Parmi les nombreux pagi (districts) qui se partageaient la Colonia Vienna sous le Haut-Empire, puis la Civitas Benavensium au Bas-Empire, existait un pagus Dia (nius) ou Dia (nensis), connu par deux inscriptions lapidaires, l’une trouvée à Seyssel (CIL. XII, 2561), l’autre à Hauteville (CIL XII, 2558).
Cette circonscription doit correspondre sensiblement au décanat médiéval de Rumilly et partiellement à celui de Ceyzérieu (Chautagne), s’allongeant du sud au nord, entre le Rhône et une ligne de crêts jouxtant le décanat d’Annecy.
Cette unité coupée en deux par la dorsale du Clergeon était desservie par deux votes romaines bien identifiées : d’une part, la voie impériale de Vienne à Genève par le port de rupture de Condate (Seyssel), bien mis en lumière par P. Dufournet (2) ; d’autre part, la voie secondaire du Val de Fier sur le parcours de laquelle se situait l’important vicus d’Albinnum (CIL XII, 2493-94-95), dont le pagus Albanensis s’étendra plus largement en 1016.

Les travaux de Ch. Marteaux (3) et notre propre contribution (4) nous dispenseront de nous étendre sur Albens même, pour examiner seulement les communes environnantes, dont les vestiges romains sont cependant mal connus, bien que ce terroir fut sans doute peuplé de nombreux habitats, qui restent à repérer.
016. Ansigny (Ansignie au XIIIème siècle) est la plus petite commune du canton. Rien à dire, si dire, si ce n’est son toponyme (5).
043. La Biolle (du latin Betulla : le bouleau). Cette commune de superficie presqu’égale à celle d’Albens (1246 ha), est sans doute la plus riche en vestiges antiques car elle possède cinq inscriptions lapidaires, qui peuvent d’ailleurs provenir d’Albens même.
La première (CIL. III, 2455), trouvée à la chapelle Saint-Antoine de Montfalcon, est l’épitaphe de Lucius Vibrius Octavianus, haut fonctionnaire d’origine africaine, mais inscrit à la tribu Voltinta. Il a occupé successivement les postes de Préfet de Corse.
La seconde (2491), trouvée au même endroit, est une dédicace aux dieux et déesses immortels, pour le salut des empereurs Septime-Sévère et Caracalla. Elle était offerte par un affranchi du nom de Primus Honoratus, au IIIème siècle.
La troisième, (2496), découverte à la Mollière, est une donation au peuple, aux frais d’un personnage inconnu.
La quatrième (2507), trouvée à la chapelle du château, fragmentaire, ne montre que deux lettres.
Enfin, la cinquième (non enregistrée), découverte en 1979, lors d’une prospection au château de Montfalcon, est donation d’un Viennois, Sennius, dont le nom complet figure sur plusieurs inscriptions, sous les noms de C. Sennius Sabinus à Marigny et Sennius Marcianus à Cran-Gevrier.

À ces épigraphes, il faut ajouter quelques trouvailles sporadiques : des colonnes, des poteries, des monnaies et une patère en bronze à Longefan (6), un mur de 15 m de long et deux cimetières, l’un à urnes cinéraires, l’autre à sarcophages en dattes, à la Vignette (7).
Certains toponymes fonciers permettent d’ajouter quelques habitats possibles à Savigny, Tarancy, et Troissy (8).
052. Cessens (Sexent en 1120). Cette commune aussi étendue (1280 ha) est cependant montagnarde, et ainsi, moins susceptible d’antiquités. Notons cependant que son nom peut lui faire supposer une origine ancienne (9), mais les tours de César n’ont rien à voir avec le conquérant des Gaules.
108. Épersy est par contre une petite commune dont l’origine foncière est peut-être antique (10).
238. Saint-Germain-La Chambotte. Cette commune de 720 ha commande un des rares passages possible pour joindre le lac, il a pu être pratiqué comme le col du Sapenay. Une épitaphe (CIL. XII, 2502) y mentionne une certaine Taia Secundia, dont le gentilice est connu à Rumilly.
Avec une présence de tuiles à rebords, on y note deux hameaux, Lassy et Marcens, qui peuvent être des toponymes fonciers gallo-romains (11).
239. Saint-Girod. Cette commune est de superficie voisine (610 ha), mais située en plaine. On y a trouvé à Villette des tuiles à rebords et aussi une statuette en bronze d’athlète, qui figure au musée de Chambéry (12). Le hameau de Marcellaz peut recouvrir un domaine secondaire (13).

Personnage nu, hauteur 11 cm, debout, bras et jambes légèrement écartés ; là main droite tient un objet (petite baguette) ; un manchon entoure le bras gauche ; le pied droit est restauré.
Hercule combattant ?
158. Mognard (Muniata en 1426). Sur cette commune de 395 ha, nous ne pouvons rien signaler, mais elle a pu posséder une ou plusieurs exploitations rurales antiques.
265. Saint-Ours. Commune de 438 ha, elle a le nom d’un martyr de la légion thébaine. Au lieu dit La Forêt, il y aurait un camp que nous n’avons pu retrouver (14). Par contre, on y a découvert des tuiles à rebords, des monnaies et une statuette en bronze déposée au misée de Chambéry (15).

Si on ajoute le territoire d’Albens à ces huit communes, on trouve à ce canton une superficie de 64km², qui est loin de couvrir les 480km² que nous avons limité. Mais ce canton est le noyau principal de plusieurs terroirs, parmi les plus riches de Savoie, juxtaposés : Albanais, Semine et Chautagne.
Pierre Broise, 1991
Article initialement paru dans Kronos N° 7, 1992
Personnage nu, hauteur 9 cm aux formes potelées, obèse : type nain dansant, main droite sur la hanche, main gauche levée et repliée.
L’obésité et le geste de la gauche rappellent l’art étrusque ; l’aspect caricatural évoque l’art hellénistique.
Tête perforée, manquent les pieds.
Dessin d’après le catalogue des collections du musée de Chambéry (1984)
Notes de l’auteur
1) Ch. Marteaux et M. Le Roux Boutae, Annecy 1913, p. 367
P. Broise, Genève et son territoire, Latomus 129, 1974, Bruxelles, p. 42.
2) P. Dufournet, Le carrefour fluvio-routier de Seyssel dans l’Antiquité, colloque sur Alpes, Bourg, 1969, pp. 59-85.
3) Ch. Marteaux, Rev. Sav. 1911, pp. 223-228.
4) P. Broise, Albens dans l’Antiquité, Académie de Savoie, XII, 1981, pp. 75-84.
5) Insigniacus, selon Ch. Marteaux, Rev. Sav. 1913, p. 52
6) Ch. Marteaux, Rev. Sav. 1908, p. 35
7) Ch. Marteaux, Rev. Sa7. 1913, p. 183
8) Sabiniacus, Terentiacus et Trocciacus, selon Ch. Marteaux, Rev. Sav. 1913, pp. 182-184 et A. Gros, Dictionnaire étymologique de Savoie, 1935, pp. 372, 581,550
9) Sextianus, selon A. Gros, Dictionnaire, p. 118, Notons un Sextius à Sale.
10) Spartiacus, selon Ch. Marteaux, Rev. Sav. 1913, p. 185 et Boutae, p. 387
11) Kattiacus, selon Ch. Marteaux, Rev. Sav. 1913, p. 181
Laciacum et Marcianum, d’après A. Gros, Dictionnaire, pp. 300, 322
12) Ch. Marteaux, Rev. Sav. 1913, p. 181
13) Marcellata, selon A. Gros, Dictionnaire, p. 321
14) Selon Trepier, Académie de Savoie, 1859 et Vuarnet, Académie Chablaisienne, 1937 et 1939
15) Ch. Marteaux, Reu. Sav. 1913, p. 185