de Lourdes).

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Première halte pour évoquer la scierie Bossu installée juste avant le pont de la Rippe appelé autrefois « pont de la scie ». Il ne reste qu’un petit bâtiment le long de la rivière mais on ne voit plus rien de toutes les installations d’autrefois (canal d’amenée, tourne et autres mécaniques). Le pont de la Rippe franchi, on évoque la pratique religieuse avec la copie de la grotte de Lourdes installée à proximité de la rive droite du cours d’eau. Réalisée dans les années 1930, elle prit la relève d’un petit sanctuaire qui était placé au bas de la Rippe et dont la statue se retrouve dans la grotte ainsi que quelques ex-voto dont un datant de la Grande guerre (voir livre « Se souvenir ensemble » publié par Kronos).

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On aborde ensuite d’autres installations dont il ne reste que les bâtiments (atelier de mécanique, scierie). C’est l’occasion de rappeler que la force de l’eau fut longtemps, avec le vent, très utilisée par les hommes au risque de voir les fortes crues tout emporter. Ce fut le cas du Moyen-âge jusqu’au XIXème siècle, longue période durant laquelle, le climat étant devenu froid et humide, l’Albenche allait connaître des fureurs importantes. En voici certaines qui laissèrent des traces dans les archives.

  • La crue de janvier/février 1315 qui réussit à emporter les meules du moulin de la ville neuve d’Albens (construite à l’emplacement de l’actuel quartier du paradis à partir de 1296). Ces crues vont se répéter : 1305, 1307, 1315, 1318, 1320, 1322).
  • Au XVIIIème siècle, la rivière connaît toujours de telles crues. Nous sommes renseignés par le fait qu’elles menacent alors l’ancienne église (quartier du paradis, secteur du vieux cimetière). En soixante ans, pas moins de six crues majeures dont celle de 1756 pour laquelle le curé écrit ceci « Mardy passé du courant du mois de juin sur les 4h après midy il vint une inondation si forte fondre contre l’église, qu’elle a fait pour ainsi dire un précipice continuel le long du grand chemin tendant de Pouilly à Albens… Je crus l’église perdue, l’eau y entrait par la grande et la petite porte… ».
  • Avec les nombreuses crues du XIXème siècle nous pouvons comprendre le pourquoi de leur violence, particulièrement en hiver. Il neige sur le vaste bassin de réception ensuite un redoux pluvieux survient et tout déborde. Voici ce qu’un témoin relate pour la crue du 15 et 16 février 1812 : « Le ruisseau de l’Albenche, à la suite des pluies et de la fonte des neiges a rompu son lit à Pouilly et causé la plus grande partie du dommage à la grande route et à la route d’Annecy. Dans différents endroits, les chemins ont été coupés par les eaux ».

Notre exploration se terminera après avoir longé la grande digue en pierre achevée en 1914.
Elle prend la relève de nombreuses digues en terre édifiées tout au long du XIXème siècle jusqu’au pont sur la D1201 et mises à mal par la succession des crues.
C’est la dernière crue de 1910 qui provoque l’édification de l’actuel ouvrage en pierres de taille, qui protège encore le centre du village (l’église actuelle construite en 1866, le centre administratif édifié à la fin du XXème siècle sur l’emplacement de l’ancienne cure). Dans la masse de la digue on remarque des escaliers qui donnaient autrefois accès à un lavoir.

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Nous franchissons la D1201 en passant sous le pont édifié à l’époque sarde, l’occasion d’admirer la qualité de l’ouvrage puis nous regagnons la terre ferme et retournons aux Jardins de l’Albenche. Une belle après-midi.